Syrie : Les Palestiniens et la révolution syrienne

Ce billet fait partie du dossier de Global Voices sur le soulèvement en Syrie 2011 – 2012.

(Liens en anglais) Les 13 et 14 juillet 2012, des manifestations de masse ont éclaté dans les camps de réfugiés palestiniens de Yarmouk et Tadamon à Damas. La riposte brutale du pouvoir syrien a fait par sept morts le 13 juillet. Les cortèges funèbres du lendemain ont amené une manifestation encore plus vaste, au cours de laquelle quatre personnes de plus ont été tuées.

La Palestine est depuis l'indépendance l'acteur le plus décisif de l'histoire politique syrienne. Hébergeant plus de 500.000 réfugiés palestiniens qui ont pratiquement les mêmes droits et avantages que les citoyens syriens, la Syrie influe autant sur leur cause et leur sort qu'elle en est influée en retour. En réalité, le premier coup d'état de Syrie et du monde arabe en 1949 était une conséquence directe de la catastrophique guerre israélo-arabe de 1948.

Le régime baasiste de Syrie a fondé toute sa légitimité sur son soutien sans faille aux Palestiniens. Mais ce rôle a toujours été plus compliqué et facteur de dissensions du côté palestinien. Le leader palestinien Yasser Arafat voyait dans l'ancien président Hafez Assad, plus un utilisateur de leur cause qu'un soutien. Ces dissensions ont parfois tourné au massacre, comme à Tel al-Zaatar, ou lors des attaques à l'instigation des Syriens contre les camps palestiniens pendant la guerre civile libanaise, connues sous le nom de Guerre des camps.

“Il y a une âme palestinienne dans chaque révolutionnaire”, par @sha3eb3aref

La révolution syrienne a ramené ces divisions à la surface, mais avec en plus l'inquiétude immédiate sur leur sécurité à l'intérieur de la Syrie elle-même. L'éminent auteur et militant palestinien Ali Abunimah reflète cette inquiétude :

@AliAbinimah: Je pense que les Palestiniens en Syrie sont vulnérables et je n'aime pas la façon dont “les deux côtés” essaient de les utiliser et de les recruter.

Anaheed al-Hardan d’Electronic Intifada compile un rapport complet sur les Palestiniens en Syrie, leur rapport à la révolution et les inquiétudes qui en découlent. Elle conclut que :

Ce que les derniers développements nous disent, c'est que les frontières fictives entre les Palestiniens en Syrie et les troubles ne sont précisément que cela, et deviennent de plus en plus difficiles à maintenir.

Alors que la situation sur le terrain continue à évoluer, le sort des Palestiniens dans le pays, comme celui des Syriens et du pays dans son ensemble, reste incertain. Cependant, à la différence de leurs homologues syriens, les Palestiniens sont des réfugiés qui n'ont nulle part où aller en cas d'aggravation encore de la tourmente en Syrie.

Le tournant dans l'implication des Palestiniens dans la révolution syrienne s'est produit aux lendemains du massacre de Traymseh, avec les manifestations de masse dans les camps de réfugiés de Yarmouk et Tadamon à Damas les 13 et 14 juillet.

Manifestations de Palestiniens dans le camp de Yarmouk à Damas (Source)

Mais bien avant que les Palestiniens n'entrent effectivement dans la bataille réelle, leur soutien à la révolution avait déjà été exprimé. L'activiste palestinien Budour Hassan écrit de l’ “insurrection syrienne vue par les Palestiniens” :

Les Palestiniens ont crié “Yallah Irhal Ya Bashar” [Bashar, va t'en !] à Nazareth, Haïfa, Jaffa, Baqa, Jérusalem, Bil’in et Nabi Saleh. Nous serons nombreux à continuer à le faire car notre devoir est d'être aux côtés de ceux qui chantent pour la liberté, dansent, et même plaisantent malgré l'horreur des balles et des obus de mortier. La victoire du courageux peuple syrien sur la tyrannie d'Assad sera un triomphe pour chaque communauté opprimée dans le monde.

D'autres auteurs palestiniens sont pourtant loin d'être satisfaits du cours pris par la révolution syrienne qu'ils voient au mieux comme un échec. L'universitaire palestinien éminent Joseph Massad écrit :

Ceux qui voient la lutte populaire syrienne pour la démocratie déjà détournée par ces forces impérialistes et pro-impérialistes à l'intérieur et l'extérieur de la Syrie comprennent qu'une continuation de la révolte amènera un unique résultat, qui n'est pas démocratique, à savoir un régime imposé par les USA, docile et répressif comme en Irak et Libye. Si c'est pour cela que luttent les manifestants syriens, qu'ils poursuivent leur insurrection ; si tel n'est pas leur but, alors il leur faut accepter la très difficile conclusion qu'ils ont été effectivement défaits, non pas par l'épouvantable répression de leur dictature à laquelle ils ont vaillamment résisté, mais par les forces internationales qui se vouent autant que le régime syrien à dénier aux Syriens la démocratie qu'ils méritent tant.

Tandis que ces débats font rage entre les Palestiniens eux-mêmes,ils subiront nécessairement le contrecoup des derniers développements sur le terrain. Le choix des Palestiniens de Syrie d'entrer dans le champ de bataille aux côtés de la révolution transformera à nouveau la relation de la Syrie à la cause et au peuple palestiniens.

Ce billet fait partie du dossier de Global Voices sur le soulèvement en Syrie 2011 – 2012.

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