Marie, professeure en Seine-Saint-Denis : “Celui-là, il est marrant. Celui-là, Madame, il est vraiment abusé”

Sur Tailspin, le témoignage de Marie, une professeure de français d'un collège de Seine-Saint-Denis, prend a rebours différents reportages et articles sur les réactions de certains élèves musulmans en Seine-Saint-Denis, justifiant le massacre de Charlie-Hebdo ‘pour les insultes au prophète Mohamet’. 

Ils m’ont demandé de regarder des dessins publiés par Charlie Hebdo. Je les ai projetés au tableau, nous les avons analysés ensemble. Celui-là il est marrant madame. Celui-là, il est vraiment bête. Celui-là, il est vraiment abusé.
Le dessin de presse, la caricature, comme les textes de satire, reposent sur la nécessité impérieuse d’une réflexion, sur une recherche de l’implicite qui s’acquiert avec le temps, avec l’esprit critique, avec la lecture. J’ai rappelé à mes élèves quelque chose que je leur dis chaque semaine, que l’intelligence est ce que nous avons de plus précieux, que c’est grâce à elle que nous pouvons comprendre non seulement les mots et les images, mais aussi ce qu’ils cachent, ce qu’ils suggèrent, ce qu’ils ne disent pas d’emblée.
Toutes et tous ont compris. Aucun ne m’a dit : « C’est bien fait », « Ils l’ont bien cherché », « Je suis bien content-e ». Aucun. Je n’ai pas eu besoin de les mener à dire quoi que ce soit. Ils l’ont dit eux-mêmes. Les enfants de Seine Saint-Denis ne sont pas des idiots.Et moi non plus, enseignante, je ne suis pas idiote. Je ne baigne pas dans la démagogie dégueulasse dont on nous pense souvent coupables.

Lorsque je vois qu’un quotidien national, quelques jours après l’attentat contre Charlie Hebdo, part investiguer dans le 93 pour savoir comment ont réagi les élèves, je m’interroge, parce que l’odeur qui émane d’une telle démarche n’est pas très agréable à sentir.

Pourquoi le 93 ? Aucun de ces terroristes ne venait de Seine Saint-Denis. Aucun. Pourquoi le 93 ?

Pourquoi, tiens, n’allons-nous pas enquêter pour savoir les horreurs qu’ont dû proférer les collégiennes et les collégiens dont les parents votent Front National ? Pourquoi les journalistes ne sont-ils pas allés se poster devant les écoles de Béziers ? De Fréjus ? D’Hayange ? D’Hénin-Beaumont ? Pourquoi ne nous donne-t-on pas le droit de nous indigner des propos qu’ont très certainement tenus ces enfants qui, malheureusement pour eux, sont tout aussi imprégnés des idées de leurs parents et de leur milieu que la poignée d’élèves séquano-dionysiens ?

Je regrette vraiment qu’aujourd’hui les élèves du 93 soient stigmatisés, au lendemain de l’attentat terroriste, et je ne comprends pas pourquoi les médias choisissent de titrer, dans un geste racoleur qui me fout sérieusement la gerbe, « Les élèves de Seine Saint-Denis ne sont pas tous Charlie ».

Les élèves de Seine Saint-Denis n’ont surtout rien demandé. Ils aimeraient bien qu’on leur foute la paix, pour une fois, qu’on arrête de braquer les projecteurs sur eux dès qu’un bas du front islamiste vient dire ou commettre quelque chose d’effroyable.

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