Des portraits de militants disparus défilent dans le centre-ville de Bangkok

Activists Siam Square

Des manifestants se déguisent avec des sacs en plastique et arborent des pancartes montrant des photos de militants thaïlandais portés disparus. Photo et légende de Prachatai. Utilisées avec permission.

Cet article a été publié pour la première fois par Prachatai, un site d'information thaïlandais indépendant ; il est republié par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Pour marquer la Journée internationale des personnes disparues, le 30 août, une douzaine de personnes affiliées au groupe d'étudiants militants Mok Luang Rim Nam se sont rassemblées à l'intersection de Ratchaprasong, dans le centre de Bangkok. Les militants se sont postés sur la place Siam pour sensibiliser la population au problème des disparitions forcées. Chaque manifestant portait sur lui une pancarte avec la photo d'un des militants enlevés, dont certains ont ensuite été retrouvés morts.

Les manifestants portaient les photos de Porlajee Rakchongcharoen, Surachai Danwattananusorn, Wanchalearm Satsaksit et Siam Theerawut — les victimes thaïlandaises de disparition forcée. Accrochant les photos des victimes autour de leur cou, certains d'entre eux s'étaient même recouvert la tête d'un sac plastique, évoquant ainsi une des techniques de torture par étouffement.

Porlajee Rakchongcharoen est un militant écologiste de Karen, vu pour la dernière fois lorsqu'il a été arrêté par les responsables du parc national de Kaeng Krachan, dans la province de Phetchaburi. Surachai Danwattananusorn, un militant chevronné qui avait fui le pays après le coup d'État de 2014, a disparu en décembre 2018 dans un pays voisin, et son corps a ensuite été retrouvé à la frontière entre la Thaïlande et le Laos. Siam Theerawut a lui aussi fui en 2014 et a été arrêté par les autorités vietnamiennes en 2019 avant son extradition signalée vers la Thaïlande. On ignore toujours où il se trouve.

S'exprimant sur le sujet, Tanruthai Thaenrut a déclaré que ce groupe de militants voulait sensibiliser l'opinion publique sur le sujet des disparitions forcées, pour leur dire que le gouvernement feint d'ignorer ces disparitions et fait taire les gens pour que la situation semble normale.

En 2020, un rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires des Nations unies estime qu'il y a au moins 75 victimes de disparition forcée en Thaïlande. Depuis le coup d'État militaire de 2014, neuf réfugiés politiques thaïlandais vivant dans des pays voisins ont été portés disparus. Deux d'entre eux ont été retrouvés morts par la suite. Aucun progrès n'a été enregistré dans les enquêtes sur les sept autres disparitions.

Des policiers en uniforme ont été vus montant la garde au siège de la police nationale sur le chemin de la place Siam. Des policiers en civil auraient pris des photos des participants à la manifestation avant le début de celle-ci.

Lorsqu'ils sont arrivés à destination, le responsable du poste de police de Pathumwan est arrivé avec d'autres officiers de police, pour surveiller discrètement la situation.

Pendant le rassemblement, des militants ont mis en scène une action symbolisant un enlèvement. L'un des participants a placé un sac noir sur la tête de Tanruthai alors qu'elle prononçait un discours. Deux autres l'ont ensuite emportée pendant que d'autres militants criaient « Libérez nos amis ».

Photo of Wanchalearm Satsaksit

Photo de Wanchalearm Satsaksit, une des militantes disparues en exil. Source: Prachatai.

Mint, une danseuse traditionnelle thaïlandaise devenue militante et qui a participé à la marche, a déclaré que ce petit sketch montrait bien que tout le monde pouvait être victime d'une disparition forcée. Elle a rappelé que l'avocat défenseur des droits humains, Somchai Neelapaijit, a été enlevé en plein Bangkok, et elle a ajouté que le sort de la plupart des personnes disparues reste inconnu.

« La prochaine personne à disparaître, ça pourrait être vous. Ça pourrait être n'importe qui, tous ceux qui veulent parler des problèmes, tous ceux qui veulent une vraie démocratie, tous ceux qui veulent exprimer leur opinion », a déclaré Mint.

Mint a remarqué qu'au moment où ils organisaient leur marche, des femmes policières ont été déployées dans la zone, probablement pour les éloigner du lieu de la manifestation.

Je ne vois pas en quoi se souvenir de personnes disparues est une menace pour la sécurité nationale. Pensez-vous que nous représentons une menace pour la sécurité nationale ? Est-ce que quelqu'un ici présente possède une armée ? Est-ce que j'ai une arme ? Non. Est-ce que j'ai des soldats ? Non. Je n'ai que vous, les journalistes, moi-même, et un sac. Je n'ai pas de gardes du corps. Je pourrais disparaître à tout moment.

Nous avons organisé cet événement pour rappeler les phénomènes bizarres qui se sont produits dans ce pays. Ils appellent cela une démocratie, mais vous pouvez être enlevé ou tué pour avoir simplement exprimé votre opinion.

Chan (pseudonyme), 18 ans, un autre participant qui figurait sur la liste des personnes à surveiller par les autorités, a déclaré qu'il souhaitait que les policiers fassent preuve d'empathie envers leurs victimes.

… Pensez à la peine des familles que l'on a obligées à vivre avec la douleur d'une disparition. Un jour, cela pourrait être un de vos proches. N'utilisez pas l'excuse des « supérieurs qui l'ont ordonné » – demain, ce pourrait être vos enfants ou petits-enfants qui seront touchés.

Personne ne devrait disparaître parce qu'il pense différemment.

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