La prise d'otages qui a duré 16 heures au Café Lindt, sur Martin Place au coeur du District Financier (CBD) de Sydney, a pris fin avec l'assaut des commandos qui ont tué le forcené solitaire Man Haron Monis, mais les informations sur le siège continuent à montrer le meilleur et le pire des médias généraux et sociaux en Australie.
Parmi les milliers de tweets, les heures de transmission en direct et les centaines de pages web, des faits cités se sont avérés inexacts ou trompeurs, avec de dangereuses connotations islamophobes dans certains traitements de l'information.
Au début, l'homme armé avait forcé les otages à brandir à la vitrine du café un drapeau noir avec des inscriptions en arabe. De nombreux reportages ont eu un angle qui a alarmé des utilisateurs de médias sociaux de Sydney, et ceux-ci ont rejoint une campagne sous le mot-dièse #IllRideWithYou. (‘Je vais voyager avec vous’). Il s'agit de témoigner sa solidarité avec les musulmans de Sydney qui craindraient d'emprunter les transports publics après le siège du café. Le mot-dièse a été employé des centaines de milliers de fois et est devenu viral dans le monde entier.
Une information bâclée
Le grand quotidien Sydney Morning Herald a titré “Le siège de lundi dans le CBD a vu circuler bon nombre de mythes dans les médias sociaux et la presse”.
Keith Fitzgerald, un spécialiste de négociation de crise, a vu la une d'une édition spéciale de journal, et a demandé aux journalistes d'Australie de dénoncer le Daily Telegraph :
Could the real journalists pls condemn the Daily Telegraph (Aus)? Really not helping. #sydneysiegepic.twitter.com/INxC8Xb47q
— Keith Fitzgerald (@keithmfitz) December 15, 2014
Les vrais journalistes pourraient-ils svp condamner le Daily Telegraph (Australie) ? Ça n'aide en rien.
Le présentateur de la radio 2GB Ray Hadley a également créé plusieurs rumeurs en direct et sur les ondes pendant son émission quotidienne. Selon le Sydney Morning Herald, la désinformation dans ses propos pourrait être source de discrimination raciale. Le compte Twitter parodique ‘The Daily Rupert‘ écrit :
Only thing this Murdoch tabloid front page achieves is to further terrorise family members of #SydneySiege hostages pic.twitter.com/ry0UP6TIlL
— The Daily Rupert (@TheMurdochTimes) December 15, 2014
Tout ce que cette une de tabloïd Murdoch réussit à faire, est de terroriser encore plus les familles des otages du #siègedeSydney
Des titres comme celui-ci publié sur Twitter par un reporter d'ABC News pouvaient provoquer une panique injustifiée :
@MaxBlumenthal A ‘journalist’ on @ABCNews24 actually said “city under siege”. Sounds better than ‘cafe under siege’ SMH #sydneysiege
— Kingslayer (@2squig) December 15, 2014
[Pourquoi le hashtag #SydneySiege ? Il existe quelques endroits dans le monde qui sont véritablement en état de siège. Sydney n'en fait pas partie.]
Un ‘journaliste’ d'ABCNews24 [télévision] a réellement dit “ville en état de siège”. Ça sonne mieux que ‘café en état de siège’ SMH
#IllRideWithYou
Chris Graham, créateur du blog New Matilda a écrit ses dix prédictions pour les suites de la prise d'otage. La première est la “possible montée de la violence dirigée contre les musulmans, et en particulier les musulmanes.”
Sur Twitter, une blogueuse de 33 ans, Tessa Kum, a lancé le mot-dièse #illridewithyou (‘Je vais voyager avec vous’) en solidarité avec les musulmanes qui pourraient se sentir mal à l'aise en empruntant les transports publics en Australie après le traitement à connotations racistes de la prise d'otages de Sydney.
@sirtessa my bad attempt at a pic to help get the message out #illridewithyoupic.twitter.com/kFld1eNVgv
— Bhakthi (@bhakthi) December 15, 2014
[Faites savoir aux Australiens musulmans que vous veillez sur eux, tweetez #JeVaisVoyagerAvecVous et votre itinéraire]
Mon essai raté d'image pour faire passer le message
Ce mouvement de solidarité a démarré quand un journaliste a tweeté une capture d'écran d'une note sur Facebook par une enseignante et danseuse de Sydney prénommée Rachael, racontant un fait vécu dans le métro de Sydney au début de la crise de prise d'otages :
This, this is what good people do. #sydneyseige#MartinPlacepic.twitter.com/zxbHLWzxEp
— Michael James (@MichaelJames_TV) December 15, 2014
[…Et la femme (probablement) musulmane assise à côté de moi dans le train enlève silencieusement son hidjab… Je lui ai couru après dans la station. Je lui ai dit : Remettez-le, je vais marcher avec vous. Elle s'est mise à pleurer, et m'a serrée dans ses bras pendant au moins une minute, puis est repartie seule.]
Voilà ce que font les honnêtes gens.
Elle a expliqué que “la femme musulmane […] ne voulait pas montrer de signes de sa religion de peur de représailles déplacées d'autres voyageurs en rapport avec l'incident en cours à Martin Place”.
