Au Burundi, Ibihe est un des rares médias locaux à sensibiliser le public à propos de la crise climatique

Capture d'écran de l'accueil du site Ibihe.org

Le média burundais Ibihe.org est l'un des rares médias dans son pays à expliquer les enjeux de la crise climatique qui affectent l'Afrique comme toutes les régions du monde.

D'une superficie de 27 834 km2, le Burundi jouit d'un climat tempéré avec deux principales montagnes: le mont Heha d'une altitude de 2 684 mètres et le mont Kikizi d'une altitude de 2 145 mètres. Le pays dispose aussi de trois fleuves: la rivière Rusizi, la Malagarazi et le Ruvubu. Il partage le Lac Tanganyika (le plus grand fleuve de la région) avec d'autres pays de la région de l'Afrique de l'Est comme le Rwanda et la Tanzanie. L'activité agricole (exportation agricole et élevage) occupe une place importante dans l’économie de ce pays où la majorité de la population reste rurale.

Tout comme Vert-togo basé au Togo, lecologiste basé en Côte d'Ivoire, Ibihe.org est un média environnementaliste et scientifique basé au pays d’Évariste Ndayishimiye, président de la République de Burundi depuis juin 2020. Logé à Bujumbura, capitale économique du pays Ibihe s'engage pour la sensibilisation des populations burundaises et de l'Afrique sur les risques environnementaux liés au non respect des engagements climatiques sur le continent. Ferdinand Mbonihankuye, co-fondateur de Ibihe et résolument engagé pour l'environnement, fait partie du lot de ces jeunes journalistes burundais qui espèrent voir changer leur société. Global Voices s'est entretenu avec lui via Whatsapp pour essayer de mettre en lumière le travail qu'abat le média en question depuis sa création.

Jean Sovon (JS) : Comment êtes-vous devenu journaliste écologique et quels sont les challenges auxquels vous avez fait face?

Ferdinand Mbonihankuye (FM) : Je suis Ferdinand Mbonihankuye co-fondateur du journal en ligne Ibihe. Je suis journaliste d'investigation mais aussi scientifique et environnementaliste. Je suis également correspondant pour l'édition francophone de la revue en ligne de vulgarisation scientifique scidev.net. Je suis devenu journaliste écologique par passion car je veux raconter les histoires environnementales et écologiques au Burundi ainsi que de la Communauté Économiques des États de l'Afrique Centrale (CEEAC). L'absence des journaux et la rareté des journalistes spécialisés dans l'écologie au Burundi sont aussi des raisons valables pour mon engagement.

Mais parlant de mes défis ou challenges, j'ai été arrêté en 2017 dans l'exercice de mes fonctions pour raison de complots politique et emprisonné pendant une semaine. En juin 2022, j'ai été également arrêté au Rwanda dans le cadre d'un reportage sur la construction de la Centrale Hydroélectrique Rusumo car je suis Burundais et je n'avais pas l'autorisation de faire ce reportage sur le sol rwandais. Mais j'ai été relâché après de longues discussions.

JS : Pourquoi avoir lancé le site Ibihe et quel public ciblent vos publications ?

FM : Depuis quelques années, on observe au Burundi l'impact du changement climatique qui donne lieu à des inondations et de glissements de terrain qui affectent la production des petits exploitants, quand ils n’emportent pas leurs vie ou leurs biens. Maisons, productions agricoles, sources d'économies, bref des années de dur labeur partent sous l'effet de ces inondations. L’État ne mène pas assez d'initiatives pour contrer ces phénomènes et peu de médias parlent de cette situation que vivent pourtant au quotidien les Burundais. C’est dans cette optique que le journal lbihe a vu le jour. Il se donne la noble mission de parler de ces histoires vécues pour contribuer à l'éveil des consciences face aux enjeux climatiques, pour informer et sensibiliser les populations dans le but de les aider à se protéger au maximum. Nous ciblons donc les Burundais en premier lieu.

JS : Quelle est la particularité de Ibihe au regard des autres médias burundais ?

FM : Ibihe a pour ligne éditoriale le changement climatique, l’environnement. Les histoires vécues que raconte notre média tournent autour de ces thématiques phares. Loin de ce que font les autres, nous apportons des touches scientifiques à ces histoires en se basant sur des données recueillies auprès des principaux acteurs, sans oublier les formats vidéos et les podcasts.

JS: Vous avez fait le choix de publier vos articles en français, anglais et en kiswahili. Pourquoi pas en kirundi ?

FM : Nous avons fait le choix d'écrire et de publier nos articles en français,  en kiswahili et en anglais. Pour le moment, pas encore en kirundi. Mais nous avons en projet la rédaction d'articles en kirundi, langue d'origine bantoue qui est la langue nationale du Burundi et parlée par 97 % de la population, parce que tous les Burundais peuvent lire et comprendre facilement ces deux langues. Donc notre site est accessible en français, en anglais et en kiswahili (langue bantoue) originaire de la Tanzanie. Ces deux autres langues sont communes à la Communauté d'Afrique de l'Est dont fait partie notre pays.

JS : Où trouvez-vous vos journalistes ? Les formez-vous vous-même ?

FM : Nous organisons parfois des formations pratiques en journalisme axées sur l'environnement. Beaucoup de jeunes y participent et c'est dans ces lots de participants que nous trouvons et dénichons les journalistes qui ont la capacité de raconter les histoires conformément à la ligne éditoriale d'Ibihe. D'autres nous sollicitent également pour faire des stages d'approfondissement chez nous.

JS : Comment se présente l'environnement médiatique burundais ?

FM : L’environnement médiatique au Burundi était relativement bon jusqu'en 2015. Les journalistes se retrouvaient quelquefois en difficultés dans la pratique de leur métier notamment en ce qui concerne l'accès aux sources d'informations et aux données pouvant aider dans la réalisation des enquêtes. Quant à la liberté de presse et la liberté d'expression, la situation aujourd'hui est compliquée, ce qui ne rend pas du tout facile le travail de journaliste. Mais nous essayons de contourner certaines barrières pour donner  des informations utiles aux Burundais et pour inciter les décideurs à prendre des solutions le plus rapidement possible.

Selon le classement de Reporters Sans Frontières (RSF) en 2023, le Burundi occupe le 114è rang sur 180 pays avec un score de 52,14 alors qu'il occupait en 2022  le 107è rang  avec un score de 55,74. Ceci représente donc un recul de sept places. Accusée de “porter atteinte à l’intégrité du territoire national”, la journaliste burundaise Floriane Irangabiye a été arrêtée le 3 janvier 2023 et a écopé de 10 ans de prison ferme. Il lui est reproché la tenue d'émissions critiques contre les autorités burundaises alors qu'elle se trouvait au Rwanda, pays voisin du Burundi. Elle est également accusé de n'avoir pas montré des preuves de sa profession de journaliste alors que les autorités du pays sont très intransigeantes sur la possession de la carte de presse.

Sur la toile, des publications et tweets ont appelé à sa libération, comme celui de Clément Boursin, responsable des programmes Afrique pour @ACAT_France:

Malgré tout ces défis, Ibihe développe son travail de sensibilisation sur le changement climatique au Burundi à travers des thématiques portant sur les plantes, l'agriculture et la pisciculture, et surtout sur les changements de comportement sans lesquels rien ne se fera pour améliorer la situation.

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