Un ingénieur logiciel ghanéen à pied d'œuvre pour améliorer l'éducation financière des femmes africaines

Photo de Gideon Kombian, fournie et utilisée avec son consentement.

L'université de Harvard prédit que la technologie façonnera l'avenir de la finance, avec des tendances telles que des sociétés sans liquidités, l'essor des cryptomonnaies, l'utilisation généralisée des monnaies numériques, et l'introduction par les gouvernements de la Monnaie numérique de banque centrale (MNBC).

Toutefois, un  rapport sur l'inclusion financière publié par S&P, une entreprise mondiale de notation financière, révèle un problème de taille : 68% des Ghanéens sont financièrement illettrés, ce qui place le Ghana parmi les pays les moins avancés en matière d'éducation financière. Une étude récente souligne également une importante inégalité des genres. Les femmes sont confrontées à de plus grands obstacles en matière d'inclusion financière notamment à cause de revenus inférieurs, d'accès restreint à l'éducation financière et d'un climat de méfiance envers les institutions financières. Au Ghana, les hommes sont généralement plus instruits financièrement que les femmes en raison d'une offre éducative et professionnelle plus large. 

Face à cette situation, Gideon Kombian a cofondé une organisation à but non lucratif dédiée à l'éducation des jeunes femmes ghanéennes en matière de finance et de Bitcoin. Dans une interview accordée à Global Voices, il a parlé de son travail et de la dynamique évolutive de l'adoption des cryptomonnaies en Afrique. 

Zita Zage (ZZ): Pouvez-vous nous parler de vous?

Gideon Kombian (GK): I work as a software engineer with 10 years experience. I’m also the co-founder and Executive Director of Bitfiasi, a non profit organisation that helps young African women gain confidence with money, learn about Bitcoin, and explore digital tools for growth.

I started Bitfiasi because I care about giving people access to knowledge that can truly change their lives. One of the things I’m passionate about is building a Bitcoin circular economy where people don’t just buy Bitcoin, but actually use it in everyday life to earn, save, and spend. It’s a way to strengthen local communities and make financial freedom more real and reachable.

Gideon Kombian (GK): Je travaille comme ingénieur logiciel depuis 10 ans. Je suis également cofondateur et directeur exécutif de Bitfiasi, une organisation à but non lucratif qui aide les jeunes femmes africaines à atteindre l'autonomie financière, à apprendre davantage sur le Bitcoin et à exploiter les outils numériques pour leur développement personnel.

J'ai créé Bitfiasi parce qu'il me tient à cœur de donner aux gens l'accès à des connaissances qui peuvent réellement changer leur vie. L'une des choses qui me passionnent, c'est de construire une économie circulaire basée sur le bitcoin, où les gens ne se contentent pas de l'acheter, mais aussi de l'utiliser dans la vie de tous les jours pour gagner, économiser et dépenser de l'argent. C'est un levier pour renforcer les communautés locales et rendre la liberté financière plus réelle et accessible.

ZZ: Qu'est-ce qui vous a motivé à créer une organisation dédiée à l'éducation des femmes en matière de finance et de bitcoin, et pourquoi cela devrait-il intéresser les gens?

GK: I’m very passionate about money and Bitcoin because I’ve seen how a lack of financial knowledge can hold people back, especially women. In many communities, women are managing households, running small businesses and taking care of families. But no one really teaches them about how money really works or how to grow it.

Bitcoin matters to me because it gives people real control over their money. Most people see it as an investment tool, I see it more as a tool for freedom. It lets you save in a way that isn’t affected by inflation or broken systems. People should care about this because the world is changing really fast. The future of money is already digital, and if we don’t understand it, we risk being left behind.

GK : Je suis très passionné par l'argent et le bitcoin, parce que j'ai vu à quel point le manque de connaissances financières peut freiner les gens, en particulier les femmes. Dans beaucoup de communautés, ce sont les femmes qui tiennent les foyers, gèrent de petits commerces et s'occupent de leurs familles. Pourtant, personne ne leur apprend vraiment comment fonctionne l'argent ni comment le faire fructifier.

Le bitcoin est important à mes yeux parce qu'il permet aux gens d'avoir un véritable contrôle sur leur argent. Beaucoup le considèrent comme un outil d'investissement, moi, je le vois plus comme un outil de liberté. Il offre un mode d'épargne à l'abri de l'inflation et des failles des systèmes traditionnels. Les gens devraient s'y intéresser, car le monde change à une vitesse vertigineuse. L'avenir de la finance est déjà dans le numérique, et si nous refusons de le comprendre, nous risquons d'être laissés pour compte.

ZZ : Quelle est la différence entre l'argent et le bitcoin? Qu'est-ce qui vous pousse à vouloir mettre en place une économie circulaire? 

Gideon Kombian (GK): When you look at our form of money, the Ghanaian cedi, it keeps losing value. Prices go up, but your money doesn’t stretch as far. Not everyone has access to banks, and even though mobile money is popular, there are still people who don’t use it or don’t trust it.

