Qu'est-ce que la gestion des catastrophes ? Quelles en sont les différentes étapes ? La terminologie risque de varier en fonction du lieu où vous vivez. En Nouvelle-Zélande, par exemple, on parlera des 4 R (Readiness, Response, Recovery and Reduction) à savoir Prévision, Réaction, Rétablissement et Réduction. Dans d'autres endroits, comme l'Inde, la gestion des catastrophes peut-être représentée par le graphique ci-dessous.
Quelle que soit la terminologie utilisée, il est certain qu'une gestion efficace des catastrophes ainsi qu'une préparation à un nombre croissant de catastrophes naturelles dans le monde sont de nos jours primordiales.
Lorsque le lauréat du prix Nobel R.K Pachauri [les liens sont en anglais] est intervenu durant le 5ème rassemblement du Dhirubhai Ambani Institute of Information and Communication Technology (DA-IICT, Institut Dhirubhai Ambani de technologies de l'information et de communication), en janvier 2009, il a mis l'accent sur le fait que les TIC doivent se concentrer sur les catastrophes naturelles et autres phénomènes météorologiques qui menacent les vies humaines et les habitations.
La climatologie a progressé très rapidement, en grande partie grâce aux ordinateurs puissants qui peuvent maintenant faire fonctionner des modèles très perfectionnés de simulation des conditions climatiques, aussi bien sur terre que dans les océans. Notre estimation des changements futurs du climat dus aux facteurs naturels et humains dépend énormément de la puissance des modèles utilisés aujourd'hui et de notre capacité à évaluer les impacts du changement climatique dans les différentes parties du monde. En réponse aux projections futures de ces événements, les gouvernements, la société et même les entreprises peuvent prendre des mesures efficaces pour s'adapter aux changements qui pourraient avoir lieu.
Faisant référence à un exemple de 2003, le Docteur Pachauri a déclaré :
Je voudrais citer l'exemple d'une importante vague de chaleur qui a touché différentes parties de l'état de l'Andhar Pradesh en 2003, suite à laquelle pas loin de 4000 personnes sont décédées, d'après les données officielles. […]
L'étude de ce grave problème a démontré qu'une infrastructure de technologies de l'information et communication aurait pu peut-être sauver toutes les vies qui ont été perdues si elle avait été mise en place correctement et efficacement. Par exemple, les victimes de la vague de chaleur n'ont pas été averties à l'avance. De même, aucun suivi n'a eu lieu en terme de diffusion de conseils médicaux à ceux qui ont souffert du stress de la chaleur, tels que la nécessité d'un traitement de réhydratation par voie orale et de soins médicaux de base pour ceux qui ont été touchés.
Il existe plusieurs exemples de catastrophes côtières où les personnes menacées peuvent être averties régulièrement et évacuées avant que la catastrophe ait lieu. Lorsqu'un ouragan touche la côte de Floride, l'infrastructure en place est utilisée afin que les personnes susceptibles d'être affectées soient prévenues suffisamment à l'avance, et des cantons entiers sont évacués. Lorsqu'un cyclone, même de faible intensité, touche les côtes du Bangladesh ou de l'état d'Orissa en Inde, il cause d'importants dégâts, non seulement à cause du manque d'abris et d'infrastructures pour loger les rescapés, mais les systèmes utilisés pour prévenir les habitants à l'avance et les guider sont inadaptés.
Aujourd'hui, même les téléphone portables pourraient être utilisés comme outils de prévention et pourraient ainsi sauver des vies et des habitations.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, lors de son discours à la conférence Telecom World 2009 à Genève, a évoqué l'importance du rôle des TIC dans la résolution de problèmes primordiaux, y compris la réduction des catastrophes naturelles.
Les TIC peuvent aider à réduire le risque et l'impact des catastrophes naturelles grâce à une bonne science du climat et au partage d'informations…Lorsqu'un tremblement de terre a lieu, un système coordonné de TIC peut surveiller les évolutions, envoyer des messages d”urgence et aider les populations affectées.
