Trois jours de heurts entre le gouvernement pakistanais dominé par le PML-N, la Ligue Musulmane du Pakistan-N (N pour Nawaz), et les manifestants de l'opposition devant la résidence officielle du Premier Ministre Nawaz Sharif ont laissé au moins trois morts et des centaines de blessés.
Le 1er septembre, des manifestants anti-gouvernement ont envahi et occupé le siège de PTV, la télévision d'Etat pakistanaise, dans la capitale Islamabad. Les transmissions de PTV ont été suspendues pendant 35 minutes, jusqu'à ce que les troupes paramilitaires reprennent le contrôle de la chaîne publique. Peu avant l'interruption, le présentateur annonçait : “Ils ont envahi le siège de PTV. Le personnel de PTV présent est roué de coups.”
Deux partis politiques sont à la tête du mouvement contestataire : le Pakistan Tehrik-e-Insaaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la Justice) de l'ex-star du cricket reconverti dans la politique Imran Khan, et le Pakistan Awami Tehreek (PAT, Mouvement Populaire du Pakistan) du prédicateur soufi anti-talibans Tahir-ul-Qadri. Les deux prétendent que l'élection générale du 23 mai, qui a installé le PML-N au pouvoir après une victoire écrasante, était truquée, et ils réclament la démission du Premier Ministre Nawaz Sharif.
Les affrontements ont commencé au petit matin du 30 août, quand les policiers ont refoulé à coup de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc la foule de manifestants — hommes, femmes et enfants — qui tentaient d'envahir les bureaux du premier ministre.
Police, protesters clash again at Constitutional Avenue http://t.co/jnG3SYSWb7pic.twitter.com/IcRwD41huk
— Dunya TV (@dunyanetwork) September 1, 2014
Policiers et manifestants s'affrontent de nouveau sur l'avenue de la Constitution
La scène à Islamabad s'est transformée en champ de bataille, là où des dizaines de milliers de manifestants pacifiques campaient dans le calme depuis le 14 août en réclamant la démission du Premier Ministre Nawaz Sharif.
Le 18 août, les partisans du PTI de Khan et du PAT de Tahirul Qadri ont pénétré la zone rouge, une zone de sécurité délimitée, qui renferme les principaux bâtiments gouvernementaux, avec les bureaux du premier ministre et les ambassades étrangères. D'ordinaire, seules les personnes munies d'autorisations de la sécurité sont habilitées à entrer dans la zone rouge d'Islamabad. Vingt-mille policiers et paramilitaires ont été appelés en renfort pour garder la zone rouge. Presque toutes les missions étrangères ont fermé depuis le début des violences.
Le Pakistan Tehrik-e-Insaaf affirme que des balles réelles ont été utilisées et que le nombre de morts est supérieur à trois :
So many proofs that gov is using real bullets against peaceful protestors. #AzadiSquarepic.twitter.com/CaFiLk8Sl2
— PTI (@PTIofficial) August 31, 2014
Autant de preuves que le pouvoir utilise des balles réelles contre les manifestants pacifiques.
Hamza Salman, qui tient le compte Twitter du PTI, a partagé la photo d'un homme ensanglanté :
#PunjabPoliceMurdabad Anti-Government Protesters Met with Violent Repression in #Pakistan | http://t.co/0SbcAkwoMA … pic.twitter.com/fs0BNw7NYe
— Hamza Salman (@PTI_tsunami) August 31, 2014
Les manifestants anti-gouvernement confrontés à une violente répression au Pakistan
Arif Alvi, ex-secrétaire général du PTI, écrit que les manifestants étaient pacifiques et ne portaient ni gourdins ni bâtons :
PMLN has attempted to destroy peaceful protest, but we have remained peaceful. Brickbat reactions to bullets, and teargassing will continue
— Dr. Arif Alvi (@ArifAlvi) August 31, 2014
Le PMLN a voulu détruire une contestation pacifique, mais nous sommes restés pacifiques. Réaction aux balles avec des morceaux de briques et lacrymogènes vont se poursuivre
Le politologue Raza Rumi, pour sa part, a vu des manifestants armés de bâtons :
LOL RT @AslamChandio_: @Razarumi Peaceful protestors :) pic.twitter.com/jD9xPoIogk
— Raza Rumi (@Razarumi) August 31, 2014
Mon oeil : manifestants pacifiques :)
وزیراعظم ہاؤس پر دھاوا بول کر پُرامن رہنے کی بات ایسے ہی ہے جیسے کسی کے گھر میں پُرامن طریقے سے ڈاکا ڈالنا : عاصمہ جہانگیر #PTI #PAT
— عمر آہیر | ج جواد (@aaheer_) August 31, 2014
Un assaut pacifique contre la maison du premier ministre, c'est la même chose qu'un cambriolage pacifique chez tout un chacun : Asma Jahangir
Natalia Tariq, une citoyenne ordinaire d'Islamabad, a tweeté :
My driver attacked by mob of protestors in Aabpara market who had sticks and stones and were harassing shopkeepers and police #PAT#PTI
— Natalia Tariq (@NataliaTariq87) August 31, 2014
Mon chauffeur attaqué par une bande de manifestants au marché Aabpara, qui avaient des bâtons et des pierres et molestaient les commerçants et les policiers
ARY news, une des plus grosses télévisions du pays, a rapporté que la police faisait des descentes dans les hôpitaux pour arrêter les manifestants blessés, une affirmation que n'a vérifiée aucune autre source journalistique :
Punjab Police has raided PIMS and is arresting injured people ~ ARY. Pakistan 4 True Democracy. #IslamabadMassacrepic.twitter.com/AY6Fwc1D2V
— PTI (@PTIofficial) August 30, 2014
La police du Pendjab a raflé les blessés au PIMS ~ ARY. Pakistan pour une vraie démocratie.
