Le corps sans vie du bambin syrien Alan Kurdi sur une plage turque. Les familles désespérées se glissant sous les barrières de barbelés et arrosées de lacrymogènes en tentant de passer de Serbie en Hongrie. Les îles touristiques grecques de Kos et Lesbos envahies de tentes, bénévoles et longues files d'attente de réfugiés venant de franchir la Méditerranée sur de dangereux canots pneumatiques.
Médias sociaux et traditionnels débordent des images obsédantes et histoires poignantes de ceux qui fuient les violences, la répression ou les catastrophes pas seulement dans l'espoir d'une vie meilleure pour leurs enfants, mais pour leur survie pure et simple.
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A ce jour, plus de 211.000 individus sont arrivés par mer en 2016. Environ 70% d'entre eux viennent de Syrie, Afghanistan ou Irak. Bien que les gens continuent à fuir en Europe les violences, la répression et les cataclysmes dans leurs pays d'origine, l'attention des médias n'est plus aussi fiévreuse que dans la dernière moitié de 2015.
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(‘Un chanteur tadjik appelle le monde à ne pas oublier Aylan Kurdi’, en anglais)
Une fois atteints les rivages de l'Europe, leur accueil oscille entre amour et haine. Les politiques anti-immigration ont pris de l'ampleur en Europe ces dernières années, et dans le sillage des attentats de Paris et Bruxelles, les partis d'extrême-droite ont fait avancer l'idée que le flux de réfugiés met l'Europe en danger — malgré le fait que la plupart des terroristes étaient des ressortissants européens.
Les gouvernants européens se sont efforcés de gérer la crise des réfugiés. Beaucoup accostent en Grèce, pays déjà sous tension avec son économie en mauvais état. Les camps en Grèce sont surpeuplés et souvent à court de matériel ; de nombreux réfugiés en sont repartis, et ont traversé les Balkans en route vers des pays plus “accueillants” tels l'Allemagne. Un plan de relocalisation des réfugiés dans toute l'Union Européenne visant à partager plus équitablement la responsabilité s'est heurté à la résistance de plusieurs pays d'Europe de l'Est.
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En mars, l'Union européenne signait un accord controversé par lequel l'Europe renverrait en Turquie tous les demandeurs d'asile à l'exception des Syriens, et admettrait en échange un réfugié syrien pour chaque expulsé. La Turquie, frontalière de la Syrie, héberge 2,7 millions de réfugiés syriens, selon l'ONU.
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Les organisations de défense des droits humains ont contesté la légalité de l'accord. Un journaliste espagnol a observé :
Hay un tufo antidemocrático, y por qué no decirlo, fascistoide, en muchas de las cosas que se dicen y hacen, en las justificaciones para expulsar refugiados como si fueran ellos los que violan la ley cuando la ley la violamos nosotros al impedir el refugio a los perseguidos por la guerra.
Il y a un relent anti-démocratique, et pourquoi ne pas le dire, fasciste, dans beaucoup de ce qui se dit et se fait, dans les justifications pour expulser les réfugiés comme si c'était eux qui violent la loi alors que c'est nous qui la violons en refusant l'asile à ceux qui fuient la guerre.
‘Ce n'est pas de la charité, c'est la solidarité de tout le monde envers n'importe qui’
Laissant les politiques à leurs chamailleries, les citoyens ordinaires et les collectivités locales de toute l'Europe ont organisé l'accueil des réfugiés et leur ont ouvert leurs maisons.
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Les réfugiés en route pour l'Allemagne en provenance de Hongrie ont été acclamés à leur arrivée à Vienne en septembre 2015 et accueillis avec distribution d'eau, de nourriture et de produits d'hygiène.
Au Portugal, des gens ont organisé sur internet une collecte de dons en nature pour les réfugiés retenus en Hongrie. Une mère a joint ce message à son don :
Pode não parecer muito, mas achamos que este gesto faz com que os nossos filhos cresçam a perceber que fazer pelos outros vai muito para além do “post solidário” nas redes sociais.
Ce n'est peut-être pas grand chose, mais nous voulons par ce geste que nos enfants grandissent en voyant qu'agir pour les autres va plus loin qu'un simple “post solidaire” sur les réseaux sociaux.
