Ce billet fait partie du dossier spécial (en anglais) de Global Voices sur l'Europe en crise.
Des manifestations sans précédent ont perturbé le 28 octobre 2011 dans de nombreuses villes de Grèce les défilés militaires et d'enfants des écoles de la fête nationale du ‘Jour du Non‘ (‘Okhi’). A Thessalonique, le président a quitté la tribune officielle après que le défilé a été stoppé par des manifestants, dont certains l'ont traité de traître, tandis qu'à Athènes, les écoliers ont défilé en arborant des brassards noirs [liens en anglais ou grec sauf mention contraire ].
Les Grecs disent leur colère contre les impitoyables et vaines mesures d'austérité, dont l'apogée est le récent accord de décote de la dette négocié par les banques et les politiques européens, que beaucoup appréhendent comme sonnant le début d'une nouvelle “occupation” étrangère de leur pays.
Le défilé de Thessalonique “occupé”
Plusieurs blogueurs et militants locaux de Thessalonique se sont retrouvés au coeur de l'action, dont ils ont mis en ligne informations et photos à partir de leurs téléphones portables :
@panws_k: Ντου από τον κοσμο στο δρομο της παρελασης, αυτοματως καπελακηδες, κλουβες και ΜΑΤ μας κλεισανε το δρομο #skg http://t.co/5qMZYAkw
@gazakas: Στη Θεσσαλονίκη ο κόσμος έχει κατέβει στο οδόστρωμα και φωνάζει συνθήματα. απίστευτο. #skg
@salonicanews: Αποχωρεί ο πρόεδρος της Δημοκρατίας από την παρέλαση!
Le photojournaliste blogueur Craig Wherlock a tweeté par la suite son témoignage assorti de photos et d'une vidéo, montrant un escadron de réservistes des forces spéciales du défilé en venant aux mains avec des manifestants qui leur bloquaient le passage :
@teacherdude: C'est sans précédent.Rue pleine de gens en colère contre le gouvt et ils ont bloqué le défilé. Pour finir l'armée etc contrainte à s'en aller
@teacherdude: Beaucoup de colère dirigée contre le consulat allemand qui était à côté du stand des VIP, les Grecs voient dans les mesures une occupation étrangère
Le photographe Andreas Kakaris a également publié de nombreuses photos de la manifestation sur Citizenside. La scène a rappelé au journaliste Andreas Panagopoulos les images de la révolution égyptienne :
@AnemosNaftilos: Εικόνα αυτή τη στιγμή ΧΩΡΙΣ αξιολόγηση: Διαδηλωτές, στρατιώτες και τανκς στη μέση του δρόμου… Θυμίζει Φεβρουάριο, φέτος, κάπου αλλού
Le défilé s'est finalement poursuivi, d'une certaine manière, lorsque les manifestants ont pris la place sur la tribune des dignitaires en fuite, chanté l'hymne national et un chant d'insurgés qui incarnait la lutte contre la junte des colonels, et défilé aux côtés des invalides de guerre et anciens combattants tout en les applaudissant. selon le blog local Salonica News, jusqu'à 30.000 personnes ont fini par prendre part à la manifestation de Thessalonique [en grec].
Le défilé du Jour du Non (Okhi) a une signification particulière dans la ville de Thessalonique, située dans le nord du pays. La “co-capitale” de la Grèce est durement touchée par la montée chronique du chômage (les projections sont de 30% pour la fin de cette année [en grec]), et la débâcle industrielle dans la région de Macédoine Centrale. A l'inverse, pendant que la Grèce est à la peine au coeur de la crise de la dette souveraine européenne, elle reste la première importatrice d'armes conventionnelles en Europe depuis 1999, et ses dépenses militaires sont les plus élevées de l'Union Européenne [en français].
Manifestations aux défilés dans de nombreuses villes
A Athènes, des écoliers ont défilé en arborant des brassards noirs de deuil et des joueurs de fanfare ont noué des rubans noirs à leurs instruments. Les jours précédents, un appel sur les réseaux sociaux autour d'un éphémère groupe Facebook (dissous depuis) avait soutenu une manifestation citoyenne pour le Jour du Non (Okhi), sur le thème de la fête nationale (“Nous disons Non !”).
