
Déchets plastiques, port de Kingston, Jamaïque. Photo d'Emma Lewis, utilisée avec autorisation.
Cette année, le thème de la Journée mondiale de l’environnement, créée par les Nations Unies, est intitulé « Combattre la pollution plastique ». Si ce slogan semble familier, c’est parce que le problème des déchets plastiques persiste, que ce soit sur terre, dans les rivières et cours d’eau, ou dans l’océan. En Jamaïque, des opérations de nettoyage auront lieu ; par exemple, Jamaica Public Service (JPS), qui sur l’île détient le monopole en matière d’énergie, sera chargé de nettoyer une partie de la plage de Palisadoes et des mangroves sur lesquelles veille la Fondation JPS dans le cadre d’un programme de parrainage.
Depuis des années, Palisadoes, une bande de terre sableuse (tombolo) vulnérable reliant Kingston, Port Royal et l’aéroport international de la Jamaïque, fait l’objet d’innombrables nettoyages en raison de la pollution provoquée par le port de Kingston, et, à une moindre échelle, par l’océan. Palisadoes est classée zone humide d’importance internationale (RAMSAR), mais, de manière controversée, est aussi le site de la destruction de son milieu naturel. Les agences gouvernementales de la Jamaïque exploitent la zone protégée comme « lieu de récréation » qui, à ce titre, continue de souffrir ; les déchets solides et autres types de pollution continuent de compromettre un projet, lancé il y a dix ans, de plantation de mangroves qui pour leur conservation sont désormais clôturées.
Lors d’une conversation avec Global Voices via WhatsApp, Theresa Rodriguez-Moodie, directrice générale de Jamaica Environment Trust (JET), souligne que les matières plastiques ont un impact sur tous les aspects de notre vie :
This year’s theme, ‘Ending Plastic Pollution,’ is a powerful and urgent reminder that protecting the environment isn’t an abstract idea – it’s about real issues, like how plastic waste is choking our rivers, damaging our coastlines, harming wildlife, and even entering our food systems and our bodies.
« Combattre la pollution plastique », le thème de cette année, rappelle avec force et urgence que la protection de la nature n’est pas un concept abstrait ; il s’agit ici de problèmes réels, tels que la manière dont les déchets plastiques étouffent nos rivières, endommagent nos côtes, nuisent à la flore et à la faune, et envahissent même nos systèmes alimentaires et notre organisme.
JET est au cœur des opérations de dépollution. Des centaines d’organisations, d’écoles primaires et groupes communautaires, ainsi que des grandes entreprises et agences gouvernementales, participent à présent à la Journée internationale du nettoyage des côtes, inaugurée par Ocean conservancy en 1986. L’an dernier, plus de 7 000 bénévoles ont ramassé, en une seule journée, sur près de 153 kilomètres du littoral jamaïcain, plus de 43 000 kilos de déchets dont essentiellement (et sans grande surprise) près de 200 000 bouteilles en plastique et plus de 122 000 bouchons en plastique.
Les déchets textiles et le gaspillage lié à la mode, qui représentent une part importante des ordures ménagères, en particulier dans les ménages et sur les marchés urbains, sont une priorité pour 2025. Par ailleurs, de nombreux tissus contiennent une quantité considérable de plastique. Selon ONU-Habitat, 11 % des déchets plastiques générés dans le monde proviendraient des textiles et du secteur de la mode.
Outre l’accomplissement de JET à mobiliser les communautés et la société civile, la Fondation GraceKennedy, une organisation du secteur privé, travaille en partenariat avec Clean Harbours Jamaica et The Ocean Cleanup sur la tâche colossale que représente l’assainissement du port de Kingston. Après de fortes pluies, le port est souvent le théâtre de bouteilles en plastique et autres détritus flottant à la surface de l’eau, provenant de flux d’ordures qui émanent des ravins et caniveaux de la ville.
Ces trois dernières années, Kingston Harbour Cleanup Project (« Projet de nettoyage du port de Kingston ») (KHCP), a installé des barrages flottants et des intercepteurs de déchets, qui capturent les détritus avant qu’ils n’atteignent l’océan, dans 9 des 11 ravins les plus pollués du port. Le barrage flottant mis à flot au plus grand ravin (Sandy Gully) mesure près de 244 mètres de long. KHCP affirme que jusqu’à présent leurs efforts ont empêché environ 3 millions de kilos de déchets de se déverser dans le port. Pour illustrer ce point, dernièrement des personnes se promenant le long du front de mer du centre-ville ont observé de jeunes poissons qui se nourrissaient près de la jetée.
À ce stade, l'importance de l’engagement des bénévoles et de la communauté est primordiale. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire au niveau de la mobilisation du secteur privé, y compris des petites entreprises, le mouvement semble prendre de l’ampleur. Selon Caroline Mahfood, directrice générale de la Fondation GraceKennedy, les répercussions sont de plus en plus visibles.
The Kingston Harbour Cleanup Project is one of the most ambitious environmental initiatives we’ve ever supported, and its impact continues to grow. We’re not only removing waste from the Harbour; we’re building awareness, empowering communities, and inspiring the next generation to become stewards of our marine environment. Tackling plastic pollution takes a collective effort, and we’re proud to be part of a partnership that is truly turning the tide.