En Grèce, une cantine populaire a préparé des milliers de repas pour les réfugiés dans le camp de Kara Tepe sur l'île de Lesbos. Explication sur leur blog :
Ce n'est pas de la charité, c'est de la solidarité de tout le monde envers n'importe qui…C'est aussi de l'amour pour son prochain, quelle que soit sa couleur de peau, son groupe ethnique ou sa religion.
Toujours en Grèce, des militants d'Athènes ont occupé un hôtel vide pour offrir un abri à un petit nombre de réfugiés.
En France, un homme est venu du Nord-Est de l'Angleterre préparer des repas chauds pour les réfugiés, dans un vieux bus reconverti.
De leur côté, plusieurs start-ups et associations européennes garantissent aux réfugiés, totalement dépendants de l'Internet pour communiquer avec leurs amis et leurs proches comme pour déposer leurs demandes d'asile, un accès au WiFi.
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(Aider les réfugiés en Europe à se connecter à Internet, en anglais)
Parfois, un sourire suffit à tout changer. Après tant d'articles récents sur la brutalité de la police et les mauvais traitements infligés aux réfugiés dans certains pays européens, les utilisateurs d'Internet en Serbie et ailleurs, ont célébré l'image de l'agent de police souriant à un enfant syrien qu'il tient dans ses bras.
For everyone cheered by the #Serbian policeman playing with the #Syrian baby, here are some bonus pictures..#refugeespic.twitter.com/BEdzPNdUom
— Manveen Rana (@ManveenRana) 9 de septiembre de 2015
Pour tout ceux réjouis par le policier serbe en train de jouer avec le bébé syrien, voici quelques photos en bonus …
Dans un épisode de la série de débats de Global Voices GV Face filmé en septembre 2015, quatre de nos contributeurs ont présenté les actions de bénévoles en cours en Grèce, Hongrie et Allemagne pour aider les réfugiés, et proposé leurs meilleurs choix pour tous ceux et celles désirant faire des dons ou s'investir.
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(GV Face : Ces bénévoles qui ouvrent leurs coeurs et leurs foyers aux réfugiés, en anglais)
‘Le jour où j'ai été réduite à un bête numéro’
Les grandes absentes de beaucoup de débats des médias généraux sur la crise sont les voix des réfugiés eux-mêmes.
Plus de la moitié des arrivants en Europe en 2015 et plus du tiers en 2016 sont venus de Syrie, où le régime de Bachar al-Assad largue impitoyablement sur les civils armes chimiques et barils explosifs mortels. L'EI et les autres groupes extrémistes ont également progressé en territoire syrien, tuant et torturant sans merci les civils. Les demandeurs d'asile d'Afghanistan et d'Erythrée sont aux deuxième et troisième rangs.
Près d'un cinquième de la population syrienne — soit 4,8 millions — a fui le pays. 6,5 autres millions sont des déplacés internes en Syrie.
La plupart des réfugiés syriens se trouvent dans des camps surpeuplés des pays voisins : Turquie, Liban et Jordanie. D'autres préfèrent entreprendre le périlleux voyage vers l'Europe avec l'espoir d'un nouveau départ pour leurs familles. C'est une décision malaisée, mais la destruction totale de leur lieu d'origine et les mauvaises conditions de vie dans les camps ne laissent guère d'autre choix à de nombreux Syriens.
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(‘La décision déchirante d'un Syro-Palestinien de laisser son pays derrière lui’, en anglais)
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Pour Zozan Khaled Musa, une réfugiée de Syrie âgée de 25 ans, l’expérience a été déshumanisante. Elle se rappelle, dans son récit, son arrivée en Grèce :
Des centaines de personnes faisaient la queue attendant leur tour d'être enregistrés pour prendre un autre bateau vers l'île principale de Kos. A Nera, quand mon tour est venu d'entrer dans le bureau, on m'a écrit le numéro “17” sur la main. Je n'oublierai jamais le jour où j'ai été réduite à un bête numéro sur une longue liste inhumaine. Quelle honte pour l'humanité que tant de gens aient été déshumanisés dans un instant sans défense.