Theodora Economides, une “indignée” et membre du groupe, a tweeté des informations sur la manifestation d'Athènes :
@IrateGreek: #Greece #Syntagma #28ogr #oxi #rbnews Les flics bloquent la vue de (l'avenue) Amalias, cris “pour qui les écoliers vont-ils défiler ? Pour les flics anti-émeute ?”
@IrateGreek: #Greece #Syntagma #28ogr #oxi #rbnews on vient sur moi au hasard pour avoir des tracts et auto-collants #oxi à distribuer à la foule.
Les protestataires, et même les élèves qui défilaient, ont pareillement exprimé dans de nombreuses villes grecques leur désapprobation des mesures d'austérité et de la capitulation ressentie de l'accord de décote. Le journaliste d'Athens News Damian Mac Con Uladh rapporte de Corinthe :
@damomac: Des quantités d'élèves détournent la tête en défilant devant l'Eglise et l'Etat à #korinthos #oxi
@damomac: Les hommes politiques ont dû filer en vitesse après le défilé de #korinthos #oxi. Sans traîner, même si la foule voulait les traîner
Les élèves qui défilaient à Poligiros, en Chalcidique ont exécuté un mouvement synchronisé pour tourner le dos aux dignitaires en défilant sur place, et en Thrace ils ont abandonné le défilé pour se joindre aux manifestants. Des manifestations analogues, ainsi que des cas d'agression de membres du parti au pouvoir se sont aussi produits à Trikala, Kozani, Pyrgos, Lamia, Preveza et dans d'autres cités (le portail de médias citoyens radiobubble news a compilé une liste complète en grec), avec des vidéos de téléphones portables postées ensuite par dizaines sur YouTube. Plusieurs portfolios de photos des manifestations à Athènes, Thessalonique et Patras ont été mis en ligne sur le pôle Demotix des manifestations grecques.
Le photographe Christos Roussis a mis en musique le défilé comme les manifestations en Chalcidique, en nuances de gris – tout à fait le ton des pensées dans une Grèce sous l'emprise de l'austérité :
http://www.youtube.com/watch?v=Ku0Uyb0wXA8
Theodora Economides souligne l'ampleur de ces manifestations :
@IrateGreek: Je me demande si les média étrangers saisissent l'importance que même les petites villes de #Grèce contestent la présence des officiels dans les défilés du #28ogr #oxi
Pourquoi le “non”, et après ?
Le journaliste indépendant Matthew Tsimitakis a exposé les raisons de cet acte sans précédent de défi collectif :
Les Grecs ne se réjouissent pas de la nouvelle de l'accord atteint mercredi à Bruxelles par les dirigeants européens, qui déprécie la dette grecque de 50%. Au contraire, ils craignent qu'elle n'annonce plus d'austérité et de privations frappant des pans encore plus vastes de la population. Les Grecs ont le sentiment que la démocratie est maintenant annulée et que le pays est “occupé” par le FMI, la BCE et la Commission Européenne sous l'autorité des Allemands et transformé en protectorat.
Le blogueur et filtre d'actualité Greekdude fournit un état des lieux mesuré et pessimiste :
J'ai très peur que nous nous engagions dans un enchaînement de ressentiment et de pessimisme. Les raisons n'en manquent pas aux Grecs. Les gens se font licencier chaque jour pendant que de nouvelles taxes et mesures d'austérité sont imposées. Avec le chômage, la criminalité et le taux de pauvreté sont aussi en hausse. Les média exacerbent la situation par leur influence négative sur l'opinion. [..] On ne peut dire que ‘non’ quand sa vie est mise sens dessus dessous et qu'il ne reste que l'incertitude. Pourtant, j'ai peur que la situation ne puisse pas s'améliorer avant que les gens ne franchissent l'étape suivante, si ce n'est pas cela, alors quoi ?
A la fin de cette journée lourde d'émotion, le blogueur Antidrasex, d'ordinaire irrévérencieux et déconneur s'est fendu d'un avertissement :
@Antidrasex: Καληνύχτα σε όλους σας. Το συνάνθρωπο σας και τα μάτια σας. Δεν κερδίζετε φως αν του βγάλετε το μάτι
Le prochain billet de cette série de Global Voices sera consacré aux réactions à ces manifestations sans précédent du jour du “Non” en Grèce.
Ce billet fait partie du dossier spécial (en anglais) de Global Voices sur l'Europe en crise.