#LibérezMuay : des collectifs réclament la libération de l'activiste pour le climat laotienne, véritable coqueluche des réseaux sociaux

Une compilation de 5 photos de personnes de toutes les générations posants avec une photo de Muay et reprenant le hashtag "Libérez Muay"

Des militant·e·s de nombreux pays d'Asie soutiennent le mouvement #FreeMuay [#LibérezMuay].

L’article d’origine a été publié en anglais le 24 septembre 2020.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

De nombreuses associations de défense des droits humains ainsi que plusieurs médias ont réclamé la libération de Houayheuang Xayabouly. Plus connue sous le nom de Muay, cette dernière est détenue depuis le mois de septembre 2019 à cause d'une vidéo publiée sur Facebook dans laquelle elle critique la façon dont le gouvernement laotien a géré les suites des terribles inondations. Alors que s’achève, en ce mois de septembre, la première année de détention de l'activiste, des organisations citoyennes lancent une vaste campagne de sensibilisation pour sa libération. 

Muay est une mère âgée de 31 ans qui exerce la profession de guide touristique. Elle est également propriétaire d'une boutique et milite activement pour la défense de l'environnement. Ses vidéos, dans lesquelles elle dénonce les affaires de corruption locale et les agissements illégaux de certaines entreprises, l'ont propulsée au rang d'« idole du net » (une expression utilisée dans des pays tels que le Laos et la Thaïlande pour désigner les influenceurs et influenceuses sur les réseaux sociaux). 

À la suite des terribles inondations survenues entre fin août et début septembre 2019, Muay a fait état, dans une vidéo diffusée sur Facebook Live, de son profond désarroi face à la lenteur de la procédure d'aide aux victimes mise en place par le gouvernement. Dans la vidéo, elle indique :

In this emergency situation, I am not in need of food and water yet, but yesterday [September 4], a huge flood came and people here were up on the roofs of their houses trying to escape. Where is the helicopter for rescuing those people?

I cannot be silent as we have been in the past. The era of the regime keeping the eyes and mouths of the people closed has come to an end.

En plein cœur du désastre, je ne manque encore ni d'eau ni de nourriture. Mais hier [4 septembre], de terribles inondations ont eu lieu et certaines personnes ici ont dû se réfugier sur les toits de leurs maisons. Pourquoi aucun hélicoptère n'a-t-il été dépêché pour venir porter secours à ces personnes ?

Je ne peux garder le silence plus longtemps. L'époque où le régime pouvait nous cacher la vérité et nous bâillonner est à présent révolue. 

La vidéo de 17 minutes a été visionnée plus de 170 000 fois.

Arrêtée en date du 12 septembre, elle a été mise en examen pour diffamation et diffusion de propagande anti-gouvernementale en vertu de l'article 117 du Code pénal. Les médias d'État laotiens ont annoncé qu'elle avait reconnu son crime. Muay a été déclarée coupable en novembre puis condamnée dans la foulée à cinq ans de prison.

Les associations représentant la société civile militent activement pour la libération de l'activiste. Celles-ci soutiennent qu'elle a été emprisonnée à cause de ses publications dénonçant les méfaits du gouvernement sur les réseaux sociaux. Elle y a notamment évoqué des perceptions excessives d'impôt, des embauches abusives de fonctionnaires, l'accaparement des terres, des dispositifs néfastes pour l'environnement mis en place par des investisseur·e·s chinois·es, l'impact des immenses barrages sur les villages avoisinants et la négligence dans l'apport d'aide aux victimes des inondations.

La Fondation Manushya résume ainsi l'affaire Muay :

She contributes to the protection and respect for the rights of the Lao people, by highlighting the harms caused from business activities and corruption, as well as calling for solutions to redress the same.

As a result of Muay's contribution to ensure the protection and respect for the rights of the Lao people, she was made an example of by the government of Lao People’s Democratic Republic.

En soulignant les préjudices causés par certaines pratiques mercantiles ainsi que la corruption qu'elles engendrent et en réclamant des solutions pour remédier à cela, elle contribue activement à la protection et au respect des droits du peuple laotien. 

L'aide apportée par Muay pour la protection et le respect des droits du peuple laotien a été sanctionnée par le gouvernement de la République démocratique populaire lao, qui a fait d'elle un exemple. 

La longue peine de prison infligée à Muay a pour but de dissuader les citoyen·e·s, qui seraient tenté·e·s de critiquer le régime, a expliqué Andrea Giorgetta de l'antenne régionale de Bangkok de la Fédération internationale des droits humains [FIDH].