Le nettoyage du port de Kingston est l’un des projets les plus ambitieux que nous ayons jamais soutenus, et son impact est de plus en plus évident. Nous ne faisons pas qu’éliminer les déchets du port ; nous sensibilisons, responsabilisons les communautés et encourageons la prochaine génération à devenir les protecteurs de notre milieu marin. Lutter contre la pollution plastique réclame un effort collectif, et nous sommes fiers de faire partie d’un partenariat capable de vraiment changer le cours des choses.
Mais que devient tout le plastique collecté ? Actuellement en pleine expansion, Recycling Partners of Jamaica, un partenariat à but non lucratif entre les secteurs public et privé fondé en 2024, devrait recevoir une aide budgétaire de la part de l’État lors de la prochaine année financière. Gairy Taylor, son directeur général, explique sur WhatsApp que la clé du succès est la persévérance :
This past year, one of the biggest challenges we faced was making recycling more accessible, making sure that every Jamaican, no matter where they are, has a simple and reliable way to dispose of their plastic bottles. We’ve also had to shift behaviours, working to make recycling feel like second nature. That’s taken a lot of ongoing outreach, education, and consistent engagement.
L'an passé, l’un des obstacles majeurs auxquels nous avons été confrontés, était de faciliter l’accès au recyclage et s’assurer que tous les Jamaïcains, où qu’ils se trouvent, disposent d’un moyen simple et fiable pour se débarrasser de leurs bouteilles en plastique. Par ailleurs, nous avons œuvré pour modifier les comportements et faire en sorte que le recyclage devienne une seconde nature. Il a fallu pour cela beaucoup de travail de sensibilisation, d’éducation, et un engagement durable.
Malgré les défis, d’énormes progrès ont été constatés. En Jamaïque, en seulement deux ans, le taux de valorisation des bouteilles en plastique PET est passé de 11 à 40 %, une constatation qui selon Taylor est « le reflet de nos collaborations, des systèmes que nous avons développés, et de l’augmentation de l’engagement du public envers la durabilité ». Jusqu’à présent, plus d’un milliard de bouteilles ont été récupérées, et ce n'est pas fini. Taylor ajoute :
Recycling in Jamaica has huge potential. We want it to become an integral part of everyday life, transitioning from a novelty to a habit. That one bottle you dropped in the recycling bin contributed to the one billion collected over the last six years. Big change comes from small, consistent actions.
En Jamaïque, le recyclage présente un très gros potentiel. Nous voulons qu’il devienne une partie intégrante de la vie quotidienne et une habitude plutôt qu’une nouveauté. La bouteille que vous avez jetée dans le bac de recyclage fait partie de celles collectées ces six dernières années. Des actions modestes et cohérentes peuvent conduire à de grands changements.
Matthew Samuda, ministre de l’Environnement, a récemment informé le Parlement de l'intention du gouvernement jamaïcain d'étendre un projet pilote de tri des déchets au sein des établissements publics, une décision que beaucoup attendent depuis longtemps. L’initiative d’interdiction du plastique, une mesure lancée par Samuda en 2019 et exécutée en plusieurs phases, sera également élargie.
Néanmoins, des entreprises du secteur privé et des citoyens continuent d’adopter des pratiques et des comportements qui sont nuisibles à l’environnement. Par exemple, les passionnés d’ornithologie, randonneurs et touristes, tombent souvent sur des décharges sauvages, dans des endroits difficiles d’accès, notamment dans des mangroves. Une grande partie semble être composée de déchets de construction et de démolition, suggérant que les entreprises du bâtiment choisissent de se débarrasser de leurs détritus là où ça les arrange, au lieu de les transporter à la décharge locale qui implique du temps et de l’argent.
Sur ce point, ainsi que sur d’autres problèmes liés à l’élimination des déchets, la sensibilisation du public a besoin d’être considérablement renforcée, en marge de mesures répressives et de poursuites plus strictes. Lors de sa récente intervention parlementaire, le ministre Samuda a décrit « Nuh Dutty Up Jamaica » (littéralement : « Ne salissez pas la Jamaïque ») menée par JET, comme la campagne de lutte contre les déchets la plus retentissante, visant le changement de comportement, tout en laissant entendre que son administration pourrait trouver des moyens et moyens pour la soutenir et la «redynamiser».
Dans cette optique, le consommateur (le citoyen ordinaire) a un rôle crucial à jouer. Selon Rodriguez-Moodie de JET, « cela dépend de nous » :
Plastic pollution is one of the most visible and urgent environmental issues of our time. On World Environment Day, we’re reminded that the choices we make — what we buy, how we dispose of waste, and what we demand from companies and governments — can either worsen the crisis or help end it. We all have a role to play in building a future free from plastic pollution.
La pollution plastique est l’un des problèmes environnementaux les plus visibles et urgents de notre époque. La Journée mondiale de l’environnement nous rappelle que nos choix (ce que nous achetons, la manière dont nous éliminons les déchets, et ce que nous attendons des entreprises et gouvernements) peuvent soit aggraver la crise ou aider à y mettre fin. Nous avons tous un rôle à jouer dans la construction d’un avenir sans pollution plastique.
Alors que 175 nations peinent à parvenir à un accord concernant un Traité mondial contre la pollution plastique, et devraient reprendre les négociations au mois d’août à Genève, des petits États insulaires comme la Jamaïque n’ont d’autre choix que de continuer à lutter contre les déchets plastiques, sous toutes leurs formes.