La capitale de l'Ouganda Kampala est depuis mardi sous le choc de deux tragédies distinctes : les étudiants de l'Université Makerere ont violemment manifesté après que deux de leurs condisciples ont été abattus par balles, et les tombeaux de Kasubi, un site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO où sont inhumés les rois de l'un des principaux groupes ethniques de l'Ouganda, ont été réduits en cendres [les sites et blogs mentionnés sont en anglais].
Emeutes à l'Université Makerere
Selon la presse ougandaise, les émeutes à l'université Makerere, la plus grande d'Ouganda, ont commencé après que deux étudiants ont été tués par balles et un autre grièvement blessé par un vigile lundi soir pendant une réunion sur les élections corporatistes étudiantes en cours. Le Daily Monitor rapporte deux versions de l'affaire :
La police affirme que de nombreux étudiants s'étaient rassemblés à la résidence pour la dernière manche de la campagne pour les élections corporatistes lorsque le vigile, suspicieux que l'un des étudiants aurait eu l'intention d'endommager un véhicule sur le parking, a ouvert le feu.
Des informations antérieures laissent entendre que des partisans de Simon Kamau, l'un des concurrents de la course à la présidence de la corporation, s'est affronté à ceux de John Taylor, du NRM, ce qui a déclenché les tirs sur les étudiants kenyans.
Le blog The New Vision suppose que la fusillade a été la conséquence d'un désaccord entre un candidat et le supporter d'un rival :
Alors que le groupe s'apprêtait à partir, ils ont été défiés dans l'enceinte du campus par Nyongesa, que l'on pense appartenir au camp de John Kamau, l'un des deux Kenyans de l'élection.
Il aurait tenté de frapper [le candidat John] Teira avec un banc lorsque le groupe a repoussé ses injonctions à quitter la résidence étudiante.
Une brève échauffourée s'en est suivie, qui aux dires des témoins, a forcé le garde à tirer le coup de feu qui a touché les trois étudiants.
Les étudiants ont riposté mardi en défilant à travers le campus de l'université Makerere, en portant des pancartes et un cercueil pour protester contre les meurtres. Les deux journaux ont rapporté que les manifestations ont tourné à la violence et que la police a utilisé les gaz lacrymogènes pour disperser la foule.
Ole Tangen Jr, un journaliste vivant à Kampala, a été l'un des premiers à bloguer sur les émeutes de Makerere. Il s'est demandé pourquoi il n'y avait pas plus d'étudiants qui se servent des réseaux de médias sociaux pour diffuser l'information :
La nuit dernière deux étudiants de Makerere ont été abattus par un garde armé, ce qui a déclenché aujourd'hui des émeutes généralisées à proximité de l'université.
Pourtant personne n'a eu l'idée d'utiliser Twitter pour faire connaître l'affaire. Les recherches sur #Makerere pendant toute la journée sur Twitter Search n'ont retourné que des bulletins d'actualités. Comment se fait-il que les étudiants — et surtout les étudiants politisés — ne se servent pas des outils de médias sociaux à leur disposition. Ignorance de Twitter ? Coût élevé d'une connexion internet ? Comment en est-on arrivé là ?
Une recherche Twitter pour “makerere” a largement validé cette affirmation, la plupart des tweets consistant en des liens vers des articles de journaux. Cependant, des utilisateurs de Twitter à Kampala ont réussi à rendre un peu la situation :
@arthurnakkaka (il y a 18) : Des coups de feu. Ou des tirs de lacrymogènes ? #Makerere
@arthurnakkaka (il y a 18 heures) : Les étudiants hurlent et courent. Ça va mal #Makerere
@aspindler2 (il y a 18 heures): Manifestations à l'univ. Makerere Kampala Ouganda après que 2 étudiants abattus hier soir par vigile. La police tire lacrymogènes pour disperser foule
@mirembe_maria (il y a 14 heures) : la grève à l'université makerere a fait deux morts et un blessé grave, comment le gouvernement va agir là-dessus ??
Les tombeaux de Kasubi en feu
Dans la nuit de mardi, apparemment sans rapport avec cet incident, les tombeaux de Kasubi, le site d'inhumation des rois de l'ethnie Baganda d'Ouganda, ont été rasés par un incendie. Le roi actuel des Bagandas a récemment défrayé la chronique par ses affrontements avec le président ougandais Yoweri Museveni. En septembre 2009, la tension entre eux a dégénéré en émeutes meurtrières à Kampala, et les Ougandais craignent que cet incendie puisse entraîner des troubles futurs.
Le blogueur ougandais 27th Comrade écrit :
D'habitude c'est un incendie volontaire lorsqu'un tel endroit est détruit par le feu. Elles sont en chaume, ces tombes, alors le feu les détruira complètement.
Déjà, des foutus malins autour de moi disent “le gouvernement!” Je serai plus enclin à dire “l'opposition!” Mais je suppose que c'est plus probablement un employé qui a été imprudent avec le feu. Attendons les informations.
Le blogueur et journaliste Rosebell écrit :
Cette relation entre l'administration du président Museveni et le royaume Bouganda est loin d'être rose ce qui a déjà offert un terrain fertile à ceux, nombreux, qui pensent qu'il y a eu meurtre. Beaucoup de monde semble s'attendre à ce que des émeutes éclatent à l'aube. Nous ne pouvons qu'espérer qu'il y aura une enquête minutieuse sur l'incendie des tombeaux et qu'il n'y aura pas de pertes de vies humaines ni de biens. Le moment est crucial aussi pour la direction Bouganda. Les tombeaux Kasubi font aussi partie du patrimoine national alors j'espère que les deux parties traiteront de cette affaire avec le maximum de retenue.
Les Ougandais expriment aussi leur inquiétude sur Twitter :
@daphnzempire (il y a 6 heures) : les tombeaux de kasubi en feu… mon Dieu où allons-nous
@Kakazi (il y a 6 heures) : Les tombeaux de Kasubi réduits en cendre il y a environ 2 h… je prie sincèrement que ce ne soit pas volontaire !! Une grande perte pour notre patrimoine..:-(
@mugumya (il y a 6 heures) : je crains qu'il y ait des troubles demain maintenant que les tombeaux de Kasubi sont anéantis à Kampala
Lauren, une Américaine qui a habité Kampala, se rappelle avoir emmené des amis visiter les tombeaux :
Les tombeaux de Kasubi sont pour moi plus que des édifices culturels et historiques importants. Quand nous vivions en Ouganda, c'était mes voisins. Notre appartement était au pied de la colline de Kasubi, et nous passions devant les tombeaux chaque jour pour aller au centre de Kampala et en revenir. Nous emmenions de nombreux visiteurs voir les tombeaux pour en savoir plus sur la tribu Bouganda, son histoire et sa culture. J'ai toujours adoré passer à côté des gardes des tombeaux ; vêtus de la robe traditionnelle couleur safran et appuyés contre le gros arbre à l'entrée, ils attendaient patiemment de saluer le prochain groupe de visiteurs.