Des figures de l'opposition arrêtées à Saint-Vincent-et-les-Grenadines un mois après les manifestations contre la vaccination obligatoire

Ralph Gonsalves, le Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, s'adresse au Sommet des Nations Unies sur l'adoption du programme de développement post-2015, le 25 septembre 2015. Photo prise par UN Photo/Mark Garten sur Flickr, CC BY-NC-ND 2.0.

Il n'aura pas fallu longtemps aux forces de l'ordre pour arrêter le coupable du prétendu lancer de pierre à la tête du Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Ralph Gonsalves, lors de la manifestation du 5 août contre la décision de rendre la vaccination contre la Covid-19 obligatoire dans les Caraïbes. Le week-end suivant l'incident, Annamay Lewis a été inculpée pour avoir blessé le Premier ministre. Au même moment, le ministre Julian Francis a averti que davantage d'arrestations pourraient très prochainement avoir lieu.

La manifestation aurait été entreprise sans accord de la police, une condition requise pour les rassemblements publics en vertu de la législation de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. De plus, cet acte de violence a été vivement critiqué, y compris par l'opposition et les voix régionales. Cependant, le Premier ministre Gonsalves a été enregistré déclarant qu'il tient le dirigeant de l'opposition, Godwin Friday, personnellement responsable, quoique pas de manière criminelle, de l'attaque qui a causé sa blessure.

Selon des sources, la manifestation organisée par le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le service public du pays ainsi que les syndicats d'enseignants, a été incitée par la proposition du gouvernement d'enlever le mot « volontaire » devant le mot « vaccination » dans le Public Health Act [loi visant à assurer la santé publique], et par les inquiétudes relatives au processus d'exemption concernant le vaccin contre la Covid-19. Le taux de personnes entièrement vaccinées à Saint-Vincent-et-les-Grenadines est actuellement estimé à juste au-dessus de 12 % de la population. Au 1er septembre, le ministère de la Santé du pays rapporte 38 cas actifs de Covid-19, avec un total de 12 décès.

Le 6 août, soit le lendemain de l'attaque contre le Premier ministre Gonsalvez, le gouvernement a apporté des amendements à la loi relative à la santé publique devant le Parlement, rendant la vaccination contre la Covid-19 obligatoire pour certaines catégories de travailleurs à risque. Les conditions de ce nouvel arrangement doivent encore être définies par le Cabinet ministériel.

Cependant, les arrestations des activistes de l'opposition Adriana et Kenson King, le 13 août, ont attisé la flamme du sujet du droit des habitants du pays de manifester, reconnu par la constitution, étant visé par les autorités ou non. Les King ont tous deux été reconnus coupables de quatre chefs d'accusation pour avoir troublé l'ordre public par leur rôle prétendu dans l'organisation et la participation à la manifestation du 5 août.

La constitution du pays énonce que « chaque personne à Saint-Vincent détient […] des droits et libertés fondamentaux », ce qui inclut « la liberté de conscience, d'expression, et d'association ».

En 2016, le gouvernement a adopté une législation controversée sur la cybercriminalité, que l’International Press Institute (IPI) [organisation assurant la prospérité de la presse et du domaine journalistique] et d'autres organisations de défense des droits ont considérée comme « une grave menace pour la liberté de la presse, la libre circulation d'informations en ligne, et le débat public ». La nouvelle loi a étendu la portée des dispositions antérieures en matière de diffamation pour y inclure l'expression en ligne, légèrement définie comme « cyber-harcèlement ».

Le 1er septembre, l'équipe juridique des King (Kay Bacchus-Baptiste, un membre de l'opposition, à sa tête) a alerté via Facebook les utilisateurs des réseaux sociaux de l'arrestation de deux autres individus : Colin Graham, l'animateur  d'un talk-show de l'opposition diffusé à la radio, et Tyrone James, le secrétaire général du NDP. L'un comme l'autre ont été inculpés des mêmes quatre chefs d'accusation que les King.

Bacchus-Baptiste, caractérisant ces arrestations d'« abomination », a déclaré que trois nouvelles interpellations pourraient avoir lieu avant le 3 septembre ou ce jour. Il a ajouté :

It is against what the United Nations and the OAS has said about protests and upholding human rights. […] I condemn it, and I am calling on our prime minister Ralph Gonsalves, who is a lawyer, who represents St. Vincent on the UN Security Council, to come out and condemn it […] speak up for the rights of Vincentians.

 Ces actions sont contre ce que les Nations unies et l'Organisation Armée Secrète ont dit sur les manifestations et le respect des droits humains. […] Je les condamne, et j'appelle notre Premier ministre Ralph Gonsalves, qui est aussi avocat et qui représente Saint-Vincent au Conseil de sécurité de l'ONU, à en faire de même […], à défendre les droits des Vincentiens.