La déclaration du Secrétaire général de l'ONU reprend l'idée du changement de paradigme dans la gestion des catastrophes mentionné dans la présentation de 2005 de Sujit Mohanty, à savoir :
- Passer des secours et du ressaisissement à la gestion des risques et de la vulnérabilité
- Introduire la culture de la préparation à tous les niveaux
- Renforcer la capacité de réaction décentralisée dans le pays
- Rendre autonome les groupes vulnérables et assurer le minimum vital
- Savoir tirer des leçons des catastrophes passées
A la suite de catastrophes naturelles à grande échelle comme le tsunami de l'Océan indien en 2004 et l'ouragan Katrina en 2005, le monde a été obligé d'accepter le besoin d'une utilisation coordonnée et collaborative du pouvoir des nouvelles technologies de communication dans la gestion des catastrophes naturelles.
Paul Currion a déclaré sur humanitarian.info :
A la suite de l'ouragan Katrina, un nombre impressionnant d'initiatives sur le web pour répondre aux conséquences du désastre ont eu lieu. Une analyse des caractéristiques de la réaction de la communauté du secteur technologique à l'ouragan Katrina nous en dit beaucoup sur la façon dont le Web a créé des réactions sociales à la catastrophe, soulève des problèmes intéressants sur l'impact des TIC dans la réaction aux catastrophes, et ouvre la voie à ce qui pourrait se passer dans le futur. […]
Après le tsunami de l'Océan indien, il était clair que la révolution de l'information était sans doute possible en train de changer la façon dont nous réagissons aux catastrophes. L'augmentation de la collecte de fonds sur Internet en est la preuve ; l'association Christian Aid (Aide chrétienne) a collecté plus de 700 000 dollars US en ligne en neuf jours, soit presque quatre fois plus que ce qu'elle a récolté en dons effectués par téléphone. La généralisation des connexions Internet à haut débit, l'évolution des télécommunications par satellite et la disponibilité d'images ont permis à des systèmes d'information géographique et à des projets cartographiques, irréalisables il y a 5 ans, de voir le jour. L'évolution du mouvement du logiciel libre est à l'origine d'initiatives comme le projet Sahana, une tentative de développer une série d'applications web destinées aux organisations chargées de gérer les catastrophes.
Paul Currion poursuit en parlant des “premiers secouristes du monde connecté”, les citoyens du Net qui agissent pour combler les manques d'informations que les gouvernements des pays concernés et même les médias traditionnels ont du mal à combler. Cependant, étant donné le flux important d'informations durant l'après-Katrina, il est devenu rapidement évident que les nombreux flux de données seraient plus utiles s'ils étaient agrégés, consolidés et traités sur une plate-forme plus centralisée, d'où des initiatives comme le projet Katrina PeopleFinder et le wiki Katrina Help.
Dans ce contexte, il ne serait pas injuste d'affirmer que le blog South-East Asia Earthquake and Tsunami (SEA-EAT) a ouvert la voie. C'est le premier projet de ce genre qui a démontré la possibilité d'impliquer des personnes ordinaires pour faire passer l'information afin de combler les zones blanches entre ceux qui avaient besoin d'aide et ceux qui voulaient offrir leur aide. D'après Dina Mehta, une des personnes clés derrière le blog SEA-EAT :
Je pense que nous avons réussi à faire la démonstration du sans doute plus important effort “humain” coordonné sur le web pendant les catastrophes, que cet effort était possible et ceci même en l'absence d'une structure hiérarchisée. De plus, ces efforts permettent de rassembler des citoyens ordinaires de tous horizons, des gens qui ne sont pas nécessairement dévoués ou qui ne travaillent pas dans ce secteur, pour la plupart, nous avons des professions différentes et un emploi régulier, mais un simple être humain peut aider.
Alors que le blog SEA-EAT avait pour principal objectif “la circulation de l'information”, le système de gestion des catastrophes FOSS de Sahana, au Sri Lanka, a mis en place une démarche holistique [en français] plus structurée qui a permis de gérer la catastrophe à grande échelle de 2004. Le Centre des Opérations Nationales (Center of National Opérations ou CNO) du gouvernement srilankais, qui comprend le Centre des Agences Humanitaires (Center of Humanitarian Agencies ou CHA) a déployé le projet. Généralisé ensuite pour une utilisation globale, Sahana est devenu une méthodologie reconnue dans le monde entier, avec des déploiements lors de nombreuses autres catastrophes comme le tremblement de terre en Asie du Sud au Pakistan (2005), le glissement de terrain au sud de l'ile de Leyte aux Philippines (2006), le tremblement de terre à Jogjarkata en Indonésie (2006), le tremblement de terre au Pérou (2007), le cyclone au Myanmar (2008), etc….
