[Article original publié avant les résultats des élections législatives japonaises du 30/08/2009]
Il y a 64 ans, le 6 et 9 août 1945, des bombes atomiques ont été lâchées par l'aviation américaine sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki [en anglais]. Plus de 200 000 personnes ont péri durant le bombardement et depuis, chaque année, des cérémonies ont lieu pour commémorer le souvenir des victimes et pour rappeler à l'humanité les horreurs de la guerre et de l'usage de armes nucléaires.
Des blogueurs japonais s'interrogent sur leur histoire personnelle et sur le sens de cette commémoration.
Le Dôme de la Bombe Atomique à Hiroshima. Par l'utilisateur de Flickr kamoda.
touhen 03, d'Hiroshima, nous raconte [en japonais] l'histoire du bâtiment (photographié ci-dessus) devenu aujourd'hui le symbole du bombardement atomique, et les souvenirs qui lui sont associés.
La Halle pour la Promotion Industrielle fut construite en 1915 sous le règne de [l'empereur] Taisho, et il semble que ce fut un bâtiment splendide. De nos jours, devenu le Dôme de la Bombe A, on peut toujours apercevoir sur sa façade quelques traces de ses belles ornementations.
Le 6 août, jour-anniversaire du bombardement atomique d'Hiroshima, vient d'avoir lieu. A l'époque [du bombardement], ma mère, écolière en primaire qui habitait à Yano-Cho, dans la banlieue d'Hiroshima, était ce matin-là en train de dire bonjour à ses camarades dans la cour de son école. Elle m'a raconté qu'en un instant l'atmosphère fut colorée de blanc transparent et qu'elle avait cru que la bombe était tombée près de sa maison. Ma grand-mère à ce moment-là travaillait dans les marais salants sur la côte. Craignant que l'ennemi soit déjà là, elle attrapa mon arrière grand-mère par la main et toutes deux se mirent à courir aussi vite que possible. Dans le même moment, se répandait la rumeur qu'une bombe était tombée sur ce qui était à l'époque l'usine Yoyo (devenu depuis Matsuda Inc.) dans le village voisin d'Akigun Fuchu. Alors qu'elles pensaient devoir aller aider leurs proches, la nouvelle qu'Hiroshima était ravagée par les flammes était sur toutes les lèvres. Les victimes commençant à arriver les unes après les autres, ma grand-mère fut alors réquisitionnée comme infirmière.
J'ai grandi en entendant le récit des événements du matin du 6 août. Chaque fois que je monte dans un bus, j'ai le souvenir de ma grand-mère me disant “regarde, ici, beaucoup, beaucoup de personnes sont mortes”.
Dans le bus qui passe dans la zone où la bombe est tombée, j'avais l'habitude d'entendre ces histoires qui m'impressionnaient beaucoup. Quand j'étais enfant, chaque fois que je prenais le bus pour aller dans le centre-ville, dans un coin de ma tête je pensais ‘je viens de pénétrer dans une zone de la ville d'où on ne revient jamais vivant’, et, sur le chemin du retour, après avoir dépassé Fuchu-cho, je me souviens que je me sentais soulagée.
J'ai su de près ce que signifiait être une victime du bombardement atomique, et puis j'en ai entendu parler tant de fois, dont à l'école à l'heure du repas. Le journal personnel racontant l'expérience de la Bombe A [N.d.T. : touhen 03 parle certainement du livre Hiroshima Diary [en anglais] par Michihiko Hachiya] fut largement diffusé durant les années 60 – 70 et à Hiroshima, l'explosion des bombes était évoquée comme si elle avait eu lieu la veille.
Lors du Jour Anniversaire Du Bombardement Atomique, le chanteur japonais Masaharu Fukuyama (福山 雅治) a, pour la première fois révélé au public, au cours de l'émission de radio qu'il anime, être le fils de deux survivants du bombardement.
Cet événement a fait réfléchir certains sur la discrimination sociale subie pendant de nombreuses années par les victimes des bombes (被爆者 hibakusha) et leurs proches et qui a empêché de nombreux hibakusha de la seconde génération de dire la vérité au sujet de leur histoire familiale.
