- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Le rétablissement du premier ministre Ranil Wickremesinghe sonne-t-il la fin de la crise politique au Sri Lanka ?

Catégories: Asie du Sud, Sri Lanka, Droit, Élections, Gouvernance, Manifestations, Médias citoyens, Politique
[1]

Pendant la manifestation de la Coalition citoyenne Nous Voulons la Démocratie, Lipton Circle, Colombo le 12 décembre. Photo via Groundviews. Utilisée dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Dimanche 16 décembre 2018, le premier ministre sri-lankais démis Ranil Wickremesinghe [2] a été rétabli dans ses fonctions [3], ce qui pourrait mettre fin à presque deux mois de crise politique.

La veille, samedi 15 décembre, le premier ministre contesté Mahinda Rajapaksa avait démissionné [4] à la suite d'une décision de justice [5] qui l'excluait du poste et contestait sa désignation.

Ranil Wickremesinghe investi premier ministre du Sri Lanka ce qui pourrait mettre fin à une crise politique de 51 jours

Wickremesinghe a tweeté :

Aujourd'hui est une victoire pas seulement pour moi-même ou pour l'UNP. C'est une victoire pour les institutions démocratiques du Sri Lanka et la souveraineté de nos concitoyens. Je remercie tous ceux qui ont défendu fermement la constitution et assuré le triomphe de la démocratie.

Le président actuel Maithripala Sirisena [11], qui avait précipité la crise constitutionnelle [12] au Sri Lanka en renvoyant [13]  Wickremesinghe de son poste de premier ministre le 26 octobre pour le remplacer par l'ex-président devenu député d'opposition Mahinda Rajapaksa, [14] a défendu ainsi ses actes :

“Même si je suis mis en prison, les décisions appropriées que j'ai prises dans les meilleures intentions pour le pays et son peuple seront gravées dans la pierre un jour” : déclaration du président Sirisena après le rétablissement de Wickremesinghe comme premier ministre aujourd'hui

Le président Sirisena avait suspendu [19] le parlement national pour trois semaines et dissous [20] le gouvernement.  Wickremesinghe a contesté [21] son renvoi, le disant contraire à la constitution, et de nombreux partisans [22] se sont ralliés derrière lui exigeant la convocation à nouveau du parlement pour une motion de confiance [23]. Voir la chronologie [24] de la crise constitutionnelle par Groundviews.

Les Sr-Lankais ont manifesté pratiquement chaque jour [25] depuis le début de la crise, prenant position en faveur de la démocratie.

“Je ne suis pas là pour Ranil. Je suis là pour la démocratie et la bonne gouvernance.” Manifestation de la société civile en ce moment à Liberty Circle

Le président Maithripala Sirisena céda à la pression et re-convoqua le parlement le14 novembre, mais rejeta deux motions de non-confiance [31] contre Rajapaksa. Ranil Wickremasinghe et 121 autres parlementaires sollicitèrent alors la justice [32] pour un mandat de quo warranto [33], obligeant Rajapaksa à démontrer quelle autorité lui conférait ses pouvoirs de premier ministre. Le 3 décembre, une cour d'appel sri-lankaise émit [34] une injonction temporaire écartant Rajapaksa des fonctions [35] de premier ministre jusqu'à l'audition de la demande contestant sa nomination.

Le 13 décembre, un jugement [36] historique restaura le parlement [37] et ordonna au président d'annuler la nomination du député Rajapaksa premier ministre.

Dernière heure : La Cour suprême du Sri Lanka juge que la décision du président sri-lankais Maithripala Sirisena de dissoudre le Parlement était anticonstitutionnelle et illégale

Un billet de blog sur Groundviews cite le juriste Dinesha Samaratne [5], qui a déclaré que la décision de la Cour suprême devait être saluée et célébrée :

The Parliament stands and its declaration of no-confidence in MP Rajapakse (through two separate motions) and its declaration of confidence in Prime Minister Wickremesinghe clarifies that Ranil Wickremesinghe continues to enjoy the confidence of a majority in Parliament. The only way forward is for the President to rescind his purported appointment of MP Rajapakse as Prime Minister and his purported appointment of a Cabinet of Ministers. The status quo prior to 26th October has to be restored.

