Afrique : Nelly Gesare transforme les déchets en trésors et révèle le potentiel des entreprises durables sur le continent

Nelly Gesare posing with a her eco-friendly tote bag from Green Thing Kenya.

Nelly Gesare pose avec son sac cabas écologique de Green Thing Kenya. Photo de Green Thing Kenya, utilisée avec permission.

Cet article a été rédigé par Bonface Orucho et initialement publié par Bird Story Agency le 20 mars 2025. Cette version révisée est republiée ci-dessous dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Entrer dans l’une des boutiques écoresponsables de Nelly Gesare au Kenya, c’est comme pénétrer dans un monde en pleine transformation.

Les bouteilles en verre, autrefois jetées comme des déchets, sont désormais de jolis gobelets ou des pots. Des chutes de tissu, sauvées des décharges, ont été transformées en sacs de courses tendance et en éponges réutilisables pour la vaisselle.

Chaque étagère raconte une histoire — non pas de gaspillage, mais de renouveau. C’est l’univers d’une ancienne journaliste qui a su transformer le défi des déchets en une entreprise florissante. Elle a expliqué lors d’un entretien avec Bird Story Agency :

J’utilise Green Thing Kenya pour raconter l’histoire de la durabilité et des opportunités qu’elle offre. Mon objectif est de démystifier la durabilité et de montrer qu’elle ne concerne pas uniquement l’environnement — c’est un changement systémique plus large.

Elle a ajouté :

Nous nous concentrons sur les produits ménagers écologiques, les matériaux recyclés et les textiles durables. Une partie de notre travail consiste à fabriquer en marque blanche pour d'autres marques.

La fabrication en marque blanche désigne un procédé où un produit est fabriqué par un prestataire, puis vendu à d’autres distributeurs qui y apposent leurs propres étiquettes et personnalisations avant de le commercialiser.

Essor des produits respectueux de l'environnement

Green Thing Kenya fait partie d’un ensemble de marques d’upcycling, parmi lesquelles Ecandi, EcoSafi, MokoMaya et d’autres, qui opèrent à Nairobi.

L’essor de ces marques écologiques dans la région reflète une préférence croissante des consommateurs pour les produits durables, selon Cynthia Atieno, experte en durabilité au Programme des Nations Unies pour l’environnement. Elle a expliqué :

Il est extrêmement encourageant de voir des marques comme Green Thing Kenya connaître un succès commercial. Cela confirme que la durabilité n’est pas seulement une mode passagère, mais un marché en plein essor, avec une demande réelle et un potentiel à long terme.

Cette tendance est également en pleine expansion, bien au-delà des grandes villes comme Nairobi.

Dennis Ondari, un entrepreneur de 26 ans originaire de Kisii, qui dirige une entreprise de recyclage de bouteilles en verre depuis décembre 2024, cite la demande croissante pour les produits écologiques comme « la principale source de motivation » derrière le lancement de son activité. Il a expliqué lors d’un entretien téléphonique :

Avant de lancer « Chupa Zone », j’ai travaillé pendant trois ans pour une entreprise de produits écologiques à Nairobi. J’ai été témoin de cette croissance, c’est pourquoi j’ai décidé de reproduire ce modèle ici.

Cependant, Gesare a révélé que lorsqu’elle a lancé son entreprise il y a dix ans, elle ne s’était pas initialement destinée à devenir entrepreneure dans le domaine de la durabilité. Elle a précisé :

En tant que journaliste, mon objectif principal a toujours été de rendre l’information accessible et compréhensible — aussi bien pour le grand public que pour les jeunes générations.

Elle a ajouté :

En 2012, la durabilité était encore un concept très récent. Pour sensibiliser le public, j’ai créé une série télévisée que j’ai proposée aux médias pour lesquels j’avais travaillé auparavant. Cependant, le problème était que ce type de contenu n’était pas une priorité. C’est alors que j’ai décidé de prendre les choses en main moi-même.

Le parcours n’a pas été de tout repos. Sa première tentative entrepreneuriale consistait à fabriquer des pailles métalliques réutilisables, mais l’aventure a été freinée lorsque les coûts de production locaux ont grimpé à un niveau insoutenable : 1 500 shillings (environ 12 dollars américains) par paille. Plutôt que d’abandonner, elle a su trouver une nouvelle voie.

Un tournant est arrivé. J’ai tout perdu. Avec le peu qu’il me restait, j’ai lancé un produit — qui s’est vendu en deux jours. Cette expérience m’a révélé le potentiel d’un business axé sur la durabilité.

A propos de Green Thing Kenya

En quelques années seulement, Gesare a créé bien plus qu’une marque écoresponsable proposant une gamme de produits : elle a montré que chacun peut transformer les déchets en une entreprise florissante. Son modèle contribue non seulement à la préservation de l’environnement, mais aussi à l’autonomisation des communautés locales.

Sustainable home essentials from Green Thing Kenya.

Articles durables pour la maison signés Green Thing Kenya. Photo par Green Thing Kenya. Utilisée avec permission.

