Opposition massive à la méga ambassade chinoise à Londres : enjeux et motivations

Affiche de mobilisation pour la manifestation du 15 mars 2025 devant l'ancien complexe de la Monnaie royale à Londres. Via l'utilisateur X @benedictrogers. Utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Plus de 6 000 manifestants se sont rassemblés à l'ancien Royal Mint Court à Londres le 15 mars 2025 à l'effet de manifester contre le projet d'une méga ambassade de Chine. La manifestation, menée par des groupes de défense des droits de Hong Kong, des Tibétains, des Ouïghours, des Taïwanais et des résidents locaux, était la deuxième manifestation de masse exigeant du gouvernement travailliste qu'il bloque le projet d'ici deux mois.

De nombreux manifestants croient que la méga ambassade de la Chine servirait de « poste de police secrète » qui exécuterait la répression transnationale du gouvernement chinois contre les dissidents politiques.

Des manifestations contre le projet d'une ambassade chinoise géante sont apparues au début du mois de février 2025 après que les ministres britanniques des Affaires étrangères et de l'Intérieur, sous l'égide du Premier ministre travailliste Keir Starmer, aient indiqué que le gouvernement soutiendrait le projet de la Chine visant à transformer le site historique de l'ancienne Royal Mint Court en ambassade.

Le complexe immobilier de deux hectares, situé près de la Tour de Londres, a été vendu à la Chine en 2018 pour la nouvelle ambassade de ce pays à Londres. Si le projet est approuvé, il s'agira de la plus grande ambassade d'un pays dans tous les pays européens. Cependant, le Conseil municipal de Tower Hamlets a bloqué le permis de bâtir, citant les risques potentiels pour la sécurité publique causés par les fréquentes manifestations. La police londonienne partage les préoccupations du Conseil.

Pourtant, vers la fin de l'année 2024, le gouvernement travailliste britannique est intervenu et a annulé la décision du Conseil local, en soulignant « l'importance pour les pays d'avoir des représentations diplomatiques fonctionnelles dans leurs capitales respectives » et a proposé que la controverse soit résolue lors d'une audience publique à la mi-février et qu'une décision finale soit prise d'ici mai 2025.

Pékin aurait engagé une société de conseil, Lowick, pour soumettre à nouveau le projet après que le leader du parti travailliste, Sir Keir Starmer, soit devenu Premier ministre à la mi-2024.

Lorsque le gouvernement travailliste a exprimé son soutien au plan du gouvernement chinois, la police londonienne a cessé de s'opposer au projet et le Conseil local a également décidé de ne pas s'y opposer :

La police métropolitaine a soudainement abandonné son opposition à la « super ambassade » chinoise suite à une étude financée par Pékin.

Elle a affirmé que les preuves décisives étaient « nouvelles ».

Lorsque j'ai contesté cette information, la police a admis qu'il s'agissait d'un vieux document utilisé dans le cadre d'une demande antérieure de permis de bâtir.

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— Gabriel Pogrund (@Gabriel_Pogrund) 26 janvier 2025

Une coalition de plus de 30 groupes de défense des droits humains a alors décidé de faire pression à travers des manifestations. La première manifestation a eu lieu une semaine avant l'audition publique, le 8 février 2025. Les manifestants craignent que la méga ambassade ne serve de centre d'espionnage pour la Chine et ne facilite la répression transnationale. Le caricaturiste politique originaire de Hong Kong, @vawongsir, a visualisé les messages dans un dessin humoristique :

Le groupe de défense des droits humains Safeguard Defenders a découvert que les autorités chinoises ont mis en place plus de 110 « stations de service » dans 53 pays afin de surveiller et d'intimider les dissidents et les criminels chinois en 2022. Après enquête, la police britannique a demandé à Pékin de fermer trois stations au Royaume-Uni en 2023.

Un rapport d'Amnesty International datant de 2024 souligne également que les autorités chinoises ont activement surveillé et harcelé les étudiants chinois et hongkongais qui étudient à l'étranger afin de les empêcher de participer à des manifestations et à d'autres activités et groupes politiques pendant leur séjour à l'étranger. Le rapport soulignait :

The Chinese authorities’ assault on human rights activism is playing out in the corridors and classrooms of the many universities that host Chinese and Hong Kong students. The impact of China’s transnational repression poses a serious threat to the free exchange of ideas that is at the heart of academic freedom, and governments and universities must do more to counter it.

