Dès son lancement en septembre 2006, Nichane n'a pas tardé à devenir l'hebdomadaire en langue arabe le plus populaire du pays, avec ses pages regorgeant d'articles sans crainte pour les tabous, à l'image de sa publication-soeur, le francophone TelQuel. Seul magazine hebdomadaire publié dans l'arabe dialectal local, le darija, Nichane occupait une niche dans le secteur éditorial en plein essor du Maroc, couvrant les sujets d'un point de vie habituellement réservé aux nombreuses publications en français du pays.
Dès le départ, Nichane a accumulé les ennuis. Quatre mois à peine après son lancement, le magazine fut frappé d'une interdiction pour deux mois [en anglais], et son rédacteur en chef, Driss Ksikes, ainsi que la journaliste Sana El-Aji condamnés à une amende et trois ans de prison avec surpris après la publication par le magazine d'un article sur les blagues qui font rire l'homme de la rue. En 2009, la police marocaine détruisit 100.000 exemplaires [en anglais] du magazine en représailles à la publication d'un sondage de popularité non autorisé sur le roi Mohammed VI. A présent, résultat d'un long boycott publicitaire mené par le holding ONA, appartenant à la maison royale, Nichane met définitivement la clé sous la porte, incapable de se maintenir à flot sans annonceurs.
Les blogueurs marocains ont dans l'ensemble été solidaires [en anglais] de Nichane au long des années, même ceux qui s'opposaient à l'approche du magazine soutenant la liberté de parole. En 2009, la campagne “Je Suis 9%” a fait les grands titres à l'international, lorsque les blogueurs ont protesté contre la saisie de Nichane et TelQuel. Et maintenant, de nombreux blogueurs déplorent la fermeture du magazine.
Issandr El Amrani de The Arabist exprime sa perplexité [en anglais] sur les circonstances qui ont amené Nichane à fermer :
C'est sidérant que le régime marocain, qui depuis une dizaine d'années capitalise à tel point sur une image de démocratisation tant à l'intérieur qu'à l'étranger, agisse aussi agressivement envers les médias indépendants. Et la montée en puissance d'autres magazines, conformistes supposés indépendants, comme Actuel et Le Temps, ou même l'assagissement de Rachid Nini et son (il faut l'admettre, horrible) al-Massae, aboutit à mettre une scène médiatique soporifique et louangeuse, là où il y avait de la vie. Mais le dommage va peut-être même plus loin que la liberté de la presse : la fermeture de magazines commence à ressembler à une conséquence directe de l'appétit dévorant de la monarchie dans la sphère des affaires.
Et le blogueur d'ajouter :
C'est déjà une mauvaise chose que d'être un pays sans liberté de la presse, mais c'en est une pire d'être un pays dépourvu de transparence sur sa gouvernance économique où la population est redevable à des monopoles artificiels. Dans le cas de Nichane, on a une combinaison des deux.
Kacem El Ghazzali de Bahmut's Blog [en arabe] interroge la logique qu'un magazine aussi populaire ferme ses portes :
“Nichane” est le premier magazine au Maroc à s'intéresser aux questions des minorités et à essayer le relayer leur vision à la collectivité à travers des enquêtes audacieuses. Il opère dans un environnement négatif produit par un statu quo illettré et schizophrène. Aujourd'hui, “Nichane” est mis en terre et ne paraîtra plus, victime d'une politique de blocus des annonceurs qui l'a conduit à la faillite. Je ne peux pas accepter cela ! “Nichane” est un magazine qui se vend très bien, comment peut-il être en faillite ?
Le blogueur très lu Larbi présente sur son blog un compte détaillé de la censure et du harcèlement policier et judiciaire de la presse au Maroc dans le passé selon la propriété de chaque publication et indique :
Doucement, et assez intelligemment, le paysage de la presse écrite s’est métamorphosé ces deux dernières années. Le pouvoir a diversifié ses méthodes de prise de contrôle, direct et indirect, de la presse écrite au Maroc, si bien qu’aujourd’hui personne n’attend plus la sortie des hebdos le week-end et leurs dossiers qui, il n’y a pas si longtemps, pimentaient la vie politique marocaine.
