Les Australiennes victimes d'agression sexuelle partagent des pratiques de sécurité sur Tinder

Tinder accusé de protéger les prédateurs
I saw you on Tinder

Un graffiti « Je t'ai vue sur Tinder » à Trastevere, Italie, 2014. Image libre de droit d'Itmost, publiée sur Flickr (CC BY 2.0)

L’article d'origine a été publié en anglais le 17 octobre 2020.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt].

Une investigation menée par l'émission radio australienne TripleJ Hack a soulevé d'inquiétantes allégations sur la façon dont les applications de rencontre traitent les cas d'agression sexuelle.

Le 12 octobre 2020, la station radio de jeunesse Triple J sur ABC (Australian Broadcasting Corporation) a diffusé l'émission « Tinder: A Predators’ Playground » (« Tinder : terrain de jeu des prédateurs », ndlt) sur le programme télévisé Four Corners.

Plus de 400 personnes ont répondu à un appel de TripleJ concernant la sécurité sur les applications de rencontre et 175 répondants et répondantes ont déclaré aux journalistes avoir été victimes d'infraction sexuelle par une personne rencontrée sur Tinder [fr], propriété de la société Match Group. Seules 11 des 48 personnes qui ont signalé cette infraction aux conditions d'utilisation de Tinder ont reçu une réponse.

La vidéo et sa transcription sont disponibles ici.

L'enquête rapporte que les prédateurs ont été en mesure de se dédouaner, en effaçant les preuves, devenant ainsi intraçables par leurs victimes. À l'origine, cette fonction avait apparemment été créée pour protéger les usagers et usagères, certainement pas pour les prédateurs. Des femmes se sont plaint qu'il était non seulement difficile d'obtenir une réponse de la part de Tinder, mais aussi de voir les prédateurs retirés de la plateforme. Des plaintes accusant la police de ne « pas faire son travail » ont également été déposées. Cependant, un ou une porte-parole de la police de l'état de Nouvelle-Galles du Sud a maintenu qu'« il est difficile de tirer des informations » de l'application concernant les cas d'agressions sexuelles.

Nombre d'entretiens avec les victimes contenaient des détails explicites et dérangeants d'agressions et même de viol. Il a également été révélé qu'une des victimes avait mis fin à ses jours à la suite du procès d'un violeur en série qui possédait plusieurs profils sur Tinder.

Le tweet du docteur Oscar Vorobjovas-Pinta est représentatif des réactions sur les réseaux sociaux :

J'ai regardé cette émission, horrifié. Je suis scandalisé de la façon dont @Tinder traite les affaires d'abus sexuel.
— Dr Oscar Vorobjovas-Pinta (@DrOscarVP) 14 octobre 2020

Kelsey Menzies confie également son inquiétude quant aux applications de rencontre :

Presque toutes mes amies ont une anecdote avec un rendez-vous #tinder louche ou un « match » qui était un peu trop à l'aise. Ce. Sujet. Est. Important. Merci @triplejHack @4corners ?????? https://t.co/7G4czpshHi

— Kelsey Menzies (@KelseySMenzies) 11 octobre 2020

Tinder a enregistré plus de cent millions de téléchargements depuis son lancement en 2012. Son chiffre d'affaires a dépassé 1,2 milliard de dollars en 2019. L'impact de ces allégations sur le nombre de femmes qui utilisent l'application a été souligné par Booboo Kittiefukk :

Pff. J'espère que @tinder a vu une immense baisse du nombre de profils féminins en Australie grâce à @4corners et @triplejHack. Les journalistes assurent la sécurité des femmes, puisque que @tinder ne le fait pas. Quelle honte @tinder. #tinder #datingapps #4corners #triplej #triplejhack

— Booboo Kittiefukk (@boobookittifukk) 12 octobre 2020

Verity Hawkins a soulevé la question de l'inquiétude constante concernant la considération de la parole féminine :

Une fois encore, on ne croit pas les femmes, qui sont en plus minimisées et dévalorisées. Ces histoires d'agression et de harcèlement sexuel sont horribles ? @4corners @AvaniDias #believewomen #genderequality #4corners #EndViolenceAgainstWomen

— Verity Hawkins (@Verity_Hawkins) 12 octbre 2020

Tinder a publié un communiqué [fr] sur son blog détaillant ses « procédures et politiques internes » tout en s'engageant à améliorer ses mesures de sécurité :

We have heard from survivors and we are acting. We strive to continually improve our safety systems and are always ready to take further action when shortcomings are identified.

