Au Burundi, la reforestation reste un défi majeur

Une image qui illustre l'abattage des arbres dans une forêt au Burundi ; Photo de Ferdinand Mbonihankuye, utilisée avec permission

Cet article est publié dans le cadre de la formation sur la justice climatique en Afrique.

Face au dérèglement climatique, les forêts jouent un rôle crucial dans l’absorption des gaz à effets de serre, principale cause de la dégradation de la couche d’ozone. Au Burundi, bien qu’il existe une réelle volonté de reverdissement du pays, la reforestation peine à être assurée.

D'une superficie de 27.834 km2, le Burundi dispose d'une couverture forestière de moins de 20% du territoire national. En 2020, une publication de Global Forest estime:

En 2020, Burundi possédait 465 kha de forêt naturelle, s'étendant sur 17% de sa superficie. En 2023, elle a perdu 2.35 kha de forêt naturelle, ce qui équivaut à 2.41 Mt d'émissions de CO₂.

Lire : Les faux-palmiers, une espèce menacée d’extinction au Burundi

Dans le pays, la forêt couvre presque le tiers du territoire, mais le déboisement met en péril cette ressource verte unique. Sous la violence des haches, tronçonneuses et des machines, les arbres sont attaqués, laissant place à des espaces où se pratiquent des cultures vivrières, et où se construisent des immeubles ainsi que des routes.

Menaces sur les forêts

Une des principales causes de la déforestation est l’expansion agricole. Les espaces cultivables deviennent de plus en plus réduits alors que les bouches à nourrir sont de plus en plus nombreuses. Les terres forestières sont défrichées pour y cultiver des cultures vivrières.

Tandis que dans le pays, plus de 85% de la population vit en zones rurale, la majorité des Burundais, presque 80%, dépend du bois de chauffage pour la cuisine. Cet état de fait accélère la vitesse de la déforestation dans le pays.

Les feux de brousse, souvent allumés intentionnellement pour défricher des terres agricoles ou pour la chasse représentent une autre menace. De plus, l'exploitation illégale du bois et le manque d’une réglementation efficace aggravent la situation. A cela, s'ajoute la demande élevée en charbon de bois dans les zones urbaines. Cet élément essentiel dans la préparation des aliments se fait de plus en plus rare et de plus en plus cher parce qu'il est très utilisé dans tous les centres urbains. Sous l'anonymat, un fonctionnaire interrogé par Global Voices se plaint:

Le prix du charbon de bois a triplé. Le coût de la ration journalière varie dans la même proportion mais le salaire reste fixe.

Ceux qui construisent des maisons de plaignent également de la montée du prix des planches dans un contexte où l’inflation atteint 38,1% en janvier 2025.

Réactions insuffisantes des autorités burundaises?

Face à cette situation, les autorités burundaises semblent ne pas réagir pour mettre fin aux déboisements, comme le note Sylvain [nom d'emprunt] un habitant interviewé par Global Voices :

On cultive, on construit, on trace des routes, bref on détruit, ces habitations de plusieurs espèces d’animaux qui constituent de bonnes sources de revenus sur le plan touristique!

Cette situation est aussi confirmé par certains experts. Intervenant lors d’une conférence-débat sur le sujet, tenue le 28 janvier 2025 à l’Institut français de Bujumbura, capitale du Burundi, Philippe Guizol, forestier et scientifique social travaillant avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) au Burundi indique :

On observe une inertie des autorités burundaises dans le domaine de la protection des forêts de 2000 à 2025, dans ce pays densément peuplé aux paysages variés agro- sylvo- pastoraux avec une biodiversité unique. Le Burundi doit réfléchir s'il doit refaire des boisements industriels, investir beaucoup plus sur l'agroforesterie et l'agroécologie.

Le gouvernement certes a lancé certaines initiatives. Interviewée par Global Voices, Alphonsine Kanyange, chercheuse à l’université du Burundi en sciences et gestion intégrée de l’environnement, soutient que :

Le Burundi a mis en place plusieurs initiatives pour protéger et réhabiliter ses forêts. Parmi les initiatives les plus significatives figure le projet national de reforestation lancé en 2018 qui vise à restaurer le couvert forestier du pays.

L'un des projets du gouvernement burundais dénommé “ Ewe Burundi Urambaye” qui peut littéralement se traduire par  « Un Burundi bien habillé » a été mis en place pour sensibiliser la population à l'importance de la protection des forêts. Le programme comprend l’éducation environnementale en impliquant les écoles et les organisations communautaires.

Une artiste résume le dilemme socio-économique: Jeanne IRAKOZE, jeune slameuse et membre d'un groupe Regional Youth Steering Committee, déclame lors de la conférence-débat [citée plus haut] tenue le 28 janvier 2025, un poème:

Quand les arbres parlent, Il faut qu'on les écoute,

Réhabilitation forestière, c’est l’appel qu’on lance,

Un futur vert , pas juste un rêve, mais une chance.

 

Les forêts, c’est plus que des racines et des branches,

C’est l’air qu’on respire, c’est la vie qui s’élance.

C’est des rivières qui coulent, des sols qui se renforcent,

C’est le climat qu’on protège, et c’est la planète qui force,

Et quand on en abuse, on se révolte.

 

La révolte!

La nature nous parle,

Mais à peine on l'écoute;

Des crises climatiques ,

À cause de l’homme, on  tourne pas la page,

Les forêts sont en danger;

 

La déforestation frappe fort, et  ça fait mal,

Des conséquences néfastes on en voit une centaine,on souffre fort;

Pourtant la réhabilitation reste un  chemin idéal, qu'on ignore.

Lire : Forêts et parcs en RDC et au Burundi victimes de l’infertilité des terres 

Les initiatives de réhabilitation forestière nécessitent des investissements importants notamment pour la replantation d’arbres, la gestion des ressources naturelles et la sensibilisation des communautés locales.

Mais le Burundi dispose d'une économie précaire et fait face à des contraintes budgétaires sévères. Le manque de financements publics et privés pour soutenir les projets à long terme est un obstacle majeur.

La dépendance vis-à-vis des aides internationales souvent insuffisantes et irrégulières limite aussi la capacité du pays à mettre en place une réhabilitation forestière durable.

Seule une volonté politique forte et des moyens adéquats pourront changer la donne dans un domaine critique pour le bien-être des futures générations

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