Au Niger, plus de la moitié de la population infantile ne dispose pas d’actes de naissance

Capture d’écran de la chaîne YouTube de Tv5 Monde

Au Niger, l’un des grands pays de l’Afrique de l’Ouest, il est difficile d’avoir un chiffre exact sur le nombre d’habitants, estimé à plus de 20 millions. Ceci est principalement dû au manque de déclaration des enfants à la naissance. Quatre enfants sur dix ne sont pas inscrits à l’état civil dans le pays.

Plusieurs motifs sont à mettre à l’actif des entraves au développement de cette démarche administrative: la méconnaissance du processus pour l’obtention de la pièce, la négligence des parents lors de la déclaration de la naissance. Comme l'explique Ibrahim Malangoni, Directeur national de l'état civil au Niger au micro de Tv5monde Info: 

La population ne se fait pas encore systématiquement enregistrer dès que des événements d'état civil surviennent dans leur famille. Elle attend toujours que le besoin s'en fasse sentir. Par exemple, pour l'école, pour la justice, que le besoin se fasse sentir pour d'autres circonstances de la vie, pour bénéficier d'une bourse, pour ouvrir un compte à la banque, et donc c'est à ce moment-là que les gens se rendent compte qu'ils doivent faire l'acte d'état civil, alors qu'ils auraient dû le faire plus tôt quand c'était gratuit.

Toutefois la lenteur administrative et le manque d'infrastructures jouent aussi un grand rôle en défaveur de la population. L’État est moins représenté dans les zones les plus reculées. De plus, les habitants de ces villages ne disposent pas de revenus pouvant leur permettre de s’offrir des déplacements vers la ville pour établir les documents de leurs enfants.

Le site marocain généraliste Le360 illustre la situation par un exemple concret:

Nadia Salou […] comme sa soeur Zeneba, 9 ans, et le petit Abdoulkarim, 4 ans […]n’existent que par leur prénom. Leur maman Aïchata Hassan, originaire du petit village rural d’Alzou dans une zone reculée de la région de Tillabéri (ouest), a accouché à son domicile et aucun agent de l’Etat n’a pu inscrire les naissances au registre. Elle disposait de soixante jours pour aller déclarer chaque enfant. Mais ses faibles revenus, l’éloignement de la ville et les coûts de transport l’en ont dissuadée. Et surtout au village, ce bout de papier, l’acte de naissance, « ne sert pas à grand-chose », dit-elle.

Dans le même article Idrissa Illiassou, conseiller pédagogique déplore que:

Beaucoup d’enfants de l’école sont dans cette situation. Des jeunes sans acte de naissance, ça va donner des adultes sans papier d’identité, ils seront exclus .

Divers projets lancés pour améliorer la situation

Depuis plus de cinq ans, diverses initiatives ont été lancées dans le pays pour pallier à ce problème de taille. Des structures et organisations internationales ont multipliés des audiences foraines (séance au cours de laquelle des actes de naissances sont délivrés en masse là où vit la communauté ), opérations de sensibilisation, informatisation du secteur, campagnes en collaboration avec des ONG locales.

C'est par exemple, ce que fait l’ONG Norwegian Refugee Council (NRC) comme l'indique cette publication sur leur compte twitter.

Jan Egeland, secrétaire général de NRC souligne dans cette vidéo de Tv5monde Info que:

“Avec un investissement mineur de l’État et des partenaires, vous pouvez procurer à ces garçons et ces filles du pays le plus jeune du monde de l’espoir”.

Le Danish Refugee Council (DRC), autre ONG présente aux côtés des populations déplacées et affectées par les conflits en Afrique conduit un travail similaire sur le terrain en collaboration avec des structures locales. En février 2022, l'organisation avait aidé à l'établissement de 500 actes de naissances comme l'explique cette publication sur twitter.

L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a aussi joué sa partition pour aider le Niger à faire face au défi. En 2020, elle a lancé un programme pilote dans la région de Zinder, situé au Centre-Est du pays, sur sollicitation du Niger, ce qui a permis l’enregistrement de plus de 7 300 individus, dont 90% d’enfants.

Saray Lawali, 40 ans, une des bénéficiaires dudit programme piloté par l'OIF, rappelle en quoi le défaut d’acte de naissance lui a été préjudiciable :

« Sans pièces d’identité, vous ne pouvez pas circuler librement dans le pays et, pour les mêmes raisons, vous ne pouvez pas accéder à des emplois. »

L’agence des Nations-Unies chargée de la promotion des droits des enfants au Niger, UNICEF Niger, a également mené des initiatives qui ont abouti à une nette amélioration de la situation comme le témoigne cette publication sur twitter.

Principal défi: l’informatisation des données

En cette ère du numérique, l’archivage des données ne fait pas encore partie des pratiques courantes des Nigériens. Hormis la situation compliquée au niveau des enregistrements des enfants dès la naissance, il est aussi difficile d'accéder à des documents disponibles et consultables en ligne dans le pays. L’internet fait également grandement défaut dans le pays où le taux de pénétration s'élevait à 22,4% au début de 2023.

En 2021, avec le soutien de l’UNICEF Niger et l'Union européenne, le gouvernement du Niger a lancé un projet pour l’informatisation du système d’état civil afin de pouvoir adapter les politiques en fonction des données recueillies. Ce plan a été promu afin d'aider à la planification de la demande et l’offre par exemple pour les services sociaux et le suivi de la situation des enfants dans le pays. Mais il reste toutefois lui aussi conditionné au développement de l'accès à internet.

Dans cette vidéo de Tv5Monde Info, Ibrahim Malangoni, Directeur national de l'état civil au Niger témoigne:

Aujourd’hui, le taux d’enregistrement des enfants à la naissance dans les délais est de 60%. Quatre enfants sur dix restent donc invisibles aux yeux de l’État. Mais c’est déjà un taux remarquable parce qu’il n’y a pas si longtemps, en 2007, nous étions à peine à 30% .

Ce progrès est d'autant plus important et nécessaire que le Niger enregistre un des taux d’accroissement démographique les plus forts du monde, 3.2%, directement lié à un taux de fécondité de 6,2 enfants par femme, selon l’Enquête nationale sur la fécondité et la moralité des enfants de moins de cinq ans (ENAFEME Niger 2021). Le pays se caractérise par sa jeunesse, 15 ans en moyenne, conséquence de ce taux de natalité très élevé. La population pourrait donc avoisiner les 35 millions d'habitants d’ici 2033.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.