
Sur l'image, on voit l'armoirie nationale du Gabon au milieu entourée des armoiries des neuf provinces du Gabon ; Photo de Jean Sovon, utilisée avec permission
Près de deux ans après un coup d’État militaire, le Gabon retrouve un gouvernement civil, qui reste toutefois mené par un ancien général qui se réinvente comme leader politique.
Peu après la prise de pouvoir par les militaires, le 26 août 2023, le Général Clotaire Oligui Nguema fait, le 4 septembre, cette promesse dans son discours de prestation de serment au peuple gabonais:
Nous entendons remettre le pouvoir aux civils en organisant des élections libres, transparentes et crédibles dans la paix sociale.
En effet, le 12 avril 2025, le Gabon organise des élections présidentielles, après avoir procédé à une réforme constitutionnelle.
Lire : Gabon: une nouvelle constitution pour tourner la page du clan Bongo
Une fois la nouvelle constitution adoptée le 16 novembre et promulguée le 19 décembre 2024, les membres du gouvernement de la transition annoncent début janvier 2025 la date de la tenue des joutes électorales qui est fixée au 12 avril, répondant ainsi à leur promesse d'organiser ces élections présidentielles dans un bref délai. Le 22 janvier, à l'issue d'un conseil des ministres, Séraphin Akure-Davain, porte-parole du gouvernement de transition fait cette annonce qui est citée par le journal Le Monde:
Le collège électoral est convoqué le samedi 12 avril 2025. Le scrutin se déroulera de 7 heures à 18 heures, conformément à la réglementation en vigueur.
Vraie ou fausse transition du militaire au civil?
Ne cachant pas son envie de conserver le pouvoir, le Général Clotaire Oligui Nguema décide de devenir un simple civil. La nouvelle constitution ne précise pas si un militaire en uniforme peut être président, mais pour Nguema, il s'agit de respecter la parole donnée. Lors d'un débat en avril 2025, peu de temps avant la tenue des élections présidentielles, il déclare en effet aux journalistes de Gabon 24 :
Je suis Brice Clotaire Oligui Nguema, j'ai passé 28 ans de carrière militaire avec la discipline, l'ardeur au travail, l'amour pour la patrie et suite à vos appels j'ai renoncé à mon métier de militaire pour vous servir.
Nguema tient beaucoup à cette nuance, comme le rappelle cet article d’Afriksoir datant de mars 2025 :
Je ne suis pas resté figé dans mes bottes de militaire. J’ai toujours dit que nous organiserons des élections libres, transparentes et apaisées en vue de rendre le pouvoir aux civils. Je n’ai jamais dit que je ne serai pas candidat. Ce sont deux phrases différentes. J’ai laissé l’ouverture au peuple. Le jour où le peuple a besoin de moi et qu’il m’appelle, je répondrai, comme c’est le cas aujourd’hui.
Au travers de ses sorties médiatiques et de ses discours, Nguema se pose donc comme un président proche de plus 2,5 millions de Gabonais issus des neuf provinces du pays. Il se montre très détendu comme en témoigne cette démonstration de danse publié sur le réseau X pendant les campagnes présidentielles:
The president of GABON 🇬🇦
Brice Oligui NGUEMA, 🔥 🔥 🔥 pic.twitter.com/kVxrOAotEy— Mike Sonko (@MikeSonko) April 12, 2025
Dans ce nouvel habit de civil, Nguema prétend pouvoir exercer les fonctions de président et chef de l’État du Gabon s'il est élu président. Le processus électoral a enregistré quatre candidats indépendants pour briguer le poste du Palais du Bord de la mer (lieu de la présidence du Gabon). Brice Oligui Nguema (issu de la transition donc sans parti politique), Alain-Claude Bilie-By-Nze, Stéphane Germain Iloko et Joseph Lapensée Essigone, tous de l'opposition.
Selon les résultats provisoires proclamés par le ministère de l'Intérieur au lendemain des élections du 12 avril, l'ex-général de l'armée obtient 90,35% des voix. Le taux de participation est de 87%, selon la même source. Tout président est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois.
La société civile invitée à suivre le déroulement du vote
Dans le pays, les acteurs de la société civile ont suivi de près le déroulement des élections présidentielles. Le Haut Conseil des Acteurs Non Étatiques du Gabon (HCANEG) qui a déployé une mission d’observation électorale dans certaines zones du pays a salué le calme et la maturité des Gabonais. Rêve Itsiembou N’dossy épouse Mangoumba, cheffe de mission de HCANEG déclare au média Gabon Review :
(…)Nous avons constaté une volonté manifeste de l’administration électorale de respecter les délais et les règles du jeu. Nous avons noté une évolution positive en matière de gouvernance électorale (…)
En prélude au jour “J”, le Réseau des Observateurs Citoyens (ROC) qui est une coalition de 12 organisations de la société civile gabonaises mobilisées pour des élections crédibles et transparentes s'est préparé pour accompagner les efforts nationaux. Le réseau a déployé des observateurs issus de toutes les couches sociales de la population. Blandine Siety, une observatrice sourde du ROC indique:
Mon rôle, c’était de vérifier comment les élections se déroulaient dans les bureaux de vote : comment les électeurs étaient accueillis, notamment les personnes en situation de handicap, et si l’armée faisait bien son travail de sécurisation. Je suis allée voir plusieurs centres pour me faire une idée. C’était ma première fois comme observatrice, mais j’ai adoré. J’aimerais vraiment recommencer. Ce modèle m’a beaucoup plu.
Contestation des partis d'opposition
Jean-Remy Yama, Président du Parti National pour le Travail et le Progrès (PNTP) et l'un des candidats dont les dossiers ont été rejetés par la cour constitutionnelle, remet en cause la victoire du nouveau président. Sur son compte X, il écrit:
La victoire d’@oliguinguema à l'élection présidentielle du 12 avril dernier ne doit surprendre personne. Toutes les conditions ont été réunies en amont par l'exclusion des candidats crédibles, pour obtenir les résultats que nous avons aujourd'hui fortement dopés par le bourrage des urnes et l'achat des consciences (argent en espèces contre carte d'électeur prouvant le vote en faveur d'Oligui). L'objectif suprême était de réduire considérablement le taux d'abstention, car en réalité la participation a été très faible. pic.twitter.com/nOOm0v8auk
— Jean-Remy Yama (@Jeanremyyama) April 16, 2025
Bien que cette élection fait rentrer le Gabon dans une nouvelle ère politique, reste à savoir si ce nouveau chapitre dans l'histoire du pays favorisera l'instauration de reformes nécessaires à un développement plus équitable. A ce jour, le Gabon, malgré de nombreuses ressources dans son sous-sol, compte parmi les pays où un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, selon un rapport de la Banque Mondiale.