L'attaque des autorités chinoises contre l'activisme des droits humains se déroule dans les couloirs et les salles de classe de nombreuses universités qui accueillent des étudiants chinois et hongkongais. L'impact de la répression transnationale de la Chine constitue une menace sérieuse pour l'échange libre d'idées, qui est au cœur de la liberté académique, et les gouvernements et les universités doivent en faire davantage pour y faire face.

Le Royaume-Uni est le premier choix des étudiants de Chine continentale qui souhaitent poursuivre des études à l'étranger. Pour l'année universitaire 2022/23, plus de 156 000 étudiants chinois se sont inscrits à des programmes d'enseignement supérieur au Royaume-Uni.

Lors de la dernière manifestation, la participation massive des manifestants a mis en évidence les problèmes de sécurité publique, car la circulation vers le centre de Londres serait bloquée par des véhicules de police, des manifestants et des officiers de police pendant les manifestations :

Preuve que la zone réservée aux piétons autour de la Royal Mint n'est PAS suffisante pour contenir la foule qui proteste contre la #MegaEmbassy chinoise. Un manifestant a été FORCÉMENT repoussé par un policier et est tombé lorsqu'il a accidentellement mis le pied sur la chaussée parce que la zone réservée aux piétons était pleine. https://t.co/ZKVq7LX9Em pic.twitter.com/txcONOSsbK

— Catrina Ko🇺🇦🇹🇼🇭🇰 (@dr_CatKo) 15 mars 2025

De nombreux manifestants étaient de nouveaux immigrés originaires de Hong Kong. Après le lancement par le gouvernement britannique du visa spécial pour les ressortissants britanniques de Hong Kong en 2021 en réponse à l'imposition par la Chine de la loi sur la sécurité nationale dans l'ancienne ville coloniale, plus de 150 000 Hongkongais se sont installés au Royaume-Uni sur une période de trois ans. Les nouveaux résidents craignent de continuer à subir le harcèlement transnational de Pékin, même s'ils ont quitté Hong Kong. Benedict Rogers, cofondateur de Hong Kong Watch, s'est exprimé au nom des Hongkongais lors de la dernière manifestation :

🚨 EN DIRECT devant le Royal Mint Court : Notre administrateur @benedictrogers souligne les menaces de répression transnationale posées par une super ambassade de Chine, et exhorte le gouvernement britannique à bloquer l'établissement de l'ambassade pour protéger les Hongkongais et les autres personnes qui considèrent le Royaume-Uni comme leur foyer.

Puisque les Ouïgours expatriés sont les principales cibles de la répression transnationale de la Chine, les groupes d'activistes ouïgours, tels que Stop Uyghur Genocide, basé au Royaume-Uni, ont également été très expressifs dans leur opposition à la méga ambassade :

Notre directrice exécutive @MahmutRahima a partagé des mots puissants lors de la manifestation de samedi contre le projet de méga-ambassade de la Chine.#NoMegaEmbassy #Uyghur #StopUyghurGenocide #Protest pic.twitter.com/UM0JXO5McX

— Stop Uyghur Genocide (@UyghurStop) 17 mars 2025

Des politiciens britanniques du Parti conservateur, dont Iain Duncan Smith, Kevin Hollinrake et d'autres députés, ont rejoint les groupes de défense des droits humains dans leurs manifestations et ont critiqué le gouvernement travailliste pour avoir cédé à la pression de Pékin :

Si le projet d'une nouvelle méga ambassade chinoise à Londres est adopté, il s'agira du plus grand acte de « soumission » de l'histoire britannique. Il s'agit d'une ambassade pour un gouvernement brutal et répressif qui rejette les droits humains, pratique le travail forcé et le génocide. Le Conseil municipal de Tower Hamlets a refusé le permis de bâtir en 2022, invoquant une série de préoccupations, dont l'impact de grandes manifestations sur le site. Permettre à l'ambassade d'aller de l'avant serait un cauchemar. pic.twitter.com/J5TqLCv9IH

— Iain Duncan Smith MP Chingford & Woodford Green (@MPIainDS) 17 février 2025

La secrétaire d'État au Logement, aux Communautés et au Gouvernement local, Angela Rayner, prendra une décision sur la méga ambassade chinoise d'ici le mois de mai, et la décision finale sera un indicateur majeur de la politique du gouvernement travailliste à l'égard de la Chine.

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