Le “Tourne-dos”, une restauration en plein air au service de la majorité des Africains

Image des clients devant un restaurant de fortune au Congo Brazzaville ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Vox TV

En Afrique sub-saharienne, la restauration en plein air remplit une fonction importante: elle permet aux couches sociales défavorisées d'accéder à un service essentiel.

Sur le continent, les personnes qui mangent fréquemment dans des restaurants ont un niveau de vie supérieur et représentent une élite économique. Pendant ce temps, la majeure partie des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté en Afrique sub-saharienne dépensent moins de 2,15 dollars américains par jour.

Pour ceux dont la survie reste un défi quotidien, il existe l'option de manger hors de la maison auprès de vendeurs et vendeuses qui cuisinent et vendent des plats chauds à même la rue. Dans les pays africains francophones, ce genre de restauration porte souvent le nom de tourne-dos.

Pour découvrir le terme de tourne-dos, lire : Les mots ont la parole: Épisode #23

Tourne-dos, une alternative abordable pour la majorité

Le “Tourne-dos” est une sorte de restaurant de fortune adapté à la bourse de la grande majorité de la population. Très souvent tenus par des femmes, ces restaurants offrent trois repas par jour toute la journée dans des budgets que peuvent se permettre la plupart des habitants.

Cette vidéo-reportage publié par Media2Africa sur sa page Facebook montre le succès rencontré par ces types de restaurants aux alentours des lieux populaires comme l'Université à Douala au Cameroun. Étudiants et riverains s'y régalent et y trouvent leur compte:

Dans la vidéo, Thierry, un usager des tourne-dos explique sa satisfactions:

C'est ça qui nous sauve. Je ne peux aller dans les grands restaurants pour manger. Je vais trouver l'argent où? Là-bas, les plats sont à 2000 FCFA (3 dollars américains) et on peut dépenser 5000 FCFA (7,9 dollars américains) pour vivre chaque jour. On va s'en sortir comment? On mange au carrefour comme ça pour s'en sortir.

Lire : Les cuisines togolaises à l'honneur au Togo et en Afrique

Dans les tourne-dos, les plats sont à bas prix: à partir de 500 ou 600 FCFA (moins d'un dollar américain). Au Cameroun comme ailleurs en Centrafrique, au Tchad, en République démocratique du Congo (RDC), au Gabon, au Togo, au Ghana, au Bénin, en Côte d'Ivoire, ces restaurants de fortune ont la côte et permettent à toutes et à tous de s'alimenter. Toutefois, cela se fait parfois au détriment du respect des conditions d'hygiène.

Manger à bas prix comporte certains risques

Les tenancières de tourne-dos ne peuvent pas toujours se permettre de respecter toutes les conditions d'hygiène. Difficilement elles ont accès à l'électricité et à la réfrigération, certaines préparent leurs nourritures près de lieux insalubres, d'autres font leur vente aux abords des caniveaux grand ouverts.

Un article de Radio France Internationale (RFI), pointe “les restaurants de fortune comme sources de maladies en raison de la saison sèche à Bangui, en Centrafrique“. Pélagie, une propriétaire interviewée dans l'article, explique:

Pour pratiquer ce commerce, il faut être forte. J'ai installé ces vieux rideaux ainsi que ces morceaux de pagnes pour couvrir le maquis. Ici, je vends des feuilles de manioc, du poulet rôti, du poisson fumé et du gnetum. Je suis consciente que c'est un endroit insalubre, mais on fait avec pour l'instant.

Cette vidéo d’Afrique Santé vient confirmer une situation similaire au Cameroun:

Des aliments sont exposés sans protection aux mouches et autres insectes nuisibles ainsi qu'à des microbes contenus dans les poussières.

En République démocratique du Congo (RDC), Yvette Reine Nzaba, journaliste à l’Agence d'information de l'Afrique centrale (Adiac-Congo) dénonce dans un article intitulé : Hygiène : l’exposition des aliments, un danger permanent pour les consommateurs des pratiques aux risques élevés pour la santé des consommateurs. Elle écrit:

Bien que vendus dans des endroits particulièrement crasseux ou à proximité des décharges d’ordures, ces aliments proposés attirent étonnamment la clientèle qui s’agglutine autour de ces étales, se régalant goulument et ne prêtant guère attention aux mouches et autres insectes qui pullulent aux alentours. Autre constat, des véhicules chargés de transporter les aliments comme du pain, aliment de grande consommation au Congo, laissent à désirer.

Les marchands vendent et les consommateurs achètent tout et n’importe quoi, pourvu qu’ils puissent se remplir le ventre ou étancher leur soif. Un état de fait qui s’est généralisé et qui se passe en toute impunité au vu et au su de tous. Chaque jour, c’est un miracle si les consommateurs ne contractent pas une intoxication alimentaire !

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Devant un tel constat dangereux pour la santé humaine, Nzaba s'étonne que des consommateurs défendent ces pratiques dans l'insalubrité. Hervé, un habitué des lieux, lui répond:

Je viens m’approvisionner souvent ici. Même s’il y a des mouches, je ne suis jamais tombé malade. De toutes les façons, l’organisme d’un noir résiste aux microbes.

Mais certains clients prennent conscience du risque encouru. C'est le cas de Jonathan victime d'une grave maladie qui a décidé de ne plus manger dans rues. Au micro de RFI, il témoigne :

J'ai été hospitalisé pendant plusieurs semaines. La fièvre typhoïde a failli me tuer.  Les véhicules qui passent soulèvent la poussière et dégagent des fumées toxiques. Même les assiettes utilisées pour servir les clients sont parfois mal nettoyées. Après ma guérison il y a deux ans, j'ai pris la résolution de ne plus manger dans les maquis malsains.

Contribution aux économies nationales

L'économie de nombreux pays africains repose essentiellement sur les activités du secteur informel, apportant ainsi une contribution considérable qui est comprise entre 25% et 65% au Produit intérieur brut (PIB) de ces pays. De fait, cette activité de gestion des tourne-dos, qui constitue une source de revenus très importante pour de nombreuses familles contribuent ainsi à l'économie de leur pays.

Pour préserver la santé publique, les autorités des pays africains devraient être plus engagées en sensibilisant les gestionnaires et les clients de ces restaurants sur le respect des mesures d'hygiène.

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