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Google, le géant des technologies numériques, prévoit d'établir une nouvelle région Google Cloud en Arabie saoudite.
L'ONG de défense des droits numériques Access Now a tiré la sonnette d'alarme et a demandé l'arrêt immédiat du projet, en rappelant le « bilan épouvantable du pays en matière de droits humains » [fr].
Le 26 janvier dernier, l'organisation a fait une déclaration conjointement avec la Clinique Samuelson-Glushko d'intérêt public et de politique d'internet au Canada (CIPPIC), un centre de consultation juridique spécialisé dans le droit de la technologie, qui dépend de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
Dans leur déclaration, les deux organismes alertent le public sur les « dangers » qu'implique le projet de Google de stocker les données de Snapchat sur des serveurs basés en Arabie saoudite, ce qui, selon les auteurs, « mettrait les informations personnelles de millions d'utilisateurs de Snapchat sous la juridiction d'un gouvernement bien connu pour surveiller sa population ».
« L'Arabie saoudite et la protection des droits humains n'ont jamais fait bon ménage », selon Marwa Fatafta, responsable du groupe de travail d'Access Now sur les politiques [en matière de droits numériques] au Moyen-Orient et en l'Afrique du Nord :
A new Google Cloud region in the kingdom is dangerous, and it is imperative that Google outlines, in no uncertain terms, how they plan to protect data and people’s rights from the prying eyes of the Saudi regime.
Établir Google Cloud dans le royaume est dangereux, et il est impératif que Google définisse, de façon claire et précise, la manière dont ils prévoient de protéger les données et les droits des personnes d'un régime saoudien plus qu'indiscret.
Réduire au silence les activistes, les défenseurs des droits des femmes et des droits humains [fr], ou les journalistes [fr] ; violer les droits fondamentaux de ses citoyens en ayant recours aux exécutions extrajudiciaires, à la détention et à la torture, ou encore utiliser des logiciels espions [fr] pour traquer et censurer la population, voilà quelques exemples du triste bilan du gouvernement saoudien en matière de droits humains.
Pour Access Now, l'histoire mouvementée du pays « soulève de sérieuses inquiétudes quant à la possibilité de faciliter et de dissimuler de futures atteintes aux droits humains ».
Élément important, la maison mère de Snapchat, Snap, Inc., a été nommée, aux côtés d'autres sociétés, hébergeur principal du nouveau service de Cloud basé en Arabie saoudite. Quand on considère la prédominance de l'application dans la région, avec plus de 17 millions d'utilisateurs, les potentielles demandes de données ou de métadonnées de la part du gouvernement et la possibilité accrue de contrôler les échanges en ligne sont source de préoccupation.
« Cette situation représente une menace pour des millions de personnes, avec des conséquences qui pourraient s'avérer mortelles », estime Vivek Krishnamurthy, directeur de la CIPPIC.
Le 26 janvier dernier, dans des lettres ouvertes adressées à Sundar Pichai, PDG de Google, et à Evan Spiegel, PDG de Snap Inc., Access Now et la CIPPIC demandaient aux deux sociétés de répondre à un certain nombre de questions. Ils souhaitaient par exemple savoir si un audit avait été réalisé par rapport à l'installation de la région Cloud et de l'hébergement des données Snapchat en Arabie saoudite, en prenant notamment en compte les impacts en termes de droits humains. Ils ont également demandé quels autres clients ou applications utilisaient ce centre pour stocker leurs données, ou encore quel type de données utilisateur y sont stockées ou traitées, depuis quels pays, et quelles mesures de sécurité avaient été prises pour protéger ces données.
Ces courriers demandaient également quels critères juridiques Google Cloud et Snapchat jugeaient nécessaires pour que le fonctionnement soit viable et se fasse en toute sécurité, et comment le royaume pouvait les garantir, en plus de tout autre accord existant entre le gouvernement saoudien et les sociétés sur l'accès du gouvernement à ces données.
Selon la déclaration d'Access Now, les deux sociétés ont été priées de donner une réponse publique le 2 février prochain au plus tard.