Ghana : le ministère dirigé Sam George représente une grande menace pour la liberté de la presse et les droits des LGBTQ+

Photo of Samuel Nartey George giving a speech.

Photo de Samuel Nartey George prononçant un discours. Image prise par Amuzujoe sur Wikimedia Commons  (CC BY-SA 4.0 Deed).

Ecrit par Abdul-Razak Mohammed

Les rues animées d'Accra vibrent au rythme des commérages entre vendeurs du marché, de l'émission de radio populaire de midi animée par Aunty Naa et de la lueur des écrans de smartphones. Mais derrière ce rythme familier se déroule une bataille plus discrète qui pourrait remodeler la démocratie ghanéenne. Au cœur de cette lutte se trouve Samuel Nartey George, le nouveau ministre de la Communication, des Technologies numériques et de l'Innovation, dont le bureau exerce désormais un pouvoir sans précédent sur ce que les Ghanéens voient, entendent et disent.

Sam George étend le contrôle absolu des médias ghanéens

La récente nomination de Samuel Nartey George au poste de ministre de la Communication, des Technologies numériques et de l'Innovation marque un tournant majeur dans le paysage médiatique et la gouvernance numérique au Ghana. À la tête de cet important ministère, Sam George suit de près l'Autorité nationale des communications (NCA). Cet organisme est chargé de régler toutes les formes de communication, y compris la radio, la télévision et les plateformes numériques. Le mandat de la NCA ne se limite pas à garantir le respect des normes techniques ; elle est également chargée de surveiller les contenus diffusés sur l'ensemble du territoire, en collaboration avec la Commission nationale des médias (NMC). Ce vaste champ de réglementation relève pleinement de la compétence de George, lui conférant un pouvoir considérable sur le débat public. Fort de cette autorité, il façonne non seulement l'environnement médiatique, mais détient également le potentiel de réduire au silence les voix opposantes s et de marginaliser les groupes jugés contraires à sa vision des valeurs traditionnelles ghanéennes.

Au cœur de la controverse entourant sa nomination se trouve la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales de 2024, que ses opposants qualifient d’anti-LGBTQ+, car elle prévoit des peines de prison pour les personnes « ayant des relations sexuelles entre deux personnes de même sexe », dissout toutes les organisations queers au Ghana, et criminalise la promotion des activités LGBTQ+. George a été l’un des parrains de ce projet de loi et l’a vigoureusement défendu. Lors d’une récente intervention médiatique, George a réaffirmé son engagement envers le texte, déclarant que lui et ses collègues l’avaient de nouveau soumis au Parlement. Bien que, le Parlement ait été rappelé après une pause parlementaire, aucune mise à jour officielle n’a été communiquée sur l’état actuel du projet de loi.

Présenté comme visant à préserver les valeurs culturelles et morales ghanéennes, le projet de cette loi criminalise explicitement la “propagande, la promotion et le plaidoyer en faveur” des activités soutenant les droits des personnes LGBTQ+. La loi prévoit une peine de condamnation sommaire allant de cinq à dix ans d'emprisonnement, une fourchette qui s’applique non seulement aux individus, mais aussi, dans certains cas, aux médias et aux plateformes numériques. Ce cadre juridique est délibérément large et vague, ce qui permet une interprétation étendue de ce qui constitue une “propagande” ou une “promotion”. Une telle formulation constitue un puissant outil de contrôle de l'Etat et accorde au ministre le pouvoir de sanctionner unilatéralement les entités médiatiques, même avant que le projet de loi ne soit formellement réintroduit au Parlement.

