Inde : le gouvernement menace de retirer leurs accréditations aux journalistes pour « fake news »

Capture d’écran de Mahesh Vikram Hedge via Youtube, rédacteur en chef du site PostCard News.

Le gouvernement indien a déclaré que les accréditations des journalistes pourraient être retirées dans le cas où ils propageraient des informations « erronées » ou « gênantes ».

Cette annonce a été faite une semaine après l’arrestation de Mahesh Vikram Hegde dans l’état indien du Karnataka. Il est le fondateur du site PostCard News, site connu pour publier des informations non vérifiées, avec un fort penchant en faveur du BJB (Parti du Peuple indien, le parti au pouvoir).

Le ministère de l’Information et de l’audiovisuel indien, dirigé par la ministre Smriti Irani, a publié un communiqué le 2 avril indiquant que la responsabilité de déterminer si des reportages sont « mensongers » devrait en incomber au Conseil de presse indien (Press Council of India, PCI) et à l’Association des diffuseurs d’information (News Broadcasters Association, NBA). Le premier est une entité quasi judiciaire et la seconde, une association privée de chaînes d’information dans le pays.

Directives publiées par le ministère indien de l’Information et de l’audiovisuel. Image libre de droits.

Le lendemain, après une réaction violente de nombreux organes de presse, le Premier ministre Narendra Modi a intimé au ministère de rétracter le communiqué et de laisser le PCI réguler ce type de sujets.

De nombreux professionnels des médias indiens se sont ouvertement opposés à cette réglementation :

Le culot de monsieur Modi. Partisan à profusion de fake news à échelle industrielle, finançant des sites de propagande douteux, une énorme armée de trolls, de faux diplômes à gogo et qui essaye de museler la presse libre.

Les nouvelles de la réglementation et de l’intervention du premier ministre ont toutes les deux donné lieu à des tweets politiques satiriques :

Smriti Irani fait marche arrière sur le décret FakeNews quand le Premier ministre Modi intervient après l'indignation.

Sentant la colère monter contre la déclaration sur les « fake news », le premier ministre ordonne de revenir sur son propre décret.

On peut clairement voir une perte de contrôle et la panique s'installer.

Quand des forums de journalistes comme l’Editors Guild of India (Syndicat des rédacteurs en chef indien),  ont pris connaissance de l’intervention du premier ministre, ils ont fermement condamné la régulation en premier lieu et publié un communiqué :

…The Editors Guild of India strongly condemns the arbitrary manner contemplated by the Union Information and Broadcasting (I &B) Ministry ostensibly to penalise any journalist or media organisation publishing fake news. By notifying that the I & B Ministry will initiate such proceedings, the Government was arrogating for itself the role of policing the media. It would have opened the door for frivolous complaints to harass journalists and organisations to fall in line…

… Le Syndicat des rédacteurs en chef indien condamne fermement la manière arbitraire envisagée par le ministère de l'Information et de l’audiovisuel pour pénaliser ostensiblement tout journaliste ou organisation médiatique publiant des informations erronées. En notifiant que le ministère de l'Information et de l’audiovisuel initiera ces procédures, le gouvernement s’est arrogé le droit de contrôler lui-même les médias. Cela aurait pu ouvrir la porte à des plaintes triviales visant à harceler les journalistes et les organisations médiatiques pour qu'ils s'alignent…

Cet incident soulève également des questions quant au manque de transparence dans les procédures du PCI et du Comité central d’accréditation de la presse, une entité fédérale qui fournit les accréditations aux journalistes. Si ces entités deviennent les seules à décider de ce qui est (ou n’est pas) une « fake news », elles pourraient ne pas le faire équitablement.

Le risque est grand que les détenteurs du pouvoir politique les influencent, ou même les forcent, à se comporter d'une certaine manière. Et sans transparence dans leurs processus, les médias ou les organismes de contrôle auront du mal à déterminer s'ils agissent ou non dans le meilleur intérêt du public.

La censure et la « puissance douce » sur les grands médias indiens sont devenus des questions plus importantes sous le BJP, parti de droite. Siddharth Varadharajan, rédacteur en chef et fondateur du portail d'information en ligne indien The Wire, en a fait mention dans un éditorial :

[..]if implemented, [the guidelines] will place media organisations at the mercy of trolls, bureaucrats, and politicians and strengthen the already visible trend of self-censorship when it comes to politically sensitive stories[..]

[…] Si elles sont mises en œuvre, [ces lignes directrices] mettront les médias à la merci des trolls, des bureaucrates et des politiciens et renforceront la tendance déjà visible à l'autocensure lorsqu'il s'agit d'histoires politiquement sensibles […].

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