Bitcoin is different. It’s digital money that anyone with a phone can use. It’s not controlled by any government, and it holds its value better over time. But for it to really make sense in our lives, we need to be able to use it, not just save it.

That’s why I’m building a Bitcoin circular economy. It’s about helping people earn Bitcoin, save it, and spend it in their everyday life — like paying for food, transport, or services. It’s a way to build stronger communities with money that works for us.

Gideon Kombian (GK) : Quand on regarde notre monnaie, le cedi ghanéen, elle ne cesse de perdre de sa valeur. Les prix augmentent, mais notre pouvoir d'achat diminue. Tout le monde n'a pas accès aux banques, et bien que l'argent mobile soit populaire, il y a encore des gens qui ne l'utilisent pas ou n'ont pas confiance.

Le bitcoin est différent. Il s'agit d'une monnaie numérique accessible à toute personne possédant un téléphone. Elle n'est soumise à aucun contrôle gouvernemental, et conserve mieux sa valeur dans le temps. Cependant, pour que le bitcoin ait un réel impact dans nos vies, il faut qu'on puisse l'utiliser et non juste l'épargner.

C'est la raison pour laquelle je m'investis dans la création d'une économie circulaire basée sur le bitcoin. L'idée c'est d'aider les gens à gagner, à épargner et à dépenser le bitcoin au quotidien pour acheter de la nourriture, se déplacer ou s'offrir des services. C'est une manière de créer des communautés plus fortes, avec une monnaie qui nous sert vraiment.

ZZ : Comment un ingénieur logiciel comme vous en est-il venu à en savoir autant sur l'argent et le bitcoin? Avez-vous suivi une formation en finance ou eu un mentor?

GK: I didn’t come from a finance background, I studied Computer Science and Statistics and became a software engineer. But in 2018, when I started learning about Bitcoin, I began asking deeper questions about money. Why does it lose value [in some countries]? Why is it so hard for people to save or grow wealth, especially in Africa?

GK : Je n'ai pas de formation en finance à la base. J'ai étudié l'informatique et les statistiques, ce qui m'a conduit à devenir ingénieur logiciel. Mais en 2018 quand j'ai découvert le bitcoin, j'ai commencé à me poser des questions profondes sur la monnaie. Pourquoi perd-elle de la valeur, notamment dans certains pays? Pourquoi est-il si difficile d'épargner ou de faire fructifier son argent, surtout en Afrique?

ZZ: Dans votre quête de réponses, qu'avez-vous découvert sur les difficultés à épargner ou à faire fructifier de l'argent en Afrique?

GK: It’s hard for many Africans to save or grow wealth because incomes are low and unstable. Government policies like high taxes, strict business rules, and rising interest rates make things worse.

Most people also can’t access good investment options, and [Ghana's] financial literacy is still low around 32 percent. So even when people want to do better with money, the system isn’t built to help them.

All of this creates a system where people work hard but struggle to move forward. That’s why we need better tools and better education, so more people can take better control of their finances.

GK : Il est difficile pour certains Africains d'épargner ou de faire fructifier de l'argent parce que les revenus sont faibles et instables. À cela s'ajoutent des politiques gouvernementales comme des impôts élevés, des exigences administratives lourdes pour les entrepreneurs, et la hausse des taux d'intérêt qui rendent les choses difficiles.

Nombreux sont ceux qui n'ont pas accès à de bonnes options d'investissement, le taux d'éducation financière au Ghana reste faible, autour de 32 pour cent.  Donc quand bien même les gens veulent mieux gérer leur argent, le système n'est pas fait pour les aider.

Tout cela crée un environnement où les gens travaillent dur, mais ont du mal à progresser. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de meilleurs outils et d'une meilleure éducation financière, pour que davantage de personnes puissent reprendre le contrôle de leurs finances.

ZZ: Je sais que la République centrafricaine (RCA) a été le premier pays en Afrique à adopter les cryptomonnaies comme monnaie légale. De son côté, le Nigeria est le premier pays en Afrique à avoir lancé et mis en place sa propre monnaie numérique de banque centrale (MNBC), l'eNaira. Pouvez-vous nous éclairer sur l'état actuel de l'adoption des cryptomonnaies en Afrique? D'autres pays africains ont-ils légiféré en faveur ou contre leur utilisation? 

GK: The state of Bitcoin adoption in Africa is growing rapidly, driven largely by grassroots use rather than government support. Public interest in Bitcoin often goes far beyond government policies. Many Africans turn to Bitcoin to protect their income from inflation and unstable local currencies. In countries like Nigeria, Ghana, Kenya, and South Africa, Bitcoin is widely used for savings, remittances, and business especially by young people and small business owners. 

However, not all countries are supportive of the use of Bitcoin. Egypt, and Algeria have either banned or placed heavy restrictions on the use of Bitcoin and other cryptocurrencies due to religious, financial, and legal concerns. In Egypt, for example, the government has banned crypto in general, but the country still ranks high in global crypto interest, showing that people continue to use it informally. 