En 2005, Michael Gurstein, membre de l'Institut de Technologie du New Jersey, avait fait part de ses réflexions sur le web, et de ce qu'il considérait comme les lacunes de ces situations :
Alors que je cherchais des informations et des histoires sur le Net, plusieurs choses m'ont choqué concernant le rôle (et l'absence du rôle) du Net lors de tels événements. Le Net semblait jouer un rôle important et répondre aux besoins de ceux qui se trouvaient loin -pour ceux qui étaient à la recherche d'informations, d'histoires, qui voulaient aider, et ainsi de suite ; les familles et les amis de personnes possiblement victimes, qui essayaient de créer des listes des personnes trouvées et disparues, et pour ceux qui se trouvaient sur place, pour répondre aux questions de ceux qui se trouvaient plus à distance ; et on pouvait s'attendre à ce que dans les coulisses, la plus grande partie de la coordination et de la planification habituellement prise en charge par les œuvres caritatives soit gérée de façon nouvelle, en repoussant les limites de la communication médiatique informatisée et à distance.
Mais je suppose que je suis surpris de constater que le Net n'est pas (encore?) capable de combler le manque de communication entre ceux qui avaient une idée de ce qui pouvait se passer (les scientifiques et les personnes directement touchées) et ceux qui auraient pu utiliser cette information dans les lieux où les populations ont tardé à réaliser l'impact de la catastrophe.
Le problème ne venait pas d'une “fracture numérique”, il ne s'agissait pas d'un manque d'”accès” à l'information, même si apparemment cela a également posé un problème ; il semblerait plutôt qu'il s'agisse d'un autre exemple de ce dont j'ai parlé auparavant, à savoir un fossé entre “l'accès” et “l'utilisation efficace”… D'après ce que j'ai compris, de nombreuses, voire même la plupart des communautés pouvaient accéder à Internet d'une façon ou d'une autre. Ce qui leur manquait ( et dans ce “leur”, j'inclus ceux qui avaient la compétence mais qui ne pouvaient pas l'utiliser et ceux qui n'avaient pas la compétence), c'est une infrastructure sociale qui leur aurait permis de transformer l'accès à Internet en un système d'alerte précoce utilisable de façon efficace.
Certaines personnes avaient l'information : les scientifiques qui ont détecté le tremblement de terre et pouvaient comprendre comment il pouvait entrainer un tsunami, et ceux qui ont senti le premier impact ou du tremblement de terre ou du tsunami, mais ne pouvaient pas l'utiliser. D'autres personnes avaient besoin de l'information, les villages côtiers tout autour de l'Océan Indien, mais ne pouvaient pas ou étaient incapables de “l'obtenir”, du moins, à temps et sous une forme utilisable. Les “degrés de séparation” imposés par la nationalité, la langue et, peut-être le plus important, par les domaines de connaissances et la profession (et par conséquent le manque de liens sociaux, de réseau basé sur les relations de confiance, de voies de communication et ainsi de suite) ont entravé la communication entre les deux groupes et on peut se demander si c'est simplement parce que notre monde interconnecté en était à ses premiers balbutiements ou s'il s'agit d'un phénomène plus profond et permanent. (Michael Gurstein, The Journal of Community Informatics, (2005) Vol. 1, Issue 2, pp. 14-17)”
Paul Conneally a publié le billet ci-dessous sur son blog Head down, Eyes Open après les morts dues au typhon Ketsana qui a touché les Philippines, le Vietnam et le Cambodge :
Dans de nombreux quartiers très pauvres, la télé ou radio (ou Internet) ne sont pas disponibles pour permettre de diffuser les messages de prévention. Les organisations humanitaires doivent travailler avec les gens afin de déterminer les méthodes de communication les plus efficaces pour eux dans les moments d'urgence, et faire des exercices de simulation pour les répéter. Souvent les SMS ou l'envoi de personnes dans les rues avec des mégaphones, comme cela s'est produit lors de ces urgences, se sont avérées être des méthodes efficaces.
[…] Un système d'alerte et d'action précoces dans les pays où le risque de catastrophe naturelle est élevé doit être considéré comme un état d'esprit, et non pas comme un mécanisme ou une technologie, et fonctionne mieux lorsqu'il s'étend sur plusieurs périodes de temps, anticipant ainsi les catastrophes de plusieurs jours, heures, mois, années et même décennies. Il doit également être lié à une réaction précoce des dirigeants , et doit effectuer la “dernière ligne droite”, à savoir relier les mécanisme d'avertissement précoce non seulement avec les communautés les plus “à risque”, mais avec personnes les plus vulnérables à l'intérieur de ces communautés.