SirTessa a retweeté le tweet de Michael James et ajouté :
If you reg take the #373 bus b/w Coogee/MartinPl, wear religious attire, & don’t feel safe alone: I’ll ride with you. @ me for schedule.
— Sir Tessa (@sirtessa) December 15, 2014
Si vous prenez régulièrement le bus 373 entre Cogee et Martin Place, portez une tenue religieuse et ne vous sentez pas en sécurité seule : je voyagerai avec vous. @-moi pour l'horaire.
Maybe start a hashtag? What’s in #illridewithyou?
— Sir Tessa (@sirtessa) December 15, 2014
Si on lançait un hashtag ? comme #JeVaisVoyagerAvecVous ?
En une heure le mot-clé était adopté.
Following @sirtessa‘s example, #426/425 bus 2 Burwood, If u wear religious attire, & don’t feel safe alone: I’ll ride with you. @ 6:30 ish.
— Hannah Groff (@PalindromicGirl) December 15, 2014
Suivant l'exemple de @sirtessa, bus N° 426/425 pour Burwood, si vous portez une tenue religieuse et ne vous sentez pas en sécurité seule : je voyagerai avec vous. Vers les 6h30.
The one beautiful thing that has come from today's shocking events at the #Lindt Cafe. http://t.co/S1LhpZV40b#illridewithyou
— Mamamia (@Mamamia) December 15, 2014
[En un jour empli de peur et de haine est arrivé un simple et merveilleusement poignant message d'amour, après qu'une femme a mis en ligne un fait vécu à Sydney.]
La seule bonne chose sortie des effrayants événements d'aujourd'hui au café Lindt.
Au démarrage de l'opération l'enseignante et danseuse dont le billet Facebook avait donné l'impulsion pour le mot-dièse a tweeté :
1/2 #illridewithyou overwhelmed. Mine was a small gesture because of sadness that someone would ever feel unwelcome because of beliefs
— Rachael Jacobs (@rachaeljacobs) December 15, 2014
1/2 #JeVoyageraiAvecVous a tout emporté. Ce que j'ai fait était un petit geste parce que c'est triste qu'on puisse se sentir indésirable à cause de ses croyances
2/2 I’m not the story. Anyone joining #illridewithyou is incredibly inspiring, creating a path to peace for all of us. Thank you @sirtessa
— Rachael Jacobs (@rachaeljacobs) December 15, 2014
2/2 Ce n'est pas moi l'important. Quiconque rejoint #JeVoyageraiAvecVous est une extraordinaire source d'inspiration, qui crée un chemin de paix pour nous tous. Merci #sirtesa
Selfies
La police avait évacué la zone et créé un périmètre de sécurité pour les journalistes, qui s'est aussi rempli de gens désireux de rester à proximité de l'action, comme s'ils étaient au cinéma. Sans égard pour la réalité et le danger, certains ont même pris des selfies pour les poster sur Twitter :
Bystanders taking selfies at scene of Sydney hostage siege. http://t.co/OgTn7iAO1W pic.twitter.com/FkxZWo6dSs
— Jim Roberts (@nycjim) 15 Décembre 2014
Des spectateurs prennent des selfies sur la scène de la prise d'otages de Sydney
Aisha Dow du journal The Age, écrit : “Des spectateurs rigolards se prennent en “selfies” avec leurs téléphones mobiles dans le périmètre du siège de Sydney alors qu'un nombre encore inconnu d'otages restent prisonniers d'un homme armé”.
The punters are back taking selfies 100m from the Lindt Cafe #sydneysiegepic.twitter.com/JoAa9JO0Ep — Let it Di Stefasnow (@MarkDiStef) December 15, 2014
Les badauds de retour prennent des selfies à 100 m du café Lindt
Au long de l'après-midi cinq otages ont réussi à s'échapper du café, sans qu'on sache si le forcené les avait relâchés ou s'ils avaient pu fuir.
Footage of the escaped hostages @abcnews#sydneysiegehttps://t.co/g2nfN0843c via @vine
— Ryan Doyle (@ryandoyleshow) December 15, 2014
Images des otages échappés
17 otages étaient retenus, quatre ont été blessés. Outre le forcené, deux otages ont été tués dans les tirs croisés.
Un forcené solitaire
Le preneur d'otages, un demandeur d'asile iranien de 50 ans, vivait en Australie depuis 1996. Les autorités croient qu'il a agi seul. Il était connu de la police et était passé au tribunal récemment. Il avait été poursuivi à maintes reprises pour attentats à la pudeur et agressions sexuelles. En 2013, il a plaidé coupable pour l'envoi de lettres haineuses aux familles de soldats australiens morts [en Afghanistan]. Il a aussi été impliqué comme complice dans le meurtre de son ex-femme.
La communauté musulmane de Sydney ne la considère pas comme un des siens. Selon certaines informations, il aurait été mis à l'écart par les responsables chiites, qui ont demandé à la police d'enquêter sur ses prétentions à se dire un “ayatollah”, un dignitaire religieux. Des notes de son blog, aujourd'hui fermé, laissent penser qu'il s'était converti à l'islam sunnite la semaine dernière. Il aurait aussi prétendu sur son blog être un expert en astrologie, numérologie, méditation et magie noire.