[…] We are grateful to all who have spoken up about violence or assault by someone who they met through our platforms. We value and respect their courage and determination to report these incidents so we can remove these offenders from our sites and better protect our users.

Nous avons échangé avec les survivantes et nous agissons. Nous aspirons à améliorer en permanence nos systèmes de sécurité et sommes toujours enclin à prendre des mesures supplémentaires en cas d'insuffisance détectée.

[…] Nous sommes reconnaissants envers celles et ceux qui ont dénoncé ces violences ou agressions par une personne rencontrée sur nos plateformes. Nous saluons et respectons leur courage et leur détermination à signaler ces incidents de sorte que nous puissions supprimer les personnes nuisibles de nos sites et mieux protéger les utilisateurs et utilisatrices.

Il n'a visiblement pas été convenu d'une interview avec TripleJ. Jack Gramennz veut davantage de responsabilité :

Pas une seule personne chez Tinder ne s'est exprimée devant la caméra sur Four Corners pour défendre la société, mais évidemment le matin suivant, ils publient un post de X mots expliquant qu'ils ont vaillamment essayé https://t.co/QMfjIYE8Cb

— jack gramenz (@JackGramenz) 13 octobre 2020

La journaliste Hannah Ryan s'est indignée de la réponse de Tinder :

Réaction pathétique de la part d'une société accusée de laisser les prédateurs échapper à leur responsabilité et de récidiver en utilisant leur application https://t.co/IudJBHfy2y pic.twitter.com/T52RWrJDlq

— Hannah Ryan (@HannahD15) 11 octobre 2020

La controverse engendrée par Tinder a suscité des réactions sur d'autres réseaux sociaux. La page Facebook de Four Corners compte plusieurs publications avec des centaines de commentaires. Sur Instagram, la vidéo publiée par TripleJ a accumulé plus de 19 000 vues.

Rosalie Gillett et Nicolas Suzor de l'université des Technologies de Queensland (QUT), ont étudié des questions plus larges sur le site web The Conversation, révélant que :

Tinder isn’t alone in failing to protect women — our attitudes matter a lot as well.

All the major digital platforms have their work cut out to address the online harassment of women that has now become commonplace. Where they fail, we should all work to keep the pressure on them.

Tinder n'est pas la seule plateforme qui ne protège pas les femmes. Nos comportements aussi comptent énormément

Toutes les grandes plateformes numériques ont du pain sur la planche pour lutter contre le harcèlement des femmes en ligne, qui est désormais devenu monnaie courante. Lorsque les plateformes échouent, nous devons nous efforcer de maintenir la pression sur elles

Celles et ceux qui envisagent de garder ou de créer leurs profils de rencontre, que ce soit pour des relations sérieuses ou de simples rencontres, doivent prendre en compte deux problèmes clés : de quelle façon Tinder, et les autres applications de rencontres, peuvent-elles mieux protéger les utilisatrices des prédateurs ? Comment peuvent-elles fournir une aide adaptée aux victimes ? Tinder a conclu un partenariat avec Noonlight afin de proposer une sauvegarde de secours. Une alarme de téléphone prévient les services d'urgence, comme la police et les premiers intervenants. Cependant, elle n'est disponible qu'aux États-Unis.

Dans le même temps, TripleJ poursuit son enquête pour savoir si les victimes peuvent intenter une action en justice contre le service de rencontres.

Aux dernières nouvelles, le ministre des communications australien, Paul Fletcher, a rencontré le comité représentatif de Match Group afin d'échanger sur l'amélioration de la sécurité des utilisateurs et utilisatrices. Merryn Redenbach a répondu à cette nouvelle sur la page Facebook de Four
Corners :

Will Tinder now release data on all complaints of sexual assault received from Australia to the police sexual offences units in each State and Territory, or another body established to investigate this abuse? And comply quickly with all Police requests for data? Any other response from the company is just marketing spin.

Tinder va-t-elle désormais publier des données concernant toutes les plaintes pour agression sexuelle reçues par les unités de la police australienne responsable des infractions sexuelles dans chaque état et territoire, ou à un autre organisme créé pour enquêter sur ces abus ? Va-t-elle aussi répondre rapidement aux demandes de la police pour les données ? Toute autre réponse de la part de la société est une manipulation marketing.

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