Renforcer la capacité des communautés à prévenir et/ou affronter l'impact des catastrophes naturelle et des crises est un moyen concret de sauver des vies et de mieux protéger le gagne-pain, et prévenir de tels chocs paralysant le développement dans les pays les plus pauvres. Le système d'avertissement et d'action précoces est également plus économique que la réponse traditionnelle aux catastrophes et sauve plus de vies par Livre sterling dépensée : l'argent public achète quatre fois plus “d'impact” humanitaire s'il est dépensé dans la préparation et dans la réduction des risques, plutôt que dans du matériel de secours.
En Inde, le tsunami de 2004 a été une sonnette d'alarme pour le gouvernement, les ONG et la société civile qui ont changé de paradigme et ont réalisé que la préparation était la clé pour minimiser l'impact des catastrophes naturelles.
Afin de pouvoir mieux planifier et se préparer, l’India Disater Resource Network, le Réseau Indien de Ressources pour les catastrophes [idrn.gov.in], a été créé sur une initiative nationale, dans le cadre du programme du gouvernement indien (coalition UNDP DRM ) en collaboration avec le Centre informatique national du gouvernement indien. Ce réseau a pour but de créer une base de données en ligne pour effectuer un inventaire dans l'ensemble du pays de l'équipement et des ressources humaines qualifiées disponibles en cas d'urgence. Cette base de données ambitieuse mais détaillée a pour rôle de minimiser le temps de réaction aux urgences, par une prise de décision efficace sur la mobilisation des ressources humaines et en matériel. Le projet avait pour objectif le recensement et la collation systématique des données des ministères, des agences du secteur public, du secteur économique, etc., au niveau régional. Parmi les autres projets on trouve :
- Une base de données d'inventaire pour les catastrophes (mise en place en Orissa) qui permettrait d'effectuer des analyses de vulnérabilité, à l'aide d'études longitudinales d'inventaires géographiques des données locales, des niveaux des catastrophes antérieures (petite, moyenne ou grande échelle)
- Des projets communautaire de secours basés sur un système de visualisation géographique, qui fournit une présentation visuelle des données essentielles par lieu, qui peuvent être utilisées lors de la coordination et de de la mise en place des secours.
- Développement de l'infrastructure de communication afin d'assurer une couverture à 100% des régions sujettes aux catastrophes, avec l'aide des données des satellites et des liens ISDN
- Des systèmes d'information et communication disponibles à l'intérieur des communautés et
- Un système de surveillance des catastrophes/ incidents qui peut permettre une capture et la diffusion de données rapide, sans accrocs
Ci-dessous, un exemple de l'implémentation de la stratégie/philosophie de préparation par une ONG dans l'état du Tamil Nadu, après le tsunami dans l'Océan Indien en 2004 :
Dans le prochain billet consacré à la gestion des catastrophes naturelles, nous présenterons des systèmes de prévention des catastrophes ainsi que les différentes technologies et applications qui ont été, qui sont et qui peuvent être utilisés comme système de prévention précoce, pour contribuer à réduire et minimiser les dégâts grave qui touchent les vies et les habitations lors des catastrophes naturelles, dans le monde entier.
1 commentaire
Les TIC, c’est aussi des capteurs tout au long des routes, minuscules, invisibles, qui vous surveillent tout le temps.
Les téléphones mobiles peuvent sauver des vies grâce à la m-santé. Internet aussi, ça s’appelle la e-santé. Plus besoin de médecin! Quelle économie!
Mais avant tout, il faut expérimenter. Alors on va en Uganda, en Inde, ou ailleurs.
Une heure après le Tsunami :
Je suis étendue sous un fromager au bord du Fleuve Niger dans la région de Ségou (Mali). Deux familles Bozos me parlent une langue que je ne connais pas et rient de mon ignorance. Des peuls passent avec leur troupeau de vaches maigres marquées au fer rouge.
L’électricité ne passe pas ici. Les Bozos me passent un poste de radio. Je l’allume. Je trouve RFI. Et j’entends la nouvelle.
Une heure après le Tsunami.
Dans un hameau Bozo au Mali.
Et ça ne va pas assez vite?