Madagascar : Nouvelles menaces contre une église et la liberté d'expression

Le début de l'année a été marqué à Madagascar par de nouvelles manifestations dont les participants ont essuyé des coups de feu [en anglais], et le harcèlement des supposés proches du régime déchu de Marc Ravalomanana, dont plusieurs journalistes et l'Eglise protestante de Jésus Christ à Madagascar.

VOA écrit :

“Les forces de l'ordre à Madagascar ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser le défilé de l'opposition dans la capitale Antananarivo mercredi.

Les manifestants étaient en marche vers le palais présidentiel pour remettre une lettre au dirigeant soutenu par l'armée Andry Rajoelina. La lettre demandait à M. Rajoelina s'il est toujours en faveur de la réconciliation comme moyen de mettre fin aux troubles politiques dans le pays.”

Deux journalistes travaillant pour Radio Fahazavana, Lôlô Ratsimba et Didier Ravoahangiarison, ont été arrêtésd. Radio Fahazavana est une station proche de la FJKM, l'Eglise de Jésus Christ à Madagascar [en anglais], qui peut être considérée comme proche des Presbytériens. L'ex-président Marc Ravalomanana avait été vice-président de la FJKM, un lien qui inquiétait certains et était critiqué par les adversaires de Ravalomanana comme étant une violation de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Un autre journaliste, Jaona Raoly, a été remis en liberté provisoire. Lôlô Ratsimba et Didier Ravoahangiarison sont accusés de complicité dans la mutinerie militaire avortée de l'aube du 29 décembre. Le service d'actualités en ligne de Moov rapporte les arrestations  :

“Accusé de complicité avec les auteurs de la mutinerie au RAS (Régiment d'Appui et de Soutien), on reproche à Lôlô Ratsimba d'être le premier et le seul journaliste à avoir été présent à Ampahibe le 29 décembre au petit matin, c'est à dire au moment des faits. Le journaliste a nié jusqu'au bout son inculpation. « D'abord, j'étais arrivé à Ampahibe ce 29 décembre à 5h30 du matin et non à 4h. Ensuite, Si je me suis rendu sur les lieux, c'est parce qu'un auditeur de la radio Fahazavana qui habite aux alentours d'Ampahibe, m'a informé de l'existence de la mutinerie. (…) Quant à Didier Ravoahangiarison, qui n'est autre que le directeur de la radio Fahazavana, il est accusé de ne pas avoir prévenu les forces de l'ordre alors qu'il aurait été au courant de tout, bien avant les faits…”

Une lettre du pasteur Rasendrahasina, président de la FJKM est reproduite sur un forum. M. Rasendrahasina y exprime l'inquiétude que le régime d'Andry Rajoelina traque l'église. Le pasteur Rasendrahasina avait dù se réfugier un temps aux Etats-Unis après le renversement de Ravalomanana [en anglais].

“Le gens croient que je suis une sorte de conseiller pour lui. Ils m'ont un peu pris en otage,” a-t-il dit. “Je devais me déplacer d'un endroit à l'autre (après avoir été relâché).Je  ne dormais pas à la maison. Nous avons donc décidé de quitter le pays pour quelque temps.”

Il est maintenant de retour à Madagascar. Sa lettre affirme :

“La détention des journalistes de la FJKM est la suite d'une longue série de mesures prises contre Radio Fahazavana par le gouvernement de fait de la HAT, y compris l'enlèvement et la prise en otage de l'épouse de M. Ravohangiharison pendant 48 heures le 25 juin 2009 pour obliger son mari à se rendre aux gendarmes pour interrogatoire. Le gouvernement de la HAT a récemment empêché Lolo Ratsimba de rentrer à Madagascar après une réunion à Maputo et un passage à Johannesburg. Dernièrement, le 21 décembre, le ministère des communications de la HAT a ordonné à Radio Fahazavana de cesser pour un mois ses programmes d'informations et de discussions téléphoniques. (…)

Un certain nombre de pasteurs ont décidé de parler haut et fort contre l'injustice. Le 28 décembre, ils ont tenu un service religieux oecuménique appelant à la justice et dénonçant les violations des droits humains et la persécution de l'église. Plusieurs pasteurs qui y participaient ont été vilipendés par la presse pro-HAT et sont en alerte au cas où des mesures seraient prises contre eux. Ce même collectif de pasteurs prévoit un service religieux similaire demain 9 janvier. Didier Ravohangiharison devait y témoigner sur la persécution de Radio Fahazavana.”

L'église a organisé hier un service religieux qui a eu une nombreuse assistance. Image du site web pro-Ravalomanana Collectif GTT.

Antsahamanitra Religious Service Service religieux à Antsahamanitra 

Comme le rapporte Avylavitra :

“Hita nanatrika ny fotoana teny Antsahamanitra androany ny mpanao politika toa an-dry Mamy Rakotoarivelo sy Rabetsitonta.

Marobe ny olona tonga nanatrika ny fotoana, ary saiky ireo mpomba ny filoha teo aloha Ravalomanana no nameno ny kianjan’Antsahamanitra “

“Nombreux ont été ceux qui ont assisté au service religieux à Antsahamaitra aujourd'hui, et parmi eux figuraient des hommes politiques comme Mamy Rakotoarivelo et Rabetsitonta. Beaucoup étaient là et la plupart sont des partisans de l'ancien président Ravalomanana. “

Certains se demandent si l'église paie à présent sa proximité avec l'ex-président Ravalomanana. Telle est l'analyse de Tananews :

“L’Eglise de Jesus Christ à Madagascar (FJKM) commence à payer cher sa trop grande « proximité » avec l’ancien Président Marc Ravalomanana. La FJKM a ainsi vu passer l’année 2009 avec son Président Lala Rasendrahasina molesté à Antanimena, ses églises cambriolées et dépouillées, ses prêtres menacés, des menaces et des rumeurs de fermetures de certaines églises, la censure de l’émission « Ampejika » sur la Radio Fahazavana, proche de la FJKM et enfin cerise sur le gâteau, l’assujettissement de la FJKM à l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) à 23%. La FJKM semble s’être faite beaucoup d’ennemis sous les années Marc Ravalomanana et semble payer cher sa (trop grande?) implication dans la politique nationale. La laïcité de l’État de nouveau à l’ordre du jour ?”

FJKM service of January 09 2010   service religieux de la FJKM du 9 janvier 2010    source : http://collectif-gtt.org/

En 2009, le Conseil des Eglises chrétiennes avait tenté de servir de médiateur entre Ravalomanana et Rajoelina. Depuis 1980, le Conseil avait réussi des médiations dans de nombreuses crises politiques, s'appuyant sur son autorité morale et religieuse. Cette fois, malgré l'organisation de tables rondes [en anglais], ce sont les membres du Conseil eux-mêmes qui sont apparus l'image des divisions de Madagascar, affaiblis et partiaux (cf. l'intervention de Mgr. Razanakolona sur Radio Vatican) [en anglais].

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