Barbara Requa, l'icône de la danse jamaïcaine, a tiré sa révérence !

Captures d'écran de la pièce de Barbara Requa intitulée « Treadmill », interprétée par la danseuse Arlene Richards, extraite d'une  Vidéo YouTube  de la National Theatre Company « TREADMILL » (1985) chorégraphiée par Barbara Requa et « ONE TIME » (1986) chorégraphiée par Sheila Barnett.

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La danseuse, chorégraphe, éducatrice et icône culturelle jamaïcaine Barbara Requa est décédée le 22 février à l'âge de 90 ans. En sa qualité de membre fondateur de la National Dance Theatre Company (NDTC), qui a célébré son 60e  anniversaire en 2022, Requa a largement contribué à poser les bases de la danse théâtrale post-indépendance dans son pays. Elle a également été membre fondateur, et plus tard, doyenne, de l'Ecole de Danse qui fait désormais partie  de l’Edna Manley College for the Visual and Performing Arts et de Dance and the Child International.

La danseuse jamaïcaine Lisa Wilson, actuellement enseignante à l'Université de Captown, a posté un vibrant hommage  sur son compte Facebook, dans lequel elle loue les nobles principes de Requa,  son humour, sa sincérité de cœur, et sa présence apaisante:

Si l'on me demandait qui j'admire le plus dans le domaine de la danse en Jamaïque, je dirais très facilement : Barbara Requa. On dirait que je suis dans la peau de cette femme. A l'époque, c'était une danseuse magnifique et son travail de pionnière dans l'enseignement de la danse en  Jamaïque reste sans précédent. Elle a consacré toute sa vie à fournir des efforts pour que la danse trouve un espace et une place non seulement dans le système éducatif, mais aussi dans la vie des gens. J'admirais tellement sa passion pour la musique. Parfois, dans nos conversations, elle s’effondrait en larmes en parlant de la musique et de la valeur que celle-ci représente pour nous en tant que peuple. Elle est restée humble malgré tout ce qu'elle a accompli. Elle semblait concilier parfaitement les rôles d'administratrice, d'éducatrice, d'interprète, de mentor, de mère, de grand-mère, et d'épouse  à la danse. J'admirais vraiment sa capacité à bien porter toutes ces casquettes. A mes yeux, elle était tout ce qu'il y a de plus féminin.

La ministre de la Culture, du Genre, du Divertissement et du Sport Olivia « Babsy » Grange a présenté ses condoléances sur Twitter:

Edna Manley College for the Visual and Performing Arts a twitté:

Requa a grandi à  Appleton Estate  à St. Elizabeth, où son père Henry Grant était directeur.  La danse était son rêve, mais pendant huit ans elle a également étudié la musique au lycée et au-delà, le piano étant son instrument de prédilection. Tout au long de sa vie, elle a été une amatrice de jazz et de musique classique.

La carrière créative de Requa a débuté au cours de ses années d'études au Lycée St. Andrée pour filles de Kingston. A l'âge de 17 ans, elle réalise son rêve lorsqu'elle rejoint l'Ecole de danse de la légende  Ivy Baxter, qui a développé le style de danse « pieds nus » dans les années 1950.  Rex Nettleford, l'un des premiers membres de ce groupe, et Eddy Thomas, ont co-fondé la NDTC en 1962, l'année où la Jamaïque a obtenu son indépendance de la Grande Bretagne. Requa s'en est donc inspirée au début de sa carrière de danseuse.

En 1955, elle poursuit sa formation en composition chorégraphique au Dartford College of Physical Education, ainsi qu'en Technique Laban  au Goldsmith's College de  Londres, au Royaume-Uni. Une fois de retour en Jamaïque,  elle a répondu à l'invitation de son alma mater, St. Andrew's, à enseigner l'éducation physique et la danse. Elle a également enseigné au Mico University College, une école normale. Connue pour son style gracieux et sa remarquable énergie dans la danse,  elle rejoint  Nettleford  dans les productions 1959, 1960 et 1961 de la National Pantomine. En 1963, son rôle d'actrice dans  « Woman in Dialogue for Three » Nettleford a été très apprécié. De nombreuses autres représentations mémorables ont suivi. Entre 1982 et 1995, elle a été chorégraphe de cinq œuvres majeures pour la compagnie parmi lesquelles (« Treadmill ») qui a été remontée par la NDTC en 2022 :

Sur son site Internet, la compagnie a posté :

Barbara Requa a apporté au NDTC une polyvalence technique et une solide connaissance des mouvements ainsi que du style d'interprétation. Sa force est ancrée dans une profonde compréhension de l'instrument du danseur et de l'étendue possible des mouvements dans l'espace, en partie grâce à ses études de Laban.

Requa a toujours été passionnée par l'éducation. Les cours de danse qu'elle dispensait aux enfants ont abouti à la création de l'Ecole de Danse de Jamaïque, qui a débuté ses activités en 1970 au Little Theatre de Kingston. C'était grâce à un partenariat entre Requa et deux autres pionniers de la danse, Bert Rose et Sheila Barnett. L'Ecole de Danse deviendra un peu plus tard l'un des quatre départements d'enseignements que compte l'Edna Manley College for the Visual and Performing Arts.  Requa a égalé beaucoup voyagé, enseignant dans le cadre de plusieurs ateliers et séminaires internationaux.

En 2004, alors doyenne, Requa a pris sa retraite à l'Université Edna Manley où elle a servi pendant plus de 30 ans. Mais, son oeuvre ne s'est pas arrêtée là ; elle a toutefois continué à enseigner et à encadrer les jeunes,  car elle était convaincue que la danse ferait partie du programme jamaïcain, tant à l'école primaire qu'au secondaire. Elle a égalé continué à travailler avec le Fonds des anciens élèves du Collège, qu'elle a elle-même mis sur pied en 1988.  A sa retraite, elle a reçu une distinction nationale, l’Order of Distinction, ainsi que qu'une Centenary Medal et une  Silver Musgrave Medal décernée par l'Institute of Jamaica pour sa grande contribution aux arts. En 2019, elle a reçu une récompense de la Rex Nettleford Foundation en reconnaissance à son oeuvre, et le Prix d'Excellence de l'Université Edna Manley lui a été décerné en 2022.

L'an dernier, le podcaster Tenement Yaad Media avait célébré la carrière de Requa lors du mois de l'histoire des femmes des Caraïbes :

A bien des égards, Barbara Requa était la dernière d'un formidable groupe de créateurs, qui ont ensemble façonné le paysage de la danse en Jamaïque. Leur héritage est immense. Les institutions que Requa et ses pairs cofondateurs ont pérennisé leur solide réputation au fil des décennies, tant sur le plan national qu'international, donnant ainsi naissance à plusieurs autres groupes de danse actifs qui existent toujours et se produisent régulièrement. En outre, en tant qu'expression culturelle, la danse continue de jouir d'un regain de popularité, avec l'organisation sur toute l'île de nombreux concours de reggae, dancehall, et de  danse de rue, sans compter le fameux concours des arts et du spectacle parrainé par le gouvernement.

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