[Liens en chinois] La semaine dernière, cette photo circulait partout sur les plate-formes de microbloging en Chine.
Drame dans la rue
Cette photo a été prise le 3 septembre à Pékin. On y voit le professeur Yang Zhizhu de la China Youth University for Political Sciencestenant une affiche sur laquelle il offre de se vendre comme esclave pour payer l'amende dont il doit s'acquitter pour avoir violé la loi de l'enfant unique :
Je m'appelle Yang Zhizhu et j'étais professeur-assistant à la China Youth University for Political Sciences. Ma femme s'est retrouvée enceinte par accident et n'a pas eu le courage de se faire avorter. Le 21 décembre 2009 elle a accouché de notre seconde fille. En avril de cette année, l'université m'a licencié. Mon salaire mensuel devrait être de 960 yuan mais je ne touchais alors plus que 368 yuan. Deux mois plus tard, ils ont déduit 960 yuan supplémentaires. En plus, le comité de planning familial de Haidian me demande de payer 240 000 yuan de “frais sociaux d'éducation”. Je n'ai pas d'argent et le seul moyen pour moi de payer ce que je dois est de me vendre. Puisque je ne pourrai plus subvenir aux besoins de mes enfants après avoir été vendu, je dois fixer mon prix à 640 000 yuan. Je deviendrai l'esclave de celui qui m'achètera et le servirai jusqu'à ma mort. Je refuse les dons car je ne veux pas devenir un parasite à cause de mon enfant.
Le but de cette photo dramatique est d'attirer l'attention de l'opinion sur la loi extrêmement dure de l'enfant unique et l'amende associée pour “frais sociaux d'éducation”. Yang a décidé de saisir la justice contre le comité de planning familial de Haidian. Selon les règles des frais sociaux d'éducation publiées le 2 septembre 2010, les frais de 240 000 yuan correspondent à son revenu annuel multiplié par neuf :
Q : Pourquoi refusez-vous de payer les frais sociaux d'éducation ?
A : Il n'y a aucune raison de payer. C'est nous qui nourrissons nos enfants, pas la société ou le gouvernement. Notre Renan (notre seconde fille) n'est même pas reconnue officiellement comme faisant parti de notre foyer. Dans un pays comme le notre, si vous n'êtes pas rattaché à un foyer, vous n'êtes pas reconnu comme un être humain et vous n'avez aucun droit, sans parler de couverture médicale. Cela revient à s'occuper d'un animal de compagnie. Et pourtant le gouvernement chinois ne demande pas aux propriétaires d'animaux de compagnie de payer des frais sociaux d'éducation. Les seuls soins couverts par la sécurité sociale que Renan a reçu à ce jour, c'est un vaccin gratuit qui coûte quelques yuan, dix yuan au plus. Nous devons payer pour tous les autres, qui sont plus chers. Encore pire, après la naissance de Renan, ils ont arrêté de verser les allocations familiales pour mon premier enfant. Cet argent aurait couvert le prix de tous les vaccins. Quand Renan sera grande, elle devra payer des impôts dont le montant sera supérieur à tout ce qu'elle pourra recevoir durant sa vie…
Question : Quels sont les problèmes que le contrôle forcé des naissances pour l'enfant unique posent au développement de la société chinoise ?
Réponse :… Beaucoup de femmes enceintes n'osent pas aller à l'hôpital à cause de la règle de l'enfant unique. La dissociation entre relations sexuelles et la reproduction préconisée par les règlements du planning familial ont causé la multiplication des avortements chez les jeunes. Les mariages et les naissances tardives ont augmenté le nombre de bébés à problèmes. La règle de l'enfant unique a aussi changé les règles traditionnelles d'éducation des enfants et beaucoup d'enfants sont pourris gâtés. Les amendes et les frais sociaux d'éducation ont privé les familles de leurs moyens financiers pour élever et éduquer leurs enfants. On estime qu'il y a 0,1 milliard de naissances illégales en Chine rurale, ce qui veut dire que les moyens financiers de plus de 0,4 milliard de gens ont été affectés. C'est pourquoi le contrôle des naissances ne crée pas un environnement plus favorable pour les enfants mais au contraire les fait grandir dans des conditions désespérées.
