Des milliers de manifestants d'extrême-droite à Madrid en dépit des restrictions dues au COVID-19

Rassemblement organisé par VOX le 03.06.2018 Crédit photo : Vox España/Flickr, domaine public.

[Article d'origine en espagnol publié le 29 mai 2020]

Alors que l'Espagne assouplit progressivement les restrictions liées au coronavirus, [le 23 mai dernier] 6.000 voitures ont paralysé le centre de Madrid en une manifestation réclamant la démission du président du gouvernement Pedro Sánchez et de ses ministres.

Aux cris de “liberté”, “démission” et “Sanchez dégage” et brandissant des drapeaux et masques aux couleurs de l'Espagne, la manifestation était dirigée contre la gestion de la pandémie par le gouvernement et réclamait la restauration des libertés individuelles et la réouverture de l'économie pour éviter que l'Espagne se transforme en pays “du tiers-monde”.

Convoquée par le parti d'extrême-droite VOX, la manifestation a pris la forme d'un défilé d'automobilistes pour garantir le respect de la distanciation physique obligatoire pendant la pandémie. Pour autant, nombreux ont été ceux qui ont enfreint ces mesures en sortant de leurs voitures.

Les manifestants ont parcouru les quartiers cossus du centre de Madrid. Sur la Plaza de Colón avait été stationné un bus décapotable, où se tenaient les dirigeants de VOX, dont le chef du parti Santiago Abascal.

MANIFESTATION, LE BUS DE VOX. VIVE L'ESPAGNE

Les mesures de confinement ont été relâchées le 11 mai dans la capitale durement frappée, et les petits commerces ont pu partiellement rouvrir sous de strictes mesures sanitaires. Mais la ville ne rouvre encore que lentement. La manifestation de VOX a suscité la controverse à cause du danger des rassemblements, de la pollution causée par les milliers de véhicules, de son ambiance festive, et des harangues d'Abascal incitant tous les Espagnols à “sortir dans les rues” pendant le confinement. Il y a aussi eu des moments de tension avec l'agression d'un journaliste de La Razón par des manifestants, et le harcèlement de confrères de la RTVE.

” Pédés, communistes”

C'est ce qu'a dû subir ce journaliste de @rtve. Il n'y a pas si longtemps, on a vu des images semblables avec d'autres drapeaux et nous mettions les mains sur la tête.

Ceux qui réclament la liberté et ne la pratiquent pas ne veulent qu'une chose : imposer leur modèle de société

Le droit de manifester est une liberté reconnue par la constitution, mais la controverse naît de la situation exceptionnelle où se trouve le monde entier. Au moment d'écrire cet article, l'Espagne comptait 287.740 cas confirmés et 27.133 morts du COVID-19.

Cette procession de voitures était le point culminant d'une série de manifestations contre le gouvernement qui ont débuté le 14 mai dans un quartier de Salamanque où plus de 70% des habitants ont voté pour les partis de droite et d'extrême-droite aux dernières élections parlementaires. Depuis lors, chaque jour à 21 heures, de nombreux habitants sortent dans la rue ou sur leurs balcons en tapant sur des casseroles pour réclamer la démission du chef du gouvernement — contribuant à alourdir une situation politique déjà tendue.

Depuis que Pedro Sánchez a été investi le 7 janvier 2020 et a commencé par former un gouvernement avec la coalition de gauche Unidas Podemos, les partis de droite ont durci leur discours d'opposition. Sur les réseaux sociaux, l'ultra-droite s'affaire à traiter le gouvernement et ses membres de “putschistes”, “illégitimes”, et même d’ “hommes de main“.

Qu'est-ce que VOX ?

Le parti d'extrême-droite VOX est né fin 2013 mais c'est seulement à la fin de 2018 qu'il a obtenu une représentation au Parlement d'Andalousie pour la première fois de son histoire, avec 12 sièges. Aux dernières élections générales du 10 novembre, VOX a obtenu 52 sièges et est devenu la troisième force du parlement espagnol.

Le parti est en plein essor est accusé de manier un discours nationaliste, raciste et anti-féministe pour promouvoir son message politique. Au nombre des mesures figurant dans son programme électoral de 2019 se trouvent l'interdiction des partis politiques “poursuivant la destruction de l'unité territoriale de la nation”, l'expulsion des immigrants illégaux et leur exclusion du système national de santé, la fermeture des mosquées, l'abrogation de la loi sur les violences de genre, l'interdiction de l'avortement, et la création d'un ministère de la Famille pour protéger “la famille naturelle”.

A quoi s'ajoute une de ses plus récentes et plus polémiques propositions, appelée “pin parental“. La mesure consiste à ce que les parents signent une autorisation pour que leurs enfants accèdent aux activités ou conférences ayant lieu dans les centres éducatifs, ouvrant la possibilité de les empêcher de se rendre aux formations sur la santé sexuelle ou la diversité.

Réactions sur Twitter

Les réactions contre la manifestation de VOX ont été nombreuses, surtout pour critiquer l'utilisation par le parti du drapeau espagnol, que beaucoup ont qualifiée d'usurpation d'un symbole national à fins d'intérêts partisans, comme le parti l'avait déjà fait avec sa propagande électorale pour le scrutin de 2015.

L'utilisation du drapeau espagnol par les manifestants de Vox, au lieu du leur, le vert, est une honte. Ils vont réussir à ce que beaucoup d'Espagnols, qui ne sont pas avec Vox, voient dans le drapeau espagnol un symbole factieux de l'ultra-droite (“l'effet Azor” [l'effet de sympathie ou de rejet provoqué par un symbole, un objet… en fonction de la personne ou du phénomène avec lequel on l'associe, qu'a décrit dans un article l'auteur de ce tweet NdT])

Tandis que dans le monde du football, des célébrités, comme l'ex-gardien de but de la sélection espagnole Pepe Reina, ont approuvé la manifestation.

Ah ! Alors, on dirait bien que les petites gens sont dans la rue ??

Mais des voix critiques ont aussi pointé une certaine contradiction entre la position négative de VOX à l'encontre de la grande manifestation féministe du 8 mars et leur tenue aujourd'hui d'une action publique comparable.

Vox le 8 mars et Vox aujourd'hui

Divers députés au Congrès, des partis Más País, Unidas Podemos et Esquerra Republicana, respectivement, ont aussi twitté leur opinion sur les faits :

La patrie, elle prend soin de nous. Rien à voir avec le défilé d'individualisme de ces petits messieurs

La “manifestation” en voiture de Vox fait obstacle au passage d'une ambulance.

Peut-on avoir une métaphore plus précise que ça ?

Le fascisme est aussi un virus

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