The Nigerian government also placed restrictions on banks dealing with crypto due to concerns about illegal activities, scams, lack of consumer protection, and the fear that crypto could weaken the national currency. However, the country remains one of the top in the world for peer-to-peer Bitcoin trading. 

In contrast, some countries like Namibia and Botswana are starting to create frameworks to regulate and support the crypto space.

Overall, Africa is one of the most promising regions for Bitcoin, not because of top-down adoption, but because of the real everyday problems Bitcoin helps solve. From cross-border trade to inflation protection and financial access, people are using Bitcoin as a practical tool. As education and awareness grow, so will adoption, whether or not governments are ready for it.

GK : L'adoption du bitcoin en Afrique connait une croissance rapide, principalement due à son utilisation par la population plutôt qu'au soutien gouvernemental. L'intérêt du public pour le bitcoin va souvent bien au-delà des politiques gouvernementales. De nombreux Africains se tournent vers le bitcoin pour protéger leurs revenus de l'inflation et de l'instabilité des monnaies locales. Dans les pays comme le Nigéria, le Ghana, le Kenya ou encore l'Afrique du Sud, le Bitcoin est utilisé pour l'épargne, les envois de fonds et les affaires, en particulier par les jeunes et les petits entrepreneurs.

Toutefois, certains pays restent hostiles à son utilisation. L'Égypte et l'Algérie ont interdit ou fortement restreint l'usage des cryptomonnaies, invoquant des raisons religieuses, juridiques et financières. En Égypte par exemple, bien que le gouvernement ait interdit les cryptos en général , le pays conserve une position élevée dans les classements mondiaux relatifs à l'intérêt porté aux cryptomonnaies. Cela prouve que les gens continuent à l'utiliser de manière informelle.

Le gouvernement nigérian a également imposé des restrictions aux banques traitant avec des cryptomonnaies, par crainte d'activités illégales, d'arnaques, d'absence de protection pour les clients et par peur de voir les cryptos affaiblir la monnaie nationale. Malgré cela, le pays figure parmi les leaders mondiaux d'échange du Bitcoin en pair-à-pair.

À l'inverse, certains pays comme la Namibie et le Botswana commencent à mettre en place des mesures pour encadrer et soutenir le secteur des cryptomonnaies. 

Dans l'ensemble, l'Afrique apparaît comme l'un des terrains les plus favorables au développement du Bitcoin, non pas en raison d'une adoption imposée par les autorités, mais parce qu'il répond aux problèmes concrets du quotidien. Qu'il s'agisse du commerce transfrontalier, de la protection contre l'inflation ou de l'accès aux services financiers, les gens utilisent le Bitcoin comme un outil pratique. Au fur et à mesure que l'éducation et la sensibilisation se renforcent, l'adoption s'intensifiera, que les gouvernements soient prêts ou non pour cela.

ZZ: Quel impact souhaitez-vous avoir à travers votre organisation et dans la vie des femmes africaines? Et comment comptez-vous y parvenir? 

GK: Through Bitfiasi, I want to help African women gain confidence and control over their money, their choices, and their future. Women are the backbone of our families and communities, they manage homes and raise children. But many are stuck in a cycle of poverty, not because they aren’t capable, but because they don’t have access to the right knowledge or tools.

We teach financial literacy and Bitcoin in simple and practical ways. We help women understand how money works, how to save and grow it, and how to use Bitcoin to protect their earnings and unlock new opportunities. 

Our long-term goal is to build a Bitcoin circular economy where everyone can earn, save, and spend using Bitcoin in their daily lives. This isn’t just about technology, it’s about helping women break free from poverty and lead stronger, more independent lives.

GK : À travers Bitfiasi, je souhaite aider les femmes africaines à gagner en confiance et à avoir le libre arbitre sur leur argent, leurs choix et leur avenir. Les femmes sont des piliers de nos familles, de nos communautés, elles gèrent les foyers et éduquent les enfants. Pourtant, beaucoup d'entre elles restent prisonnières du cycle de la pauvreté, non pas parce qu'elles sont incapables, mais parce qu'elles n'ont pas accès aux bonnes informations et aux bons outils.

Nous leur enseignons la littéracie financière et le Bitcoin de manière simple et concrète. Nous aidons les femmes à comprendre comment fonctionnent l'argent, comment l'épargner et le faire fructifier et comment utiliser le Bitcoin pour protéger leurs revenus tout en accédant à de nouvelles opportunités.

Notre objectif à long terme est de construire une économie circulaire basée sur le Bitcoin, dans laquelle chacun pourra gagner, épargner et dépenser en Bitcoin au quotidien. Ce n'est pas juste une affaire de technologie, c'est une manière d'aider les femmes à sortir de la pauvreté et à atteindre la stabilité et l'autonomie financière.

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