Voici une vidéo d'un entretien avec Yang et sa femme où ils parlent de leurs conditions de vie depuis qu'ils ont enfreint la règle de l'enfant unique :
L'initiative du professeur Yang me motive pour exprimer notre confiance en la justice plutôt que de rester un observateur. C'est pourquoi j'ai créé un compte ici pour montrer mon soutien au professeur. Je lui envoie mon soutien de Shandong. Si vous organisez une manifestation dans les rues, je serai le premier à vous rejoindre. Je suis prêt à me dévouer à la cause du droit du peuple chinois à avoir des enfants et à être libre.
Je suis né en 1974, et je fais partie des premières victimes du planning familial. Selon les règles en vigueur à l'époque, ma mère a subi l'opération de ligature du col de l'utérus et n'avait le droit d'avoir un deuxième enfant que six ans plus tard (la règle sur cette opération a changé en 1975). Mais dans les années 80, les règles ont été changées à nouveau et chaque couple ne pouvait plus avoir qu'un enfant. Mes parents ont eu l'impression s'être fait avoir par le gouvernement. Je n'ai pas de frères et sœurs et je ne suis pas heureux. La règle de l'enfant unique a changé ma personnalité. Maintenant que mes parents sont âgés, il faut que je travaille et que je m'occupe de mon propre enfant. Je ne peux pas passer beaucoup de temps avec mes parents. Je me sens particulièrement impuissant quand ils sont hospitalisés. Mon expérience est que ce genre de contrôle des naissances est inhumain et honteux. Je me battrai pour m'y opposer.
Quelques petits conseils pour le professeur Yan (juste en passant)
1. Ne soyez pas trop émotif, restez calme et choisissez bien vos mots et vos actes.
2. En tant que professeur de droit, pourquoi ne pas utiliser des moyens légaux ? Les décisions de l'école et du planning familial sont discutables. Je soutiens votre droit d'expression sur votre blog.
3. Enfin : selon le proverbe, un cochon mort ne craint pas l'eau chaude et une fois que vous avez assez de puces sur vous, ça ne gratte plus. Si vous n'avez pas les moyens de payer l'amende, que peuvent-ils faire ? De toutes les façons, la société chinoise n'est pas une société de droit.
180 thousands, une autre victime de la règle de l'enfant unique, dit,
Professeur Yang, j'ai déjà laissé des messages sur votre blog.
Je suis l'une des mères “quotas dépassés” selon le comité du planning familial du village de Zhongguan.
Vendredi dernier, j'ai demandé l'inscription au foyer à notre comité et les frais sociaux d'éducation “avec rabais” étaient de 180 000 yuan. Vous êtes notre représentant, par vos actions, nous continuerons. Merci.
Sur le micro-blog sina, l'un des billets a été repris 3 611 fois et a généré 1358 commentaires :
@韩浩月: Il y a de l'humour noir sur les “frais sociaux d'éducation” : des parents perdent leur deuxième enfant dans un accident et demandent au comité de leur rembourser les frais sociaux puisque l'enfant n'aura plus besoin d'être “éduqué”. Le comité répond alors qu'il n'y a pas d'obligation légale de rembourser. C'est manger la viande sans recracher les os ! Quelle blague idiote ! (05:18 Sep 11)
@老榕
réponse à @LANE1092 : Les choses ne sont pas si simples. Arrêter le contrôle ne fera pas forcément exploser la population. A Hong Kong par exemple le gouvernement encourage les naissances. Il n'y a aucun frais pour avoir des enfants et ils donnent des allocations. Pourtant, leur taux de renouvellement des générations est toujours négatif.
C'est si odieux ! Il y a plusieurs années, mon oncle a eu un second enfant (il avait perdu un fils et voulait en avoir un autre). Pendant 8 ans, il n'avait que son salaire de base et il a pratiquement perdu sa carte du parti et son statut d'enseignant. Heureusement ses deux filles se sont avérées être très brillantes sinon il aurait pu avoir des regrets. (20:02, Sep 10)
Hommage à Chen Guangcheng
L'acte de Yang a coincidé avec la remise en liberté du célèbre avocat des droits humains aux pieds nus Chen Guangcheng, qui s'est dévoué dans le combat pour le droit d'avoir des enfants en Chine rurale. Chen avait été condamné à 4 ans et 3 mois d'emprisonnement et est encore sous surveillance depuis sa libération le 9 septembre. Son nom figure sur la liste noire de la plupart des moteurs de recherche chinois. Malgré tout, ses positions ont inspiré beaucoup de gens, dont Yang, qui le soutient.