L'opposition a aussi signalé des incidents qui auraient été causés par des agents de police, les « Black Squad ». Ceux-ci, lourdement armés, auraient fait des descentes directement chez les manifestants. Selon le Premier ministre, cette revendication a été transmise à ses avocats.

Au moment de la publication de cet article, le post de Bacchus-Baptiste a recueilli 200 commentaires sur l'incident. Parmi eux, on retrouve celui de Carla Dougan, utilisatrice de Facebook :

Abuse of process! These charges are frivolous and vexatious and certainly NOT in the public interest: to charge citizens for exercising their constitutional rights is ridiculous! Political victimisation is what it looks like to me!

 C'est un abus de procédure ! Ces accusations sont frivoles, vexatoires, et ne représentent certainement PAS l'intérêt public. Inculper des citoyens pour avoir exercé leurs droits constitutionnels est ridicule ! Ça ressemble surtout à de la victimisation politique, à mon avis !

Hewitt James a qualifié ces actions de « nouvelle déchéance » :

This is human rights abuse on steroids in St. Vincent and the Grenadines. […] Nothing should stop Vincentians to peacefully and rightfully protest. It […] speaks volumes about those in power whom have now become desperate to rule by what ever means. We will never forget this dark chapter in Vincentian history.

 En ce moment à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, on assiste à un abus sous stéroïdes des droits humains. […] Rien ne devrait empêcher les Vincentiens de manifester en paix et légalement. Ça […] en dit beaucoup sur ceux qui sont au pouvoir et qui sont déterminés à régner par n'importe quel moyen. Nous n'oublierons jamais ce sombre chapitre de l'histoire des Vincentiens.

Cependant, Earl Simmons a répliqué :

When you break the law, it's the responsibility of the Police to follow up with the consequences […] We can't have it both ways. Criticizing the Police for failure to apply the laws accordingly, then turn around and criticize when they try to apply the laws accordingly. SVG is a country of laws. Let us live by them […] trust the system.

Quand vous enfreignez la loi, la police a la responsabilité d'en faire subir les conséquences. […] On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Vous critiquez la police pour ne pas appliquer la loi convenablement, puis vous changez d'avis et la critiquez lorsqu'ils essaient de le faire. Saint-Vincent-et-les-Grenadines est un Etat de droit. Laissez-vous porter par ces lois, […] faites confiance au système.

Dans un échange avec Global Voices, un utilisateur des réseaux sociaux a fait part de ses inquiétudes quant à la « tournure du scénario […], le fait de traiter la participation à des manifestations comme un acte criminel ». Il a demandé à rester anonyme par peur de représailles. Il a également déclaré que certaines vidéos de l'attaque contre le Premier ministre ayant été postées sur des plateformes comme Facebook ou YouTube ont été supprimées, laissant entendre que l'objectif était d'humilier. Global Voices n'a pas été en mesure de confirmer cela.

Dans un article du 11 août intitulé « The Buss Head Agenda », Wesley Gibbings, un journal de Trinidad-et-Tobago, a contextualisé la situation par rapport à ce qui a causé la manifestation en premier lieu, à savoir le problème de la vaccination :

We are fresh from election campaigns in several countries. [St. Vincent and the Grenadines held its general elections in 2020.] There is the stench of both recently-shed and longstanding political blood in the air.

St Vincent and the Grenadines remains in the throes of a volcanic crisis that has decimated its agriculture, displaced hundreds, and drained the country’s treasury.

As an aside, it is unbelievable that the official opposition has resorted to a form of victim-blaming in the case of the prime minister and his injury. It betrays unfortunate denial of the slippery slope some politicians have chosen to engage.

Des campagnes électorales viennent d'avoir lieu dans plusieurs pays. [Saint-Vincent-et-les-Grenadines a tenu ses élections générales en 2020.] Il y a, dans l'air, l'odeur du sang politique fraîchement versé, mais aussi versé depuis longtemps.

Saint-Vincent-et-les-Grenadines demeure au sein d'une crise volcanique qui a décimé son agriculture, a causé la migration de centaines de personnes et a drainé la trésorerie du pays.

Ainsi, il est impensable que l'opposition officielle ait eu recours à une forme de condamnation des victimes, en ce qui concerne l'affaire de l'attaque du Premier ministre. Cela trahit le déni malheureux de la pente glissante que certaines personnes politiques ont choisi d'emprunter.

Cependant, dans un appel téléphonique, la source anonyme a déclaré à Global Voices :

I am fully vaxxed, and the same way I have a right to want to be vaccinated is the same way that others have the right to choose not to be—but to have your rights trampled on for publicly expressing that opinion? That's something else entirely.

 Mon schéma vaccinal est complet, et de la même manière que j'ai le droit de vouloir être vacciné, d'autres ont le droit de ne pas vouloir l'être. Mais avoir ses droits piétinés pour exprimer publiquement son opinion, c'est autre chose.

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