Ce billet fait partie de notre dossier central Relations Internationales & Sécurité
D'après un rapport controversé commandé par les Nations Unies, les alliés en exil de l'ancien Président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbabo, recrutent des islamistes du Nord du Mali afin de déstabiliser l'actuel gouvernement du Président Alassane Ouattara.
Ces informations ont été révélées samedi 6 octobre 2012 sur Radio France Internationale (RFI). Dans un article intitulé “Côte d’Ivoire : un rapport de l’ONU riche en révélations“, RFI décrit les liens présumés entre le Front Patriotique Ivoirien (FPI), pro-Gbabo, et les islamistes de Ansar Dine au Mali. Le rapport affirme par ailleurs qu'une rencontre a eu lieu à la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal afin d'évoquer la question de la mobilisation de mercenaires.
Vérité ou propagande ?
Le quotidien français Le Figaro a également repris les informations révélées par RFI, suivi par Associated Press, dont le sujet a été repris sur le site du New York Times et sur d'autres sites d'informations internationaux.
Dans le même temps, un porte-parole de la mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) a souligné que le rapport n'engageait aucunement l'ONU :
Contrairement à ce qui a été dit sur Rfi et qui a semé la confusion, ce n’est pas un rapport de l’Onu. C’est un rapport d’experts indépendants qui doit être soumis au Conseil de sécurité.
(…) les conclusions de ce rapport n’engagent que ces experts.
Il faut qu’on attende tous de voir le rapport et de voir les preuves qui ont été apportées par les experts. Pour pouvoir établir si les éléments sont vrais et savoir ce que les experts ont comme éléments de preuves.
Les cinq experts indépendants évoqués ont été mandatés par le Conseil de Sécurité de l'ONU et désignés par le Secrétaire Général en juin 2012.
Théophile Kouamouo, blogueur connu et rédacteur en chef du journal d'opposition pro-Gbagbo de Côte d'Ivoire Nouveau Courrier doute de l'exactitude des recherches menées par les experts de l'ONU :
Les experts doivent, pour publier une information, se fonder sur des sources documentaires éprouvées ou au moins deux sources indépendantes. Ils doivent aussi, autant que faire se peut, contacter les mis en cause et recueillir leur version des faits. Ce qui n’a pas encore été fait, selon les nombreuses personnalités interrogées par Le Nouveau Courrier. Par exemple, sur un sujet comme la prétendue réunion de Takoradi, Marcel Gossio, par exemple peut aisément prouver qu’il n’était pas au Ghana à la date citée.
En confirmant ces doutes sur l'exactitude du rapport, Kouamouo suppose que l'actuel régime ivoirien doit avoir communiqué aux experts commandités par l'ONU des messages SMS échangés entre des partisans en exil du FPI et les islamistes :
Par ailleurs, selon RFI, le rapport (?) évoque des SMS interceptés et qui seraient des preuves contre les pro-Gbagbo. Or, le Comité des experts ne comporte en son sein aucun expert en écoutes téléphoniques, et l’ONUCI non plus. La réalité doit être la suivante, au-delà de cette opération de propagande bien huilée. Il est fort probable que, tout simplement, les sécurocrates du régime Ouattara aient livré de prétendues « preuves » aux experts.
Ce billet et ses traductions en espagnol, arabe et français ont été réalisés pour le compte du International Security Network (ISN), dans le cadre d'un partenariat visant à donner la parole aux voix citoyennes sur des questions liées aux relations internationales et à la sécurité dans le monde. Ce billet a été publié initialement sur le blog de l'ISN. Voir des billets similaires ici.