
Image de Hervé Mukulu, rédacteur en chef de Green Afia ; Photo utilisée avec permission
En Afrique, de nouveaux médias se positionnent comme des acteurs clés dans la lutte contre la dégradation de l'environnement ainsi que le changement climatique.
La sauvegarde de l'environnement est l'affaire de toutes et tous. Sur le continent africain, hommes politiques, acteurs de la société civile, experts, scientifiques, militants et activistes climatiques, jeunes et diverses personnalités s'engagent dans la lutte pour une justice climatique. C'est plus rare pour les médias, mais en République démocratique du Congo (RDC), Green Afia se donne pour mission de promouvoir l'éducation verte. Dans un échange via WhatsApp, Hervé Mukulu, rédacteur en chef de Green Afia explique à Global Voices la vision de la justice climatique portée par cette plateforme francophone.
Jean Sovon (JS): Quelle est votre particularité par rapport aux autres médias en RDC?
Hervé Mukulu (HM): Green Afia Magazine est un média spécialisé dans l’éducation verte. Cela se fait à travers la réalisation de reportages, d’ investigations, d'études, de séances de réflexion et de sensibilisation sur les défis environnementaux et sanitaires dans le bassin du Congo. Nos thématiques de prédilection sont le climat, la biodiversité, la santé, l’agriculture et tout ce qui est relatif à l’environnement.
Notre spécificité est d’être un média de data-journalisme axé sur l’environnement. Les défis tout comme les solutions résilientes pour lesquels nous avons le devoir d’amplifier les voix, sont plus clairement compréhensibles quand ils sont présentés en chiffres, cartes et graphiques.
JS: Quelles sont vos principales difficultés et comment les surmontez-vous?
HM: Les thématiques liées à l’environnement exigent du temps pour comprendre toutes les facettes du problème. Du temps pour accéder aux experts, aux données chiffrées et aux témoignages qu’il faut nécessairement recouper car ne donner qu’une version du problème peut s’avérer être très destructeur. Du temps, pour comprendre les efforts qui sont menés pour résoudre ces problèmes. Qui dit temps suppose aussi moyens financiers et techniques pour mener une investigation. Jusque là, nous ne sommes mus que par la passion du journalisme de solution. Nous déployons les efforts nécessaires pour atteindre les personnes et les ressources et accéder aux données en sacrifiant notre temps et nos moyens personnels pour réaliser nos reportages.
Lire notre couverture sur La Justice Climatique dans le contexte Africain
JS: Quel rôle jouent les médias en RDC dans la problématique du changement climatique ?
HM: Un pays comme la RDC dans la région du Bassin du Congo, miné par la guerre comme principale actualité, l’instinct de survie pousse à ce que les informations sécuritaires prennent la part du lion dans le besoin informationnel des populations. Or nous montrons que tout cela est lié: les défis économiques, sécuritaires, sociales qu’engendrent cette crise sécuritaire engendrent aussi des défis environnementaux qui méritent notre attention. Face aux défaillances des services régaliens, il est possible de mener des actions locales pour un impact global. Ainsi nous donnons la voix aux solutions résilientes locales. En tant que Green Afia, nous sommes témoins du fait que les actions visant la lutte contre le changement climatique ne sont pas exogènes: elles sont internes et locales. C’est pourquoi nous participons à la promotion des solutions locales en les faisant connaître du grand public. Nos reportages ont toujours une visée éducative pour informer et former notre audience sur les défis environnementaux. Dans chaque domaine, il existe des savoirs locaux ou des adaptations qui résolvent des problèmes utiles à la communauté. Les faire connaître aidera les autres. Nous donnons la voix à ces savoirs.
JS: Quelle est votre vision de la lutte pour la justice climatique en Afrique et que faites-vous concrètement pour l'atteinte de cette vision?
HM: Moins pollueurs, les pays pauvres payent pourtant un lourd tribu au changement climatique. Ils n’ont pas non plus de moyens suffisants pour mener la riposte et prendre les mesures d’adaptation nécessaires contre ces effets. Les pays pauvres et les petits pays insulaires sont ainsi doublement victimes de la faute d'autres pays. C'est aux pays pauvres non-polluants que devraient revenir la part de lion dans l’attribution des crédits-carbone et toute autre rétribution.
Sans rester dans la victimisation, ces pays savent qu’à chaque problème chacun peut donner une solution. Ce ne sont pas nécessairement les grands pollueurs qui doivent venir mettre des actions de gestion des déchets plastiques que nous importons de notre propre gré. Au niveau local, il est possible d’initier des mécanismes de gestion si la bonne volonté est présente. Ce sont ces petites actions locales qui, si elles répercutent, peuvent avoir des résultats grandioses. Si pour les populations africaines, le changement climatique peut entraîner de grands défis comme des inondations, des canicules, les pays développés sont en mesure d’y faire face. Mais en Afrique, dans les milieux ruraux surtout, il est encore difficile de se faire consulter même pour le malaria. Les efforts locaux qui sont menés méritent donc d’être soutenus.
Notre devoir est de participer à l’effort local. Green Afia Magazine se focalise sur la région du Bassin du Congo qui est la deuxième plus grande forêt tropicale au monde après l'Amazonie, et joue donc un rôle très important dans la régulation du climat mondial. Toutefois, il est confronté à plusieurs défis liés au changement climatique, comme la conservation de la biodiversité. Une conservation responsable qui tient compte des besoins des populations autochtones qui dépendent de cette mère nature pour répondre à leurs besoins de survie au quotidien. Cette situation exige de nous d'éduquer et de sensibiliser toutes les parties impliquées dans la conservation: la population locale car elle doit en être le premier acteur, les institutions gouvernementales et les ONG dont parfois les agents profitent de l'ignorance des populations moins instruites d'un point de vue scolaire, prétendument pour la conservation de la nature. Et surtout il faut promouvoir le savoir autochtone pour des solutions locales qui participent à un objectif global.
Lire notre cahier spécial: RDC, pauvre malgré sa richesse
JS: Quelles sont vos plus grandes réussites ?
HM: Nos plus grandes réussites, ce sont d’abord, les retours des lecteurs qui témoignent qu’ils apprennent beaucoup de nos papiers et ceux qui sont reconnaissants des haut-parleurs que nous donnons à leurs actions et qui finissent par avoir les résultats escomptés. Nos plus grandes réussites, c’est de rédiger des articles qui sont primés et appréciés dans des concours.