Au fil des années, le pouvoir s’est constitué une panoplie riche d’outils pour museler la presse écrite et la garder sous contrôle.
Sur le blog collectif C.J.D.M. (“Cercle des Jeunes Débiles Marocains”), le blogueur aboulahab présente une “lettre” satirique d'un membre haut placé du Makhzen (l'élite au pouvoir du Maroc). Extrait :
Vous comprenez maintenant les raisons de ma joie. Nous avons réussi en dix ans à faire taire à peu près toutes les voix dissidentes de ce pays. Nous avons diversifié nos actions, procès, saisies illégales, intimidations … Nous avons monté les journalistes les uns contres les autres. Vous vous rendez compte, dans une profession souvent accusée de corporatisme primaire, rares sont les journalistes qui soutiennent leurs collègues quand ils subissent une injustice. N’est ce pas le plus beau pays du monde ? Vous m’en voyez heureux.
Tous les blogueur ne voient pas l'affaire en noir et blanc. Xoussef, qui reconnaît volontiers qu'il n'est “pas tout à fait un fan” du magazine, attend la suite [en anglais] :
Ce qui me gêne quand même, c'est les jérémiades. Pas celles des gens de Nichane, mais de ceux qui commentent ici et là cette affaire. C'est énervant, je voudrais leur dire que ce n'est guère une surprise, si ce n'est rien d'autre, c'est une reconnaissance de la voix de Nichane. Je voudrais leur dire de se résigner et de passer à autre chose, mais ça ne sert à rien, parce que, bizarrement, les gens de Nichane ne sont pas ceux qui gémissent, et cela force le respect.
D'un autre côté, l'autre presse “indépendante” arabe est engagée dans un crêpage de chignon amusant bien que pathétique, où, au figuré, on se gifle, griffe, tire les cheveux et déchiquette le chemisier pour des fusions et acquisitions manquées.
Quelqu'un se demande encore pourquoi les journaux ne se vendent pas dans ce pays béni ?
Tandis que Sumayya, de Reading Morocco, reconnaît que son équipe de blogueurs est “trop ‘conservatrice’ pour vraiment pleurer la mort de Nichane” mais remarque [en anglais] que malgré cela, “nous déplorons réellement la disparition supplémentaire de discussions publiques ouvertes et la polarisation continue de toutes les ‘parties’.'”
Et la Blogoma continue à déplorer la perte de Nichane sur Twitter.
1 commentaire
Bonsoir Monsieur/Madame :
Pour commencer, je suis une étudiante de troisième année études anglaises à l’université IBNTOFAIL à KENITRA . Ma recherche pour cette année est sur les médias en général et comme thème “tabloïd” ou les “revues jaunes” ceux qui couvrent les scandales des célébrités. Je serais très reconnaissante si vous voulez bien vouloir m’aider en répondant au questionnaire ci-joint .
Dans l’attente de votre réponse veuillez bien acceptez mes remerciements les plus distinguées.
Les questions sont :
1- Comment les nouvelles de journaux “Tabloïd” ou jaunes différent-elles des nouvelles des autres journaux ?
2-En tant que lecteur et pas comme journaliste, comment percevez-vous ce genre d’informations ?
3-Au Maroc, quelles sont les nouvelles qui intéressent plus les journaux jaunes, “ARTISTIQUES” ou “POLITIQUES”? Pourquoi ?
4-Quel est le rôle de “Tabloïd” dans notre société ?
5-pourquoi le format des “Tabloïds” diffère-t-il d’un format de journal normal ?
6-Quel est le nombre moyen d’articles par jour et quelles articles sont les plus lus “Tabloïds” ou ” les nouvelles quotidiennes” ?
N’hésitez pas à me contacter Je serai tellement reconnaissante.
E-mail : fati-hachimi@outlook.fr
Fatima Ezzahraa