Le maire d'Odessa pourrait faire l'objet de poursuites judiciaires à la suite de violences envers un journaliste local

Le maire d'Odessa, Gennadi Troukhanov, quelques secondes avant que son service de sécurité n'expulse du palais de justice le journaliste de Radio Svoboda, Mikhaïl Shtekel, lors du point presse. Capture d'écran issue de la vidéo de Mikhaïl Shtekel publiée sur Twitter.

[Article d'origine publié le 18 janvier] La police d'Odessa va ouvrir une enquête sur le maire de la ville, Gennadi Troukhanov, pour “entrave à l'activité professionnelle légale de journalistes”. Cette infraction, punie par le code pénal ukrainien, fait suite à un incident au cours duquel son service d'ordre a agressé physiquement un journaliste local.

Le 27 décembre 2018, Mikhaïl Shtekel, journaliste pour Radio Svoboda, a posé une question à Gennadi Troukhanov lors d'un point presse, à laquelle le maire aura répondu en repoussant le reporter pendant que son service de sécurité finissait de l'expulser hors du bâtiment.

Mikhaïl Shtekel, dont l'employeur Radio Svoboda est la version ukrainienne de Radio Free Europe, a filmé l'intégralité de l'incident avant de publier la vidéo sur Twitter peu après :

Замість відповіді на запитання @radiosvoboda міський голова Одеси Генадій Труханов разом зі своєю охороною відпихнув мене і залишив приміщення Малиновського суду. Допомогала їм в цьому поліція. @NPU_GOV_UA @MVS_UA це 171-ша чи ні? pic.twitter.com/NRO7U7OohA

— Michael Shtekel (@mishajedi) December 27, 2018

Au lieu de répondre à la question posée par @radiosvoboda [Radio Liberté en ukrainien] le maire d'Odessa Gennadi Troukhanov et ses gardes du corps m'ont repoussé et ont quitté le tribunal de Malinovski. La police les y a aidés. @NPU_GOV_UA [Police nationale] @MVS_UA [Ministère des affaires intérieures ukrainien] cela relève-t-il de l'article 171 ou non ?

L'article 171 du code pénal ukrainien caractérise le délit “d'entrave à l'activité professionnelle légale de journalistes” et vise la saisie illégale du matériel de reportage et le refus de donner accès à l'information, entre autres actes. Il impose des amendes et une peine maximale d'emprisonnement de trois ans.

Le 29 décembre, Mikhaïl Shtekel a déclaré sur sa page de profil Facebook qu'avec l'aide de ses avocats, il avait déposé une plainte pénale au titre de l'article 171 contre Mr. Troukhanov, ses agents de sécurité et les policiers ayant participé à son agression. Le 2 janvier, la police d'Odessa a confirmé à Detector Media avoir ouvert une enquête judiciaire sur cet incident.

Le mépris du maire envers les journalistes

C'est seulement le dernier épisode en date au cours duquel Gennadi Troukhanov ou ses subordonnés ont attaqué des membres de la presse. En juillet 2018, lorsque le journaliste Bogdan Osinski lui a demandé pourquoi il avait qualifié un groupe d'écologistes de “vers verts”, le maire a saisi le téléphone du journaliste et tenté de le frapper avec.

En avril 2018, le journaliste britannique Andy Verity, venu à Odessa avec la BBC pour enquêter sur une affaire de corruption impliquant le maire, a été bousculé, jeté à terre et frappé à l'aine par les agents de sécurité de M. Troukhanov quand il l'a approché pour une question. La BBC a filmé l'intégralité de l'incident.

Enfin, juste avant la fin de l'année 2018, M. Trukhanov a déclaré que le député et ancien journaliste Mustafa Nayem, posait des “questions stupides.

Par ailleurs, M. Troukhanov comparaît comme accusé dans une affaire de détournement de fonds liée à la vente de l'hôtel de ville d'Odessa, une bâtisse connue sous le nom d'usine de Krayan. Le procès a commencé en octobre et la conférence de presse durant laquelle Mikhaïl Shtekel a été attaqué le 27 décembre, se déroulait à la suite d'une des audiences.

Le maire a également reçu de vives critiques, provenant notamment de la scène internationale, au sujet du comportement de ses “gardes municipaux”. Il s'agit d'agents de sécurité privés, engagés dans des circonstances suspectes par la ville d'Odessa et qui ont été accusés de nombreuses violations des droits de l'homme, notamment à l'encontre de journalistes.

Gennadi Troukhanov devrait être candidat à sa réélection en 2020. Toutefois, si l'une des affaires pénales à laquelle il est confronté se soldait par une condamnation, il risquerait fort de devoir se battre pour sa propre liberté plutôt que pour son siège de maire d'Odessa.

Lors d'une cérémonie annuelle tenue le 30 novembre dernier à l'hôtel de ville d'Odessa, M. Troukhanov a présenté son bilan personnel sous une lumière favorable. Un tel enthousiasme n'est probablement pas partagé par les journalistes locaux, pour qui la liberté de la presse apparaît de plus en plus incertaine.

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