Un effet dissuasif sur la liberté d'expression

Une lecture attentive de la loi révèle que ses dispositions ne font aucune distinction entre les actions individuelles et les activités des médias institutionnels. Tout support qui facilite la diffusion de contenus en faveur du plaidoyer LGBTQ+ peut être tenu pénalement responsable, à moins de pouvoir démontrer qu’il n’a pas consenti ou qu’il n’a pas été complice de l’activité incriminée. Cela signifie concrètement que les propriétaires de chaînes de diffusion ou de plateformes numériques peuvent faire l’objet de poursuites, s’ils hébergent du contenu entrant dans le champ large des interdictions prévues par la loi. Il en résulte un effet dissuasif sur la liberté d’expression, les médias étant amenés à se censurer de manière préventive pour éviter le risque de lourdes sanctions judiciaires. Dans ce contexte, il est clair que le bureau du ministre, doté de pouvoirs via l’Autorité nationale des communications (NCA), peut être utilisé pour réprimer toute forme de contestations ou d’écart par rapport au récit national imposé.

Les implications d’un pouvoir si imposantes sont profondes et de grande portée. Dans un monde interdépendant où les plateformes numériques constituent des canaux essentiels de mobilisation politique, d’expression culturelle et de débat public, la capacité de contrôler ou de censurer les contenus peut compromettre fondamentalement les processus démocratiques. La position de Sam George, associée au potentiel autoritaire de la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales, soulève de vives inquiétudes quant à l’avenir de la liberté de la presse au Ghana. Doté d’un pouvoir unilatéral, pour sanctionner les organes de presse et les plateformes numériques, le ministère sous la direction de Sam George est en passe d’imposer une conformité stricte à une version étroite et étatisée de la morale et de la tradition. Cela pourrait conduire à une répression ciblée, non seulement des personnes LGBTQ+, mais aussi de tout groupe ou voix remettant en question l’idéologie conservatrice dominante.

Le Ghana face à un tournant décisif

Les dangers indissociables à un tel système ne sont pas que théoriques. Des exemples internationaux offrent des avertissements frappants sur les conséquences lorsque le pouvoir de l'Etat est utilisé pour contrôler l’expression numérique. Dans des pays comme la Russie, l’Égypte, la Thaïlande, et même la Tchétchénie, la combinaison de capacités de surveillance étendues et de mesures légales draconiennes a conduit à la suppression de la dissidence, à l’étouffement de l’opposition, et à de graves violations des droits humains. Au Ghana, des rapports antérieurs ont indiqué l’utilisation d’outils de surveillance avancés tels que le logiciel espion Pegasus du groupe NSO pour surveiller les adversaires politiques. Avec l’Autorité nationale des communications (NCA) déjà impliquée par le passé dans de telles activités, et désormais placée sous la direction d’un ministre qui défend des politiques restrictives, il existe une possibilité alarmante que des tactiques similaires soient employées pour faire appliquer les dispositions du nouveau projet de loi.

Alors que le Ghana vacille au bord d’une ère numérique répressive, les enjeux n’ont jamais été aussi élevés. La convergence entre les vastes pouvoirs de surveillance de l'Etat et la censure légalisée crée un environnement où les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à l’accès à l’information sont constamment menacés. L’Autorité nationale des communications (NCA), placée sous la responsabilité de Sam George, avec son pouvoir de sanction unilatérale des médias et des plateformes numériques, devient un instrument puissant de contrôle, capable de façonner le discours public selon l’agenda idéologique du gouvernement. Dans un tel contexte, l’avenir de l’engagement démocratique au Ghana est en jeu, et les voix de ceux qui contestent, défendent les droits des minorités ou simplement remettent en cause le statut quo qui risquent d’être réduites au silence avant même d’avoir pu se faire entendre.

La nomination de Sam George et son parrainage de la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales illustrent de manière frappante les risques liés à un pouvoir étatique sans contrôle à l’ère numérique. L’Autorité Nationale des Communications (NCA), sous sa supervision, n’est pas simplement un organisme de régulation, mais un mécanisme potentiel destiné à imposer un récit étroit approuvé par l’État, susceptible de restreindre considérablement la liberté de la presse et de marginaliser les communautés vulnérables. Si la démocratie ghanéenne veut survivre, elle ne peut se permettre de laisser sa presse dominée par ceux qui cherchent à contrôler le récit.

La liberté d’expression est la clé de voûte de toute société démocratique. Il est temps de la défendre.

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