“Au Burundi, la situation des droits de l’homme continue à se dégrader, nous devons changer de stratégie pour alerter le monde sur ce qui se passe”

Armel NIYONGERE avec sa permission

Armel NIYONGERE avec sa permission

Armel Niyongere refuse de laisser la peur entraver sa mission.

Il a lu et entendu bien trop de témoignages de tortures, exécutions extrajudiciaires, arrestations et détentions arbitraires au Burundi pour arrêter de se battre pour la protection des droits de tous les citoyens de son pays.  Niyongere est le president de l'ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture), il coordonne aussi un réseau des associations de défense des droits de l'homme et il est actuellement en exil car son association figure sur la liste des personnes / organisations suspendues depuis 2015 et le début de la crise au Burundi.

Le désaccord sur la décision de Nkurunziza de présenter sa candidature pour un troisième mandat en 2015 a provoqué des manifestations et campagnes citoyennes, qui se sont transformées en affrontements et rébellion armée. Le gouvernement a lourdement riposté, contraignant des dissidents à l’exil ou au silence. Global Voices a échangé avec Armel pour faire un point sur la situation sur les droits humains au Burundi:

Global Voices (GV):  Avec la controverse autour du troisième mandat du président Pierre Nkurunziza en 2015, la situation au Burundi reste critique. Les accords d'Arusha n'ont pas eu l'effet pacificateur escompté. La radicalisation du régime a polarisé le conflit politique avec des conséquences majeures: des centaines de morts et au moins 200 000 personnes ayant fui le pays. Quelle est votre vision sur le court terme de la situation politique du pays ?

Armel NIYONGERE (AN) : Oui, effectivement, la crise actuelle au Burundi a été déclenchée à l’origine par ce troisième mandat illégal et inconstitutionnel de Nkurunziza qui met en cause les accords d’Arusha.  La population avait organisée des manifestations pacifiques pour protester contre ce mandat. Le gouvernement  a de facto réprimé ces manifestations dans le sang avec plus de 2 000 morts, plus de 500 000 réfugiés et plus 8 000 personnes détenues arbitrairement. Dans l'immédiat, je pense que la communauté Internationale devrait être ferme pour obliger le gouvernement à négocier avec les opposants pour une solution pacifique. Sinon, il y a risque de se retrouver dans une guerre civile ou de plonger la crise dans l’irréparable.

GV:  Vous êtes avocat et aussi un fervent défenseur des droits de l'homme au Burundi. Aujourd'hui, quels sont les obstacles majeurs à la protection des droits humains ici et comment s'organise les associations pour signaler et dénoncer toutes dérives ?

AN : En tant qu’avocat et défenseur des droits humains au Burundi, je constate que la situation des droits de l’homme continue à se dégrader. Il y a l’impunité permanente, la justice est toujours aussi corrompue et n’est vraiment pas indépendante. La police manque cruellement de professionnalisme et elle est souvent citée dans beaucoup de crimes. De plus, il y a la présence de des milices de l'Imbonerakure, les jeunes du Parti au pouvoir qui semble être au-dessus de la loi. Et maintenant, le gouvernement est entrain de fermer et radier de nombreuses organisations de la société civile pourtant très dynamiques dans leurs dénonciations des violations des droits humains.  Mais toutes ces répressions a l’endroit de ces associations dont nous faisons partie n’affecteront pas notre travail, nous devrons par contre changer de stratégie pour continuer à alerter le monde sur ce qui se passe au pays pour que chacun joue son rôle.

GV:  Voyez-vous une amorce d'un dialogue constructif avec les différents acteurs sociaux sur la problématique des droits de l'homme et de la liberté d'expression ?

AN : Un dialogue inter-burundais constructif est pratiquement impossible vu que le gouvernement du Burundi continue de refuser  à se mettre autour de la table avec ceux qui ont organisé les manifestations de contestation. On remarque aussi que l'organisation de la région de la Communauté East Africaine qui s'est saisi de la question n’a pas montré de volonté à trouver une solution tangible à la crise burundaise, ce qui pourrait faire trainer le retour à la paix.

GV:  Vous êtes président de L'Acat-Burundi et directeur de SOS-Torture: Comment se présente une journée type devant de telles responsabilités et comment vous assurez-vous de la sécurité de vos proches et vos collègues?

AN : Tout dépend de l’engagement pour arriver au résultat,  peu importe le contexte. Maintenant avec la crise, nous avons appris à la population à être eux-mêmes des observateurs pour dénoncer des violations des droits de l’homme. Nous avons bien sur des enquêteurs anonymes sur terrain mais nous recevons aussi des informations de la part des agents de l’Etat (police, administration, etc…). Nous essayons de ne pas exposer nos collègues. Nous travaillons dans un contexte très difficile, mais nous adoptons des stratégies spécifiques régulièrement pour nous adapter conformément à l’évolution du contexte.

GV:  Quel rôle joue la communauté internationale dans vos actions et comment est perçu la situation actuelle par les observateurs internationaux ?

AN: La communauté internationale joue un rôle important dans la crise burundaise, vu comment elle est adoptée beaucoup de résolution mais qui n’a jamais été mise en œuvre. Les observateurs internationaux continuent a présenté des rapports montrant qu’il y a des crimes commis par des agents de l’Etat, nous attendons les actions concrètes par rapports aux rapports présentés par les Nations Unies. Il faut absolument que les Nations Unies mettent en place la résolution pour envoyer les policiers dans la mesure de protéger la population burundaise et prévenir le génocide sinon ça sera une complicité.

GV:  Les relations du gouvernement du Burundi avec l'Union Européenne et avec l'Union Africaine semblent être aussi tendues. Est-ce que cela a un impact sur la situation au pays et met en danger les associations telles que la vôtre ?

AN : Oui, certainement.  Les relations tendues du gouvernement du Burundi avec ces partenaires met en danger la vie de la population burundaise. En effet, ces tensions avec les partenaires internationaux provoquent indirectement une hausse des produits alimentaires de base  à cause du manque de devise que cela engendre. Ceci a pour effet de rendre en général la vie de la population au quotidien très difficile. Pour éviter tout cela, il faut trouver rapidement une solution rapide à la crise burundaise.

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