Rumeurs et théories du complot circulent sur tous les réseaux sociaux. Les messages étaient envoyés via WhatsApp et Facebook par des faux comptes inconnus relayant des articles de presse qui incitaient à la violence et affirmaient que l'Institut pakistanais des sciences médicales, le PIMS, cachait des cadavres et que le bilan était beaucoup plus lourd :
Dead bodies are kept out of sight in the hospitals. Thr is no chance in hell tht thy injured 400 ppl with rubber bullets. #IslamabadMassacre
— Wajahat (@Khattakx) August 31, 2014
Des cadavres sont gardés hors de vue dans les hôpitaux. Il est impensable qu'ils aient blessé 400 personnes avec des balles en caoutchouc.
Le journaliste Moeed Pirzada a tweeté :
#Just came back from PIMS; more than 300 injured; Hosp under pressure to hide figures of dead & Injured; Riot Police in Hospital Corridors#
— Moeed Pirzada (@MoeedNj) August 30, 2014
Je reviens du PIMS ; plus de 300 blessés ; l'hôpital sous pression pour cacher les chiffres des morts et blessés ; policiers anti-émeute dans les couloirs de l'hôpital
De fausses photos des blessés ont aussi été publiées sur les comptes Twitter officiels du PTI et font depuis le tour des médias sociaux. Emrys Schoemaker, un Britannique stratège en communication et expert en technologie installé à Islamabad, a tweeté :
PTI appropriate image of child killed from coverage of Egypt revolution, an image originally from Lahore massacre: pic.twitter.com/uqi7B8t5Nj
— Emrys Schoemaker (@emrys_s) August 30, 2014
L'image appropriée du PTI d'un enfant tué provenant de la couverture de la révolution égyptienne, une image originellement du massacre de Lahore
Les médias pris à partie
Des manifestants en colère ont lancé des pierres sur le siège de Geo TV à Islamabad. Le Réseau Geo est le plus grand groupe de médias du Pakistan et passe pour pro-gouvernement et pro-démocratie. Geo a récemment encouru la fermeture et une amende après une dispute avec l’ISI, les services secrets.
Des ouvriers du PTI attaquent le siège de Geo News à Islamabad par GeoNews
Maria Memon, une journaliste de télévision à Islamabad, a tweeté une photo de l'immeuble de Geo :
Hello work ! Today they are all Gullu Butts #PAT#PTIpic.twitter.com/rfB8sELH9p
— Maria Memon (@Maria_Memon) August 31, 2014
Salut ! Aujourd'hui ce sont tous des Gullu Butts #PAT #PTI
“Gullu Butt” est un terme familier qui désigne au Pakistan un casseur rémunéré, notamment dans un contexte politique.
Dans un autre incident, la police a agressé des journalistes venus couvrir les manifestations.
Le journaliste et présentateur Talat Hussain a tweeté :
The govt has lost it completely. Assaulting media is criminal. Politically, it is suicidal.
— Syed Talat Hussain (@TalatHussain12) August 31, 2014
Le gouvernement a pété les plombs. Agresser les médias est criminel. Politiquement, c'est suicidaire.
Selon des récits des manifestants armés de bâtons ont aussi attaqué des policiers.
Pakistani anti-government protesters beat a riot policeman in Islamabad http://t.co/nl7tUvi03u Photo by Aamir Qureshi pic.twitter.com/V49ifWAw03
— Agence France-Presse (@AFP) September 1, 2014
Des manifestants anti-gouvernement pakistanais frappent un policier anti-émeute à Islamabad