Turquie : appel à une journée de boycott économique le 2 avril

Image d'Arzu Geybullayeva pour Global Voices, créée via Canva Pro.

Un mouvement de boycott économique, initié par l'opposition en Turquie, a débuté le 19 mars, jour de l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu. Dans la soirée, Özgür Özel, président du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d'opposition, s'est adressé à la foule rassemblée devant la mairie d'Istanbul. Il a appelé à boycotter les médias pro-gouvernementaux et certaines d'entreprises affiliées au gouvernement, reprochant aux chaînes de télévision de ne pas couvrir les manifestations de grande envergure.

Dans les jours qui ont suivi, alors que les manifestants continuaient à se rassembler au même endroit, Özel a intensifié son appel au boycott. Il a élargi sa liste cible pour y inclure de nouvelles entreprises et marques qui persistaient à diffuser leur publicité sur les chaînes pro-gouvernementales, invitant le public à boycotter leurs produits. Le parti d'opposition a même créé un site Web pour soutenir l'initiative, mais celui-ci a été fermé quelques jours plus tard par décision d'un magistrat spécialisé en matière pénale.

Le 1er avril, rejoignant le mouvement des étudiants à travers le pays, Özel a appelé l'ensemble de la population à participer à un boycott économique d'une journée. « Cessez tous vos achats ! Supermarchés, commerce en ligne, restaurants, essence, café, n'achetez rien ! » a-t-il déclaré. En réponse, de nombreuses entreprises, petites et grandes, ont annoncé à travers le pays la fermeture temporaire de leurs commerces et sites internet en signe de solidarité. Parallèlement, le parquet d'Istanbul a annoncé le 1er avril l'ouverture d'une enquête, estimant que le « discours clivant’ sur les médias et les réseaux sociaux, visant à entraver l'activité économique, constituait ‘un acte de haine et de discrimination’ ainsi qu'une « incitation à la haine et à l'hostilité » selon les rapports des médias locaux.

Par ailleurs, la chanteuse et compositrice norvégienne Ane Brun a annoncé l'annulation de son concert prévu à Istanbul en octobre 2025. Dans une publication Instagram, Brun a écrit : « ce n'est pas le bon moment. » Selon une déclaration de Bianet, c'est la demande de ses fans d'annuler le concert en raison des arrestations et détentions en Turquie qui l'a incitée à prendre cette décision.

Le concert de Brun devait être organisé par DBL Entertainment, une société appartenant à Abdülkadir Özkan. ce sont précisément les propos controversés d'Özkan sur les réseaux sociaux, qualifiant les appels au boycott de « trahison », qui ont déclenché le mouvement de boycott. Özkan a par la suite annoncé que, suite aux réactions négatives provoquées par sa publication, l'entreprise se retirait de tous ses projets en cours.

Le groupe Muse, dont le concert a également été organisé par la même société et qui doit se produire en juin, fait maintenant l'objet de pressions de la part des fans turcs pour annuler sa venue. Parmi les autres artistes invités par les fans à rejoindre le boycott figure notamment Robbie Williams.

L'humoriste sud-africain Trevor Noah, qui devait se produire le 23 avril, a également annulé son spectacle, bien qu'il soit incertain si cette décision est liée au mouvement de boycott.

En outre, le ministre turc du Commerce, Ömer Bolat, a déclaré que les entreprises ciblées par le boycott pouvaient intenter une “action en dommages et intérêts » qualifiant les appels au boycott de « tentative futile ». Il a encouragé la population à continuer normalement ses achats dans les jours à venir, en particulier le 2 avril.

A receipt that says “We are not buying or selling anything on April 2, 2025.” The rest of the receipt reads: “Justice — not found; Empathy — does not exist in the system; Conscience — removed from stock; Tears — on sale; Hope — stocks upgraded; Rights — being searched for; Mercy — based on product; Anger — lots in stock; Youth — sold.”

Un ticket avec l'inscription : « Nous n'achetons ni ne vendons rien le 2 avril 2025. » Le reste du ticket énumère : « Justice : introuvable ; Empathie : absente du système ; Conscience : retirée du stock ; Larmes : en solde ; Espoir : nouveau stock ; Droits : en cours de recherche ; Miséricorde : selon le produit ; Colère : surplus de stock ; Jeunesse : vendue. »

Des images similaires à celle ci-dessus circulent sur les réseaux sociaux. Les éléments listés sur ce reçu ne représentent qu'une partie des thèmes évoqués dans les discours de l'opposition politique et des manifestants. L'un des slogans les plus répandus durant les manifestations était : « Hak, Hukuk, Adalet » (Droit(s), Loi, Justice). La référence à la “miséricorde” évoque une récente décision présidentielle de commuer les peines de prison de 10 personnes, dont deux hommes condamnés dans des affaires médiatisées liées au Hezbollah, tout en maintenant en détention plus de 1000 personnes arrêtées depuis le début des protestations le 19 mars, dont environ 300 étudiants.

En réponse aux appels au boycott, Mehmet Uçum, le conseiller principal du Président, les a qualifiés « d'opérations orchestrées par l'impérialisme. » Le conseiller a complètement passé sous silence les propres déclarations du Président Erdoğan qui, pas plus tard qu'en janvier 2025, affirmait lors d'une réunion de cabinet : « L'une des méthodes les plus efficaces pour faire plier ceux qui vendent leurs produits à des prix exorbitants est le boycott. Notre meilleur atout contre les opportunistes est d'exercer notre liberté de ne pas acheter. » L'enregistrement vidéo de cette déclaration a été massivement partagé sur les réseaux sociaux, accompagné de commentaires soulignant une contradiction flagrante : lorsqu'il s'agit du Président, le boycott est acceptable, mais lorsqu'il vient du peuple, il est condamné.

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