L’Ouzbékistan libère ses « derniers journalistes détenus »

Le journaliste ouzbek Bobomurod Abdulloev. Photo : Radio Ozodlik

[Article d'origine publié le 8 mai 2018]

Bien qu’il ait jadis fait partie des régimes les plus despotiques au monde, l’Ouzbékistan poursuit sa route vers une société libre depuis l’arrivée au pouvoir du président Shavkat Mirziyoyev en septembre 2016.

Le 7 mai 2018, l’ancienne république soviétique d’Asie centrale a libéré deux journalistes, Bobomurod Abdulloev et Hayot Nasriddinov, qui étaient incarcérés depuis septembre et octobre 2017 pour « activités anti-constitutionnelles ». Le Comité pour la protection des journalistes a salué ce geste de la part des autorités ouzbèkes et a déclaré que pour la première fois depuis vingt ans, aucun journaliste n’est retenu derrière les barreaux en Ouzbékistan. D’autres organisations internationales ont également accueilli cette nouvelle avec joie. La communauté internationale était particulièrement attentive à cette affaire, car c’était la première fois depuis l’arrivée du nouveau président ouzbek que des journalistes étaient détenus dans le pays.

Le représentant de l'OSCE pour la liberté des médias
« Je salue la libération aujourd'hui de Bobomurod Abdulloev et Hayot Nasriddinov en Ouzbékistan. Ceci est un développement très important et attendu avec impatience. Toutes les charges restantes doivent maintenant être abandonnées » a déclaré M. Désir.

Depuis la chute de l’Union soviétique, l’Ouzbékistan était dirigé d’une main de fer par Islam Karimov, et ce jusqu’à sa mort en septembre 2016. Shavkat Mirziyoyev – longtemps premier ministre de Karimov – a pris sa suite, lancé des réformes économiques et politiques intérieures, et catalysé des changements au niveau de l'intégration régionale. Parmi les avancées politiques, ont ainsi été libérés plusieurs prisonniers politiques enfermés depuis des dizaines d’années. D’après le Comité pour la protection des journalistes, en plus des deux journalistes relâchés cette semaine, cinq autres ont également été libérés depuis un an et demi.

C’est au cours de cette période de réforme politique que les journalistes Bobomurod Abdulloev et Hayot Nasriddinov avaient été arrêtés, sous les mêmes chefs d’accusation utilisés par le régime d’Islam Karimov pendant des années pour emprisonner les opposants politiques et les journalistes. Le dénouement de cette affaire allait donc permettre d’évaluer si le président Mirziyoyev était déterminé à poursuivre ses réformes et mettre en place une politique de porte ouverte, ou s’il jouait temporairement le rôle du « bon flic » pour obtenir le soutien du peuple dans ses batailles politiques internes.

Les journalistes détenus étaient accusés d’avoir écrit, sous un pseudonyme, des articles appelant à renverser le régime ouzbek par la force. Les journalistes ont reconnu que leurs articles avaient suscité des problèmes, mais ont nié tout appel à la violence.

Lorsque les agents des forces de sécurité en charge de l’enquête ont eux-mêmes été mêlés à la lutte de pouvoir entre le puissant ancien chef des forces de sécurité, Rustam Inoyatov, et le nouveau président Shavkat Mirziyoyev, beaucoup espéraient déjà la libération des journalistes Abdulloev et Nasriddinov.

Le 7 mai, la cour a finalement acquitté Hayot Nasriddinov de toutes les charges retenues contre lui, mais a jugé Abdullaev coupable d’ « extrémisme », le condamnant à trois ans de travaux d’intérêt général. Le juge les a tous deux libérés directement depuis la salle d'audience. Quelques minutes après avoir pu de nouveau respirer à l’air libre et étreindre sa famille, Abdullaev a accordé une interview à ses pairs locaux, leur disant : « Le fait que je sois désormais libre et le fait que l'audience aient été ouverte au public sont les fruits de la politique libérale menée par le président Mirziyoyev. »

L’Ouzbékistan, comme beaucoup d’autres ex-républiques soviétiques, est un pays où la moindre décision politique est soumis à l’approbation du dirigeant.

Comme l’a commenté Nina Ognianova, coordinatrice du programme Europe et Asie centrale du CPJ : « Maintenant que le pays a physiquement libéré sa presse, les autorités doivent consolider ce progrès et garantir que les médias puissent faire leur travail en toute indépendance et sans crainte de représailles. »

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