Le Parlement tient bon et sa déclaration de non-confiance envers le député Rajapakse (par deux motions distinctes) et sa déclaration de confiance pour le premier ministre Wickremesinghe clarifie que Ranil Wickremesinghe continue à jouir de la confiance d'une majorité au Parlement. La seule issue est que le président annule sa prétendue nomination du député Rajapakse comme premier ministre et sa prétendue nomination d'un gouvernement. Le statu quo d'avant le 26 octobre doit être restauré.

L'article de Groundviews citait aussi le juriste  Luwie Ganeshathasan, qui expliquait :

The decision re-affirmed that Sri Lankan citizens had a right to be governed according to the Constitution as well as a right to participate in elections according to established procedures of the law, as opposed to on the whim of one individual.

La décision réaffirmait le droit des Sri-Lankais à être gouvernés conformément à la Constitution et de participer aux élections conformément aux procédures fixées par la loi, par opposition au caprice d'un individu.

Ashraf Hegazy et Gary Milante ont noté sur Groundviews [40] que la crise politique est largement passée inaperçue de la presse internationale, mais que :

How Sri Lankans have responded to these events demonstrates the resilience that they have built into their systems of government and social norms.

La riposte des Sri-lankais à ces événements démontre la résilience qu'ils ont bâtie dans leurs systèmes de gouvernement et leurs normes sociales.

Le 16 décembre, des internautes ont rappelé au président Sirisena sa déclaration de novembre [41] qu'il démissionnerait immédiatement en cas de retour de Wickremesinghe.

Vraiment, est-ce quelqu'un peut demander à @MaithripalaS / @PMDNewsGov pourquoi plus d'une heure après la prestation de serment de Wickremesinghe, il est toujours président et n'a pas démissionné ?

Je me réjouis trop pour demain ! Non, pas parce que M. Ranil Wickramasinghe est de nouveau premier ministre. Seulement pour voir le rouge monter au visage de M. Maithreepala Sirisena quand il rencontre les députés UNP – et se sentir tout bête.

Selon les articles des médias [3], un nouveau gouvernement sera investi le 17 décembre 2018, qui comprendra six parlementaires des factions Rajapaksa et Sirisena du Parti de la Liberté du Sri Lanka (SLFP). Le Parti de l'Unité nationale de Wickremesinghe (UNP) s'est dit [47] prêt à travailler une fois de plus avec le président Maithripala Sirisena, “fourvoyé par certains groupes” contre le gouvernement d'union. En août 2015, le Parti de la Liberté du Sri Lanka de Sirisena et Rajapaksa (SLFP) et le Parti de l'Unité nationale dirigé par Wickremesinghe (UNP) avaient créé un gouvernement d'union nationale après la signature d'u accord [48].

Sur son blog, le poète, critique, journaliste et commentateur politique sri-lankais Malinda Seneviratne [49] a posé l’importante question [50] sur les suites qu'aura le verdict :

Where do we stand right now? Well, the President cannot dissolve Parliament arbitrarily. Parliament itself is at a standstill thanks to the antics of the Parliamentarians, a clearly partisan Speaker, a stubborn President and a court order. We will have to wait and see if the key players in the drama can rise above their personal and political agenda to resolve things.

Où en sommes-nous à présent ? Eh bien, le Président ne peut pas dissoudre le Parlement arbitrairement. Le Parlement lui-même est au point mort à cause des simagrées des parlementaires, d'un Speaker (président) clairement partisan, d'un Président obstiné et d'une injonction judiciaire. On verra si les principaux acteurs du drame sauront s'élever au-dessus de leur agenda personnel et politique pour régler les choses.

Difficile de prévoir comment cette crise politique et les différends entre Sirisena et Wickremesinghe vont tourner [51] dans ce “nouveau gouvernement”.