Un groupe de salafistes a attaqué une exposition artistique, Le Printemps des Arts, à La Marsa (banlieue nord de Tunis) et détruit plusieurs oeuvres qu'ils estimaient blasphématoires pour l'Islam. L'incident, grave mais limité au départ, a vite pris de l'ampleur lorsque des centaines de salafistes – ou bien de voyous – ont attaqué un bureau de police à La Marsa, mis le feu à un tribunal à Sidi Hussein (au sud de Tunis) et empêché les policiers et les pompiers d'intervenir. Des affrontements avec la police ont été signalés dans deux quartiers de l'agglomération tunisoise et la ville côtière de Sousse.
Le résultat a été un couvre-feu débutant lundi 12 juin, après l'escalade des violences, dans l'agglomération de Tunis, à Sousse, Monastir, Tabarka, et d'autres régions à l'intérieur du pays, dont Gabès et Ben Guerdane.
Un officiel du Ministère de l'Intérieur a été cité par les média, indiquant que 162 personnes avaient été interpellées et 65 membres des forces de l'ordre blessés dans les incidents.
C'est une exposition de photographie qui a débuté sous une avalanche sans précédent dans le pays de haine et de désordre, c'est donc aussi en photos qu'il faut raconter le cours des événements. Des photos ont été publiées par dizaines par les Tunisiens qui n'ont pu cacher leur stupéfaction – voire leur amusement – devant cette affaire hors norme.
Les photos controversées
Les internautes ont partagé sur les réseaux sociaux les photographies décrétées à la fois blasphématoires et offensantes pour les musulmans de Tunisie. Leur exposition justifiait, pour certains islamistes radicaux, l'appel au meurtre des jeunes artistes qui en sont les auteurs. Une autre fatwa (décret religieux) a aussi été émise pour tuer des hommes politiques de premier plan.
Les suites
La blogueuse tunisienne Lina Ben Mhenni a documenté le saccage par les émeutiers salafistes des deux bureaux de police de La Marsa et Carthage Byrsa.
Le pouvoir a été complaisant envers les accusations contre les artistes, alimentant par là les tensions et divisions dans la société tunisienne. Le ministre de la culture a répété que c'étaient bien des oeuvres d'art, offensantes pour l'Islam, et a critiqué le “manque de savoir” et l'”amateurisme” des artistes. Il a dénigré en public le sens et la beauté des photos exposées. Pendant ce temps, les appels à de nouvelles manifestations et les violences n'ont pas cessé.
Les internautes réagissent
L'attitude du gouvernement a fait se récrier les internautes tunisiens, qui ont choisi de s'exprimer en caricatures et photos.
Willis Fromtunis a partagé des caricatures pour souligner l'ironie de la situation :
Tout le sel est dans le fait que les artistes – ou auteurs – accusés de blasphème dans le monde musulman sont souvent jugés pour des chefs d'accusation tels que l'atteinte à l'ordre public, et ce sont d'ordinaire ceux qui le perturbent qui restent impunis.
D'autres ont donné libre cours à leur mécontentement du gouvernement, de la situation actuelle, et de l'essor du phénomène salafiste.
Photo publiée avec l'aimable autorisation de Caroline Law
Photo publiée avec l'aimable autorisation de la page Facebook “United Pages for Gossip.”
Image publiée avec l'aimable autorisation de Ghaith Jelassi, faisant référence à la série télévisée d'animation française Avez-vous déjà vu..?.
Dessin publié avec l'aimable autorisation de la page Facebook Flask.
Dessin publié avec l'aimable autorisation de la page Facebook VTV Villains TV
Réconciliation
La tension est montée pendant deux jours, jusqu'à la diffusion par les internautes d'un message conciliant sous le titre “Il n'y a pas deux Tunisie.”
Une nouvelle flash mob a fait sa réapparition dans les médias sociaux. Elle avait été le fait à l'origine de deux associations de la société civile tunisienne, Engagement Citoyens et ACTIF.
Il n'y a pas “deux” Tunisie (flash mob) par mirelle67
La vidéo existe en français et en arabe.
D'autres images sont apparues pour unir à nouveau les Tunisiens, religieux et non-religieux.
Le couvre-feu a été levé vendredi 15 juin, et la situation est revenue à la normale.
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