Les difficultés ne sont pas terminées lorsqu'un réfugié syrien est enregistré et installé. La militante syrienne et auteur pour Global Voices Marcell Shahwaro a raconté son exil loin de son pays dévasté par la guerre dans “Une année loin de la Syrie” :
Je chasse toutes les pensées morbides, si tant est qu'une Syrienne puisse le faire. Je reprends contact avec les amis et j'accepte la victime que je suis. Je la plains, je l'aime, je prie pour qu'elle obtienne la force et la patience et surtout le plus important : la capacité de pardonner.
L'Afghanistan et l'Irak, deux pays plongés dans l'insécurité par les guerres des dernières années, sont eux aussi à l'origine d'une forte proportion des réfugiés qui atteignent l'Europe.
Un exil mondial
Ces cinq dernières années, le nombre de personnes forcées à fuir de chez elles a augmenté de plus de 50 %, atteignant 65,3 millions de réfugiés, déplacés internes et demandeurs d'asile à travers le monde à la fin de 2015, selon les Nations Unies. En 2015, plus de 12,4 millions de personnes sont devenus des déplacés de force à cause de guerres, violences et persécutions. Soit 24 personnes déplacées de plus toutes les minutes.
Pendant que l'afflux des réfugiés en Europe et la crise humanitaire en Syrie captaient l'essentiel de l'attention mondiale, d'autres conflits poussent les gens sur les routes en quête d'un ailleurs sûr. Les Nations Unies indiquent que des milliers de gens ont fui le Burundi, le Sud-Soudan, l'Ukraine, la République Centrafricaine, l'Erythrée, la Somalie et le Soudan en 2015.
Certains d'entre eux travaillaient même comme traducteurs pour l'armée américaine, qui les a abandonnés à leur sort à l'heure du danger.
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(‘Un Irakien traducteur pour l'armée américaine aujourd'hui coincé en Grèce’, en anglais)
Plongés dans les souffrances et sans garantie d'obtenir l'asile, quelques réfugiés repartent de Turquie et d'Europe et rentrent chez eux, malgré le danger.
Dans un article paru sur Global Voices, un Kurde de Syrie nommé Sheriff a raconté comment, à peine entré en Turquie, il s'est senti obligé de repartir : “Je ne peux pas abandonner ma famille à la maison”.
Des milliers de réfugiés se sont noyés en tentant d'arriver en Europe par la mer. En septembre 2015, un garçonnet syrien de 3 ans nommé Aylan Kurdi s'est ajouté à la longue listes des vies perdues, aux côtés de sa mère et de son frère de 5 ans. La photo de son corps rejeté sur une plage d'une station balnéaire turque a forcé le monde à regarder en face les tragédies à répétition en Méditerranée.
Après que les média eurent rapporté que la famille Kurdi avait essayé sans succès de se rendre au Canada, la rédactrice en chef de Global Voices pour l'Iran Mahsa Alimardani a demandé, le coeur lourd, si une pièce d'identité devait être synonyme de vie ou de mort en ce monde :
Il y a là des tampons de partout, parce que ce passeport est accepté sans difficulté presque dans le monde entier. Ma carte de séjour hollandaise est à côté de mon passeport. En quoi est-ce que je mérite plus que n'importe qui d'autre ces papiers qui me donnent la liberté de bouger et vivre selon mon choix ?
Ressources
La crise des réfugiés en Europe conduit beaucoup à se demander vers où diriger leurs dons et leur bonne volonté envers les réfugiés syriens et autres. Nous vous recommandons pour commencer l'excellent guide de notre collaboratrice Jillian C. York, (en anglais), Comment aider les réfugiés syriens (et les autres).
Pour plus de contexte sur les origines de cette crise, lisez (en anglais) :
- BBC.com: Syria: The story of the conflict et EU migration: Crisis in graphics
- Vox.com: Europe's Refugee Crisis explained
- AJ+: Refugee Crisis in Europe video series (vidéos)
- UNHCR: Refugees/Migrants Emergency Response – Mediterranean in graphics (infographies)
Dans les médias français :
- Un dossier du site de Sud-Ouest : Crise des migrants en Europe : tout comprendre en 10 questions
- Sur France-Info : Migrants : les principales mesures du plan européen pour gérer la crise + les articles sur le même sujet
- Infographies du “Monde” : Comprendre la crise des migrants en Europe en cartes, graphiques et vidéos