Le 28 mars, la Bulgarie a annoncé officiellement l'abandon du chantier de sa centrale nucléaire de Béléné. Le parlement a mis fin à ce projet controversé après des années de discussions et plus d'un demi-milliard d'euros investis dans la construction du premier réacteur. La décision a été annoncée par les médias généraux, mais aussi par un tweet du ministre bulgare des Affaires étrangères, Nikolaï Mladenov :
@nmladenov: #Bulgaria suspend le projet controversé de centrale nucléaire de #Belene qui a coûté des centaines de millions en 31 ans…

Capture d'écran de la page Facebook de la ‘campagne européenne pour empêcher la construction d'une centrale nucléaire dans la zone sismique de Belene, en Bulgarie'
Une bataille de longue haleine [en anglais] entoure cette co-entreprise avec la Russie [en russe], qui devait s'édifier dans une zone sismique active. Les militants n'ont pas cessé de se démener pour mobiliser contre les dangers de construire une centrale nucléaire dans cette région, rappelant le tremblement de terre de Vrancea en 1977, qui fit plus de 1.600 morts. A Svichtov, une grande ville bulgare située à 14 km du chantier, 120 personnes avaient été tuées à l'époque, et le séisme de 1977 détruisit également des bâtiments dans la municipalité de Béléné, à seulement 3 km du site de la future centrale.
Un rapport sur les risques sismiques, produit par Greenpeace et L'Institut de Politiques Vertes de Bulgarie, publié sur le site internet de la coalition nationale anti-nucléaire “BeleNE”, révélait que le rapport précédent était incohérent et qu'aucune réelle évaluation du risque n'avait été effectuée. Ils concluaient donc qu'il n'existe aucun argument en faveur de la sûreté de la zone du point de vue sismique et persistèrent à réclamer l'annulation du projet.
Mais d'autres considérations sont entrées en jeu dans la polémique Béléné. Edvin Sugarev [en anglais], un ancien député, lança un énorme débat sur son blog svobodata.com [en bulgare] (“la liberté”):
Започваме тази гражданска дискусия в момент, в който страната ни е на ръба, отвъд който следва срив: срив на геополитическите ни приоритети, срив на шансовете да се превърнем в нормална европейска страна, срив отново към руската орбита на влияние. Над България е упражнен огромен натиск да бъде подписан протокол 12 от договора за АЕЦ “Белене” – с което този проект става необратим, а нашата енергийна и политическа зависимост от Русия – също. Доколкото можем да съдим по изявленията на българския премиер, управляващите вече са се поддали на натиска – и реално са предали българските национални интереси. Като българи сме длъжни да направим всичко, което е по силите ни, за да не позволим това предателство да стане факт – и то да определя оттук нататък дневния ред на България.
Un point de vue aussi défendu par le renommé journaliste et blogueur Ivo Indjev, qui s'est rendu célèbre par son opposition bien plus virulente au chantier de Béléné. C'est lui qui a été de fait la première personnalité non officielle a être informée [en bulgare] de l'abandon du projet par le Premier Ministre lui-même. Hier, Indjev a demandé [en bulgare] :
След СССР и неговата проекция в Белене отиде в небитието- накъде сега?
L'utilisation du terme “Union Soviétique” n'est pas un hasard : dans ses éditoriaux [en bulgare], Indjev dénomme souvent ainsi la Russie pour décrire les visées impérialistes de cette dernière sur l'ex-“16ème république,” comme on appelait la Bulgarie. Indjev a aussi écrit sur le pouvoir russe, qu'il appelle “la mafia russe”.
Ces propos provocateurs ont fait de lui le mouton noir des média, mais paraissent étayés par la récente fuite des dossiers Stratfor. L'analyste citoyen bulgare Bivol (un partenaire de WikiLeaks pour la Bulgarie) évoque ainsi [en bulgare] une rencontre d'avril 2009 entre le Premier Ministre bulgare d'alors Sergueï Stanichev et le “ministre russe du crime organisé” Iouri Loujkov. Ce dernier est défini comme tel par Stratfor et était en charge d'un budget spécial consacré par le Kremlin aux relations avec les acteurs du crime organisé en Russie. L'objet de cette rencontre est annoncé comme “une négociation en vue d'accroître l'implication de la Russie dans le projet de la centrale nucléaire de Béléné.”
Après l'annonce de l'abandon du projet de centrale nucléaire de Béléné, les média ont affirmé qu'une usine de gaz serait implantée sur le même site, approvisionnée par du gaz russe. Le 30 mars, une délégation bulgare, sous la houlette du ministre nouvellement nommé de l'Economie et de l'Energie, Delyan Dobrev, rencontrait ses homologues russes pour discuter d'une issue à l'amiable de la situation actuelle, car la Bulgarie doit payer une compensation d'un milliard d'euros à la Russie [en russe] en raison de l'annulation du projet. La rencontre a suscité le sarcasme sur Twitter, où Ognyan Georgiev (@OGeorgiev) a écrit :
@OGeorgiev Бедни, бедни Добрев. Руснаците ще го сдъвчат и изплюят. Опасявам се от тази визита. #belene
Bon prince, @OGeorgiev a aussi tweeté une photo d'un manuel de conversation russe, “Le Russe en un jour,” en souhaitant bonne chance à M. Dobrev.
Les réactions à l'annonce officielle ont été mitigées. Andrew MacDowall, un journaliste spécialiste des Balkans, tweete :
@andrewmacdowall: #Belene#nuclear plant (centrale nucléaire) à la ferraille. La fin d'une saga de quarante ans ? La centrale aurait pu être un coup de fouet pour la #Bulgaria http://t.co/ITf1IOhn
De nombreux Bulgares pensent que cette centrale nucléaire aurait pu aider le pays à alléger une facture d'électricité toujours plus élevée. Et la question qui se pose est : comment récupérer l'argent dépensé sur le projet désormais avorté ? Hristo Ivanov (@cipisec) tweete, ironique :
@cipisec: а ся ми вдигнете осигуровките,за да ги избиете RT: @nmladenov:#BG suspends #Belene that has cost hundreds of millions for the last 31 years…
D'autres suggèrent que la construction du réacteur n'était qu'une manoeuvre politique :
Как Ви се струва обаче хипотезата, че всъщност цялото протакане на решението за Белене през последните 2-3 години е било нарочно за пред „публиката“, колкото да се стигне до завършването междувременно и изплащането му на реактора – така че сега да сме в положение с готов и платен реактор и следователно, да бъде почти неизбежно слагането му в Козлодуй? […] Ако се бяхме отказали от АЕЦ Белене още преди 2-3 години, такъв вариант би бил много малко вероятен.
En effet, comme l'a annoncé le Premier Ministre, il suffit à la Bulgarie d'ajouter 140 millions d'euros [en bulgare] pour achever le réacteur. Le site internet satirique Не!Новините (NonInfos) a sa propre version [en bulgare] de ce qui va être construit sur le site de Béléné : une cuve de fermentation géante de rakia, la célèbre eau-de-vie traditionnelle bulgare (dont la teneur en alcool va de 40° à plus de 60°).
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