Maroc : Un entretien avec Sandy McCutcheon

The View from Fez [en anglais] est sans conteste le blog en anglais le plus populaire du Maroc, et il est souvent cité par Global Voices. Depuis sa création en 2005, le blog a accueilli plus de 400 000 visiteurs du monde entier, qui viennent s’informer sur Fès, se divertir et vivre par procuration la vie des auteurs du blog, dont fait partie Sandy McCutcheon.
Sandy McCutcheon est romancier, auteur de 11 romans et il vient d’achever The Hill of Mice, roman dont l’intrigue se déroule dans la Médina de Fès. Il est le créateur du blog The View from Fez et son principal contributeur. Sandy McCutcheon est également un hôte charmant, comme j’ai pu le découvrir l’année dernière lorsqu’il m’a invitée à visiter le riad où avait lieu l’une de ses nombreuses fêtes. J’ai récemment eu l’opportunité de l’interviewer.

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La fontaine centrale dans la cour du Riad Zany

Quand avez-vous visité le Maroc pour la première fois ?

Je suis venu au Maroc pour la première fois il y a sept ans et je suis tombé amoureux de ce pays en général et de Fès en particulier. J’ai été séduit par le dynamisme de ses habitants et par l’histoire extraordinaire dont le moindre recoin de la ville est imprégné. Mais j’ai pensé qu’il s’agissait là d’une ville exceptionnelle dans une phase de transition, le mode de vie traditionnel côtoyant le progrès technologique. L’arrivée d'Internet dans la Médina, la bonne couverture du réseau mobile et les nouvelles techniques émergentes en matière de design et de construction aux côtés de la tradition laissaient tous entrevoir une ville en pleine mutation.

Parlez-nous du célèbre Riad Zany.

La découverte du Riad Zany a été capitale.  Vieux de trois à quatre cents ans, situé dans un quartier alors démodé de la Médina, le Riad Zany nous a totalement accaparés. La restauration que Suzanna Clarke et moi avons entreprise semblait presque infaisable mais avec l’aide de grands artisans traditionnels (hommes et femmes) et les conseils avisés de David Amster, ce fut tout à fait possible. Notre décision de nous engager dans la voie de la restauration-conservation a certes impliqué une progression parfois pénible et lente mais le résultat final en valait vraiment la peine. Nous avons choisi de rendre à la maison sa simplicité initiale en la décorant peu, si bien que le Riad est à présent devenu une maison simple, très facile à vivre, pleine de charme, de beauté et de sérénité. Elle s’est avérée être un lieu propice aux récitals de musique traditionnelle et contemporaine, dont certains ont rassemblé jusqu’à 70 spectateurs. Cette année nous avons également inclus deux concerts de musiciens professionnels australiens qui ont profité de l’occasion pour faire une pause dans leur tournée européenne et se produire à Fès. L’année dernière, le livre de mon épouse, A House in Fez a été publié en Australie et en Nouvelle-Zélande où il s’est aussitôt arraché. En mai, le livre a été publié au Royaume-Uni et paraîtra également en novembre aux Etats-Unis. Une édition coréenne est prévue cette année. Suite au succès remporté par le livre de Suzanna, les propriétaires de la maison d’hôtes de Fès ont vu le nombre de visiteurs australiens et néo-Zélandais augmenter (note de l’auteur : c’est Suzanna Clarke (Suzanna = Zany) qui a donné son nom au Riad Zany).

Comment vous tenez-vous informé de tout ce qui se passe à Fès ?

Gérer le blog The View from Fez est presque un travail à temps plein. Heureusement, je connais certaines personnes à Fès qui peuvent à la fois bien écrire et prendre de belles photos, si bien que même lorsque je ne suis pas à Fès, le blog reste en effervescence. Nous avons récemment accueilli notre 400 000ième visiteur mais malheureusement nous n’avons pas eu le temps de fêter cela !

Donnez-nous quelques exemples de changements intéressants qui sont en train de se produire à Fès.


Fès entre à grands pas dans une ère de design et de sophistication avec l’ouverture de restaurants chics, de bars à tapas et de hammams (bains traditionnels), tout en préservant une gastronomie traditionnelle vendue dans la rue et ses bains locaux. Dans le domaine du design, de nouvelles boutiques qui vendent des produits marocains modernes apportent un nouveau souffle et témoignent clairement du talent qui ne tardera pas à exploser au cours des prochaines années.

Quelles sont vos inquiétudes en ce qui concerne l’avenir de Fès et du Maroc en général ?

Je n’ai pas d’inquiétude majeure en ce qui concerne l’avenir de Fès ou du Maroc. L’augmentation du nombre de Marocains qui achètent des biens immobiliers dans la Médina est plutôt bon signe et nous nous réjouissons de l’assouplissement de la législation sur les chambres d’hôtes. Toutefois, l’augmentation récente des impôts pour les propriétaires de chambres d’hôtes est une très mauvaise chose, tout comme l’augmentation des taxes d’atterrissage à l’aéroport de Fès qui s’est soldée par la suppression des vols directs assurés par Ryanair depuis la Grande-Bretagne. De toute évidence, cela profite à Marrakech et à Casablanca mais Fès en a très lourdement fait les frais.

Sinon, qu’est-ce qui vous rend enthousiaste ?

Ce qui me rend enthousiaste à propos du Maroc, ce sont les nombreux jeunes qui saisissent l’opportunité de faire avancer le pays. Les efforts consentis par le roi pour réformer le pays doivent également être applaudis mais il reste des choses à faire, en particulier dans les domaines de la liberté d’expression et de la presse.

Vous ne passez qu’une partie de l’année au Maroc. Que faites-vous le reste du temps ? Comment vous détendez-vous ?


Je passe environ la moitié de l’année à Fès où je me consacre essentiellement à l’écriture mais lorsque je ne suis pas ici, j’ai tendance à partager mon temps entre Bordeaux où nous avons un appartement et notre maison en Australie. Lorsque je me repose au Maroc, je reste généralement à Fès, bien que j’aime beaucoup les villages de montagne et la région du Rif. Et à Fès, pour me détendre… je m’assieds dans la cour du Riad Zany et j’écoute le chant des oiseaux et l’eau qui coule dans la fontaine !

Quel est votre restaurant préféré à Fès ? Et votre artisan favori ?

Mon restaurant préféré à Fès est Thami’s, un petit snack de rue tenu par un homme généreux ayant un grand sens de l’humour. Quant à mon artisan favori, il s’agit de « l’homme aux tapis », un homme plus âgé qui est le dernier à tisser des tapis en herbe. Il fabrique des tapis pour les mosquées mais vend aussi des sets de table provenant d’un minuscule atelier au sol crasseux dans une ruelle étroite proche de Talaa K’bira. C’est un homme merveilleux et un véritable artisan.

Crédit photoJillian C. York

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