The incredibly harsh prison sentence against Muay is designed to send a warning to the entire population that no dissent and no criticism of the government is acceptable.

La peine de prison extrêmement sévère infligée à Muay résonne comme un avertissement pour l'ensemble de la population. Le gouvernement ne tolérera aucune voix dissidente, ni aucune critique à son encontre.

Des expert·e·s des droits humains de l'ONU ont écrit une lettre au gouvernement du Laos, dans laquelle en plus de manifester leur inquiétude quant à la détention prolongée de Muay, ils sollicitent davantage de précisions concernant son dossier.

We wish to express our concern regarding the sentencing of human rights defender Ms. Xayabouly for the legitimate exercise of her right to freedom of opinion and expression. We are particularly concerned that the arbitrary detention and lengthy prison sentence handed down to her may have a chilling effect on civil society in the Lao PDR discouraging human rights defender and other members of civil society from sharing opinions on the observance of human rights in the country.

Nous souhaitons exprimer notre inquiétude au sujet de la condamnation de la défenseure des droits humains Mme Xayabouly, qui semble avoir exercé en toute légitimité son droit à la liberté d’expression. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que cette détention arbitraire ainsi que la longue peine de prison prononcée à son encontre aient un effet d'inhibition sur la société civile de la République démocratique populaire lao. Cela pourrait, en effet, décourager les défenseurs des droits humains et d'autres membres de la société civile dans l’expression de leurs opinions au sujet du respect des droits humains dans le pays. 

Des informations confirmées par Mary Lawlor, rapporteuse spéciale de l'ONU pour les défenseur·e·s des droits humains, dans un tweet publié le 17 septembre.

Note commune envoyée au gouvernement du Laos le 13 juillet 2020, au sujet de la condamnation de la défenseure des droits humains Houayheuang Xayabouly, disponible dès à présent :
[copie d'écran d'un extrait de la note reprenant les faits de l'affaire Muay et attirant l'attention du gouvernement du Laos sur la condamnation de la défenseure des droits humains.]

Dans un article paru dans le magazine New Bloom, Netiwit Chotiphatphaisal et Suppakrit, les auteurs,  décrivent le parcours de Muay. Elle fut guide touristique, commerçante et défenseure de l'environnement avant de devenir une véritable coqueluche sur internet, adoubée par des milliers de sympathisant·e·s.

This dark time in Laos makes us realize that young people in Laos who grew up in a time when information is not that easily controlled are challenging the long obstruction of freedom and human rights which has lasted for over 40 years in Laos. Muay was one of their most important inspirations.

C’est en cette période sombre au Laos que nous prenons conscience du fait que les jeunes laotien·ne·s, qui ont grandi à une époque où l'information est plus difficile à endiguer, vont tout de même devoir combattre des entraves importantes à leur liberté et aux droits humains, alors même que ces droits ont été profondément ancrés dans le pays pendant plus de 40 ans. Muay était d’ailleurs l'une des plus grandes sources d’inspiration de la jeunesse.

Dans l'article, un appel à un soutien planétaire pour Muay est lancé :

Muay is a regular person who loves her country, her community, her land, and the forests there. She was not afraid to speak out, speak up for the people, for the trees which are being destroyed to build dams, against corruption in Lao and against Chinese companies.

Muay bravely stood up to protect the environment. She was acting on behalf of Laos and the world in doing so. Muay does not deserve to be let alone imprisoned from taking this stand.

Muay est une personne ordinaire qui aime son pays, sa communauté, ses terres, et les forêts qui s'y trouvent. Elle a osé s’exprimer, s’exprimer pour le peuple, pour les arbres déracinés pour la construction de barrages, s’exprimer contre la corruption du Laos et enfin contre les entreprises chinoises.

Muay a fait preuve de bravoure en militant pour la défense de l’environnement. C’est au nom du Laos et de la planète entière qu’elle a agi ainsi. La dernière chose que Muay méritait, c’était d’être emprisonnée à cause de ses combats.

L’information est totalement verrouillée au Laos. C’est d’ailleurs pour cette raison que bon nombre de citoyen·ne·s laotien·ne·s plébiscitent les médias alternatifs en ligne, comme ceux diffusés sur Facebook par exemple.

Le cas de Muay est révélateur de la traque de plus en plus oppressive que subissent les internautes laotien·ne·s qui osent exprimer leur opinion concernant des questions sociétales. Le 26 août dernier, Sangkhane « Thitsy » Phachanthavong a, lui aussi, été placé en détention après avoir publié sur Facebook des propos déplorant la corruption.

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