Ce texte a été traduit par Damien Blanc et Florent Buzzo, élèves de classe préparatoire du lycée Ozenne de Toulouse, sous la direction de leur professeur d'anglais Audrey Lambert.
Dès le départ, le débat initié par le gouvernement sur l'”identité nationale”, organisé sur internet et lors de réunions locales, a fait l’objet de critiques.
Le site internet de l'Observatoire des Débats Publics, debatpublic.net, publiait le 2 novembre un petit compte-rendu plutôt critique du site officiel du gouvernement français debatidentiténationale.fr, lancé ce même jour pour faciliter le débat national sur l'immigration et l'intégration. Et le 25 novembre, Panafa Blog a donné un aperçu minutieux des différentes problèmes soulevés, sous le titre évocateur d'”Identité nationale”: Eric Besson passe de vieilles controverses au micro-ondes” (en français, anglais et allemand).
Mais en attendant la conclusion du processus, qui devrait aboutir à un colloque le 4 février (sous une présidence qui reste encore à définir), il semble de moins en moins facile de séparer la réflexion objective du simple déferlement de sentiments xénophobes.
Donc, sans essayer maintenant de faire le tri parmi tout ceci, jetons seulement un œil sur quelques-unes des réactions que suscite le débat.
Les rumeurs se répandent
Sans surprise, les rumeurs vont bon train depuis le début du processus, notamment celle qui prétend que la gestion du site web a été “délocalisée”.
Dès le 8 novembre dans une note publiée sur “Le cri du contribuable“, on peut lire:
Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, vient de lancer un vaste débat sur l’identité nationale. Le hic : la gestion du site internet a été confiée à une entreprise mondialisée [qui a un centre offshore au Maroc]. Le site internet de l’Identité nationale serait-il géré du Maroc? Ce serait un comble! En tout cas, le patriotisme ne fait pas partie des valeurs du ministère de l’Identité nationale, qui n’a pas confié la gestion de son site à une société française…”
Et celle qui suit est apparue peu de temps après, d’abord sur Google sidewiki, avant de faire florès sur toute la toile et particulièrement sur twitter:
Une rumeur persistante sur le web affirme que le site débat identité nationale serait modéré par trois Malgaches payés 100 euros par mois. Une “info” que personne n'a encore pu confirmer ou infirmer.
Reflexiums commente de Madagascar:
“Ah oui ! mais que je suis bête, ca doit être un échange de bons procédés, les français sous-traitent le débat sur l’Identité Nationale en France, et les malgaches vont sous-traiter les élections malgaches en France, donnant donnant hein ?”
La dénonciation des dérapages
En effet, le référendum suisse [en anglais] sur les minarets, la tour d'une mosquée d'où le muezzin appelle à la prière, n'a pas fait avancer la discussion, qui dépasse peut-être les espérances et les attentes des organisateurs.
Le blog “Les mots ont un sens“, sous le titre “d'une bévue à l'autre, le débat sur l'identité nationale court à la catastrophe” fournit une anthologie
“Des contributions ouvertement racistes sur le site du débat national sur l'identité française, des dérapages (contrôlés ou non) de personnalités politiques qui virent à l'aquaplaning… Les minarets suisses ont bon dos.”
et conclut:
D'amalgames en amalgames, on obtient finalement un énorme gloubi-boulga d'islamophobie et de racisme qu'on ne parvient plus à contenir.
[…]
Les exemples d'institutionnalisation du racisme ordinaire sont de plus en plus nombreux. Et cela ne choque visiblement personne.
Le groupe Claris, un “collectif d’intellectuels”, créé en 2001 dans le but d'”agir pour clarifier la discussion sur la sécurité” montre son impatience en publiant un appel à la suppression du ministère de l'immigration, signé par d'éminents érudits français:
“[…] il est temps aujourd’hui de réaffirmer publiquement, contre ce rapt nationaliste de l’idée de nation, les idéaux universalistes qui sont au fondement de notre République. Nous appelons donc les habitants, les associations, les partis et les candidats aux futures élections à exiger avec nous la suppression de ce « ministère de l’identité nationale et de l’immigration », car il met en danger la démocratie.”
Agir
Finalement, les exemples pourraient venir de franges inattendues de la société civile. Le blogueur et journaliste du Monde Eric Arzan écrit sur son blog Veilleur de Jour :
Le débat sur l’identité nationale rebondit aujourd’hui là où l’on ne l’attendait et par celle que, bêtement, on n’imaginait pas dans une posture aussi radicale: Geneviève de Fontenay […]
[…] Juliette Boubaaya, Miss Picardie 2009, rêve de devenir, dimanche 6 décembre, la première Miss France musulmane. Et l’idée séduit Mme de Fontenay : « Juliette […], issue de l’immigration, petite-fille d’un grand-père algérien, elle brigue le titre de Miss France au moment où certains de nos hommes politiques interrogent sournoisement le pays sur ce qui forge l’identité nationale. A titre personnel, je me félicite de la présence de Juliette Boubaaya à l’élection du 6 décembre. Et entre nous, j’espère qu’avant de mourir, je verrai une Miss France maghrébine. Songez à l’impact qu’aurait ce vote. »
« A quoi pensez-vous ? » demande Lionel Laparade [de La Dépêche du Midi]. « À la claque administrée aux hommes politiques qui ont fait de l’identité nationale leur fonds de commerce, à la formidable réponse donnée, ainsi, à certains discours nauséabonds. Quand j’entends Besson, je suis indignée. Il manie la provocation de façon scandaleuse. »
Note : c’est Malika Ménard, Miss Normandie 2009,qui a été élue.