Il est possible qu'il y ait encore de nombreuses personnes qui refusent d'admettre être les descendantes de victimes de la bombe A. J'étais l'une d'elles et je me suis senti mal à l'aise d'entendre une telle expérience annoncée sur la place publique. A présent, il n'existe plus de discrimination à l'encontre des survivants dans la région d'Hiroshima, du moins dans ses quartiers, un tel comportement serait sans signification. Si cela arrivait, ce serait bien triste.
Cela dit, il est vrai que ces personnes, qui ont eu de graves problèmes de santé suite à l'exposition aux radiations, furent écartées de la société, à cause des blessures causées par les bombes. Les préjudices que les survivants subissent, et des attitudes changeantes face à eux existent malheureusement toujours au sein de la population japonaise.
L'exposition aux radiations produites par une bombe atomique est non seulement la cause directe de blessures visibles, mais a aussi de graves conséquences invisibles, comme la perte des cheveux, des saignements, des diarrhées et vomissements, des leucémies chroniques, et un possible développement du cancer de la thyroïde. Pour faire court, elle est responsable du mal des rayons.
Les enfants de survivants sont appelés ‘les hibakusha de deuxième génération’ et leurs enfants ‘les hibakusha de troisième génération’. On prétend qu'ils ont de plus grandes chances de présenter des malformations génétiques, mais cela n'est pas prouvé scientifiquement, une étude complémentaire étant toujours en cours.
Puisqu'il n'existe pas d'antécédents dans le passé, la difficulté à comprendre les mécanismes du mal des rayons est responsable de nombreux malentendus.
L'Allégorie de la Paix, à Nagasaki. Par l'utilisateur de Flickr Kamoda.
Ayant souffert de la bombe atomique, nombre de Japonais soutiennent la politique anti-nucléaire du pays. Cependant, la nouvelle [en anglais] d'un transfert secret, autorisé par le Japon par le passé, d'armes nucléaires américaines, a provoqué l'indignation de ceux qui mettent en avant le respect des trois règles du principe de non-nucléarité, une résolution signée dans les années 60.
Le blogueur Canada de Nihongomontre du doigt [en japonais] des responsables politiques japonais, ambivalents dans leur attitude face à la décision du Japon de rester un pays dénucléarisé.
Au Japon, les trois règles qui régissent le principe de non-nucléarité sont : ‘ne pas posséder ni fabriquer des armes nucléaires, ni autoriser leur introduction [sur le territoire] ‘. De nos jours, on pense que le Japon n'a pas d'armes nucléaires mais puisqu'aucune loi spécifique n'existe d'une certaine manière [N.d.T. : la résolution [en anglais] n'a jamais été adoptée comme loi], certains disent que le pays pourrait en posséder en moins d'un an.
Il existe actuellement la suspicion que, dans le passé, un gros-porteur aérien de la marine américaine a introduit [des armes nucléaires] dans les ports du pays où sont présentes des bases militaires. Selon une rumeur, ce serait le gouvernement japonais qui aurait autorisé l'importation secrète par les Américains d'armes nucléaires.
Toujours selon le principe de non-nucléarité, il y a une grande divergence d'opinions entre le premier ministre Idio-Taro Aso et le leader de l'opposition Hatoyama. Quand il fut ministre des Affaires Etrangères, Aso avait défendu la position de Shoichi Nakagawa, qui avait déclaré que ‘le Japon devrait posséder l'arme atomique’. Le parti d'opposition a donc fait voter une motion de défiance contre lui. Autrement dit, il ne semble pas comprendre le sens des trois règles du principe de non nucléarité.
Comme Hiroseto le rapporte [en japonais], dans la Déclaration de la Paix [en japonais] de cette année, M. Akiba, le maire d'Hiroshima, a affirmé son soutien à Obama, se référant au discours du président en avril, dans lequel celui-ci annonçait que les États-Unis “feraient des avancées concrètes vers un monde sans armes nucléaires”.
Voici les dernières lignes de la Déclaration. (Sur le site internet Chugoku Shimbun on trouvera la version traduite en anglais)
Nous avons le pouvoir. Nous avons les responsabilités. Et nous sommes l'Obamajorité.
Ensemble, nous pouvons abolir les armes nucléaires. Oui, nous le pouvons.
Dans le but de “mettre en place un monde sans armes nucléaires” en 2020, Hiroshima et Nagasaki sont devenues en 2008 les villes promotrices du Protocole Hiroshima-Nagasaki [format PDF], complémentaire du Traité de Non Prolifération [Nucléaire].