L’entreprise collabore avec des femmes récupératrices de déchets, leur offrant un salaire équitable tout en valorisant leur rôle dans l’économie circulaire.

En formalisant la collecte des déchets et en assurant une stabilité financière à ces travailleuses, Gesare démontre que les solutions durables doivent aussi être centrées sur l’humain. Elle a souligné :

« Ma force a toujours été de repérer les talents — de trouver les bonnes personnes et de créer des opportunités pour elles. »

« Aujourd’hui, Green Thing Kenya transforme le verre, les tissus et les plastiques jetés en une large gamme d’articles écologiques, allant des produits de nettoyage biodégradables aux textiles recyclés, comme les éponges réutilisables et les démaquillants. L’entreprise fonctionne également avec un atelier de couture alimenté à l’énergie solaire, garantissant que même le processus de production respecte ses principes de durabilité. »

Gesare a ajouté :

« J’ai aussi récemment créé un atelier de soufflage de verre — le deuxième du genre au Kenya en 30 ans, et le tout premier détenu par une femme kenyane. »

Les obstacles rencontrés par les startups dirigées par des femmes

Alors que Gesare surmonte avec détermination les obstacles majeurs auxquels sont confrontés les entrepreneurs africains, en particulier les femmes, toutes ne bénéficient pas des mêmes opportunités. Beaucoup de femmes en Afrique doivent faire face à des défis spécifiques par rapport à leurs homologues masculins : difficultés liées au genre pour obtenir des financements, stigmatisation sociale, rôles de genre profondément ancrés, sans oublier la complexité de naviguer dans un contexte économique mondial incertain. Elle a souligné :

« Pour beaucoup de femmes entrepreneures, l’accès au financement est souvent jugé en fonction du risque plutôt que du potentiel. À ce jour, je n’ai jamais reçu de subvention. Pourtant, j’ai réussi à passer d’une entrepreneure solo à une dirigeante employant plus de dix personnes à temps plein. »

Les défis liés au financement des startups dirigées par des femmes en Afrique sont peut-être mieux illustrés dans un rapport de 2023 publié par l’organisme de suivi des financements de startups, Africa: The Big Deal.

En 2023, malgré le fait que l’Afrique détienne le taux le plus élevé d’entrepreneuriat féminin au niveau mondial, les startups entièrement féminines ou portées par une seule fondatrice n’ont reçu que 2,3 % des financements totaux destinés aux startups africaines, selon la Banque africaine de développement. Ce pourcentage atteint 15 % lorsque les équipes incluent au moins une femme fondatrice.

Une étude de 2023 réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) révèle que plus d’un quart des entreprises ont été créées ou sont dirigées par des femmes.

En comparaison, en Europe, l’activité entrepreneuriale féminine ne représente que 5,7 %, selon les chiffres de la Banque européenne d’investissement.

Des entrepreneures comme Gesare illustrent la résilience des femmes africaines dans le monde des affaires. Elle déclare :

Je diversifie désormais mes sources de revenus grâce à l’exportation. Depuis ce mois-ci, nous avons commencé à exporter des produits en verre.

Les opportunités inexploitées de l’Afrique dans les éco-produits

Une étude menée par Development Reimagined révèle que, de 1994 à 2021, le commerce mondial des produits environnementaux a fortement augmenté, mais que sa répartition demeure très inégale. La Chine concentre à elle seule 17,3 % des exportations mondiales, tandis que l’Afrique ne pèse que 1 % sur ce marché, avec plus de la moitié de ce volume provenant d’Afrique du Sud. Ces chiffres soulignent le potentiel considérable encore sous-exploité de l’Afrique dans le secteur des éco-produits.

La gamme de produits de Gesare témoigne de la viabilité de ce secteur sur le marché local, avec des milliers de clients qui optent désormais pour des matériaux biodégradables plutôt que pour le plastique, prouvant ainsi que rentabilité et responsabilité peuvent aller de pair.

Les revenus actuels de Green Thing Kenya proviennent de trois catégories de produits : les articles écologiques pour hôtels, les produits d’entretien écologiques pour la maison, et les produits de nettoyage non toxiques.

Certains de ses produits les plus populaires, comme la verrerie, ont rencontré un succès commercial retentissant. Dès son premier mois d’activité, l’entreprise a réalisé plus de 200 000 KES (plus de 1 500 dollars USD) de ventes de produits en verre. Aujourd’hui, elle traite plus de 4 000 bouteilles chaque mois.

La société s’étend désormais au-delà des frontières kényanes. Green Thing a récemment pénétré le marché de l’export, expédiant verrerie et produits écologiques d’entretien à des acheteurs internationaux. Pour soutenir cette croissance, Gesare collabore avec des universités sur des recherches innovantes en durabilité et investit dans des emballages améliorés afin de répondre aux standards mondiaux.

Aux entrepreneurs verts en herbe, son message est clair :

Tu as en toi la capacité de rendre les choses possibles. Quand une chose ne marche pas, c’est souvent une invitation à te réorienter et à explorer ce que tu peux accomplir avec les ressources dont tu disposes.

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