Au Togo, trois mois de suspensions pour deux médias français pour “atteinte à la stabilité”

 

Capture d'écran de la chaîne YouTube de 100% Afrique

Les pratiques menaçant la quiétude des journalistes dans le monde médiatique togolais refont surface, rendant de plus en plus difficile l’exercice de la liberté de la presse au Togo.

Le 6 juin 2025, Flore Monteau, journaliste française et correspondante pour la chaîne française de TV5 Monde au Togo, a été interpellée lors des manifestations par des policiers. Selon le média Togo Scoop, il lui est reproché d’avoir filmé des scènes de dégagement de barricades par des policiers, images qu'on lui demande d'effacer.

Lire : Togo: arrestation d'un chanteur qui dénonce la mal gouvernance

En avril 2025, Albert Agbéko, journaliste et directeur de publication du média Togo Scoop a subit le même sort alors qu'il fait son travail dans une école à Tsévié, une ville situé à 35 km au nord de Lomé.

RFI et France 24 bannis

Dix jours après l'incident dont est victime Flore Monteau, le 16 juin 2025, une décision de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (HAAC), organe de régulation du travail des médias au Togo, prend de court les professionnels de médias. Il s’agit de la suspension de trois mois de Radio France Internationale (RFI) et France 24, deux médias français qui émettent au Togo à travers leurs correspondants. D'une population de plus de 9 millions d'habitants, le Togo est un pays largement francophone et l’écoute de ces médias français est répandue dans le pays.

Le communiqué actant cette suspension a été relayé par Flore Monteau sur son compte :

La HAAC estime que cette mesure fait suite à des manquements répétés, déjà signalés et formellement rappelés, en matière d’impartialité, de rigueur et de vérification des faits. Le communiqué précise :

Plusieurs émissions récentes ont relayé des propos inexacts, tendancieux, voire contraire aux faits établis , portant atteinte à la stabilité des institutions républicaines et à l’image du pays.

Les deux médias, de leur côté, indiquent avoir été surpris par cette décision de l'autorité de régulation. Dans son article consacré à ce sujet, TV5 Monde précise :

Les deux médias ont déclaré lundi soir dans un communiqué conjoint avoir “appris avec surprise” leur suspension “sans préavis”, malgré un “contexte de dialogue pourtant soutenu et constructif” avec l’autorité de régulation togolaise.

RFI et France 24 réaffirment par ailleurs “leur attachement indéfectible aux principes déontologiques du journalisme, comme leur soutien à leurs équipes qui délivrent chaque jour une information rigoureuse, indépendante, vérifiée, impartiale et équilibrée”.

La pression constante sous laquelle se retrouvent les journalistes togolais confirme des inquiétudes quant aux respects de la liberté de presse dans le pays. Dans le rapport de Reporters Sans Frontières de 2025, le pays perd 8 places, quittant la 113e en 2024 pour la 121e place.

Lire : Classement mondial Reporters sans frontières: l'Afrique francophone en net recul

Dénonciation d'une atteinte à la liberté

Cité dans un article de TV5 Monde, Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision arbitraire prise par les autorités de régulation togolaises. Toujours dans cet article de TV5 Monde, Sadibou Marong, directeur du bureau pour l'Afrique subsaharienne de RSF, appelle les autorités togolaises à lever ces sanctions et à rétablir sans délai la diffusion de RFI et France 24.

Selon le Patronat de la Presse Togolaise (PPT), il s'agit d'une grave atteinte ainsi qu'une entrave à la liberté d'expression. Honoré Adontui, le président du PPT déclare au média local, Togo Breaking News :

Ces suspensions arbitraires portent gravement atteinte à la liberté de la presse et constituent une violation flagrante du droit fondamental à l’information, dans un climat politique déjà tendu.

Le PPT en appelle à la responsabilité de la HAAC, l’invitant à revenir à un dialogue constructif avec les médias et à ne céder à aucune pression politique, sous peine d’écorner davantage l’image du pays sur la scène internationale.

Alors que les professionnels de médias et organisations de défense de la liberté de presse s’inquiètent, certains, sur la toile, se réjouissent de la suspension.

Sur X, RFI poste sur son compte :

Les commentaires sous cette publication confirment le sentiment de haine qui est nourri à l'endroit de ces médias français.

Un autre compte au nom de Narcisse Sanou soutient:

D'autres vont jusqu'à pousser les autorités togolaises à suspendre également leur relation avec la France. C'est le cas de ce compte au nom de Sahel Info Alertes:

Ligne rouge

Depuis plusieurs mois, les médias français accrédités au Togo sont dans le collimateur de la HAAC. En mai 2024, l'instance de régulation des médias togolais a manifesté sa colère à l'endroit de RFI en raison du traitement des informations en lien avec l'actualité sociopolitique, jugé inéquitable. La HAAC avait mis en demeure le média français. Le média Togo First avait écrit:

En effet, dans une lettre datée du lundi 6 mai 2024, la HAAC a souligné l'absence de neutralité et d'équité dans le traitement de l'information par RFI, ceci malgré les avertissements antérieurs. Le président de l’institution, Telou Pitalounani, a précisément déploré le fait que RFI persiste à diffuser des informations erronées concernant la situation au Togo

Cette nouvelle suspension  confirme donc la méfiance de la HAAC vis-à-vis du positionnement des médias français face à l'actualité sociopolitique du Togo ces derniers jours, notamment la contestation citoyenne et les manifestations publiques qui critiquent la gestion du pays.

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