Dans le parc national de Galitchitsa [fr] de Macédoine, un nouveau projet visant à construire un centre de ski ainsi qu'une route menace l'existence de plus d'une centaine d'espèces rares et endémiques, mettant en danger l'écosystème du plus vieux lac d'Europe.
Fin août, le gouvernement macédonien a annoncé un plan d'urbanisme d'une durée de dix ans pour le lac Ohrid [fr] et le parc national de Galitchitsa, au grand désarroi de la communauté scientifique internationale et de nombreux citoyens macédoniens. Les travaux devraient commencer au milieu du parc national de Galitchitsa, qui fait partie de la réserve de biosphère transfrontalière Ohrid-Prespa — l'une des 15 dernières de ce type au monde. Le parc national d'exception est également inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO [fr].
Galitchitsa abrite plus de 5330 espèces différentes de plantes et d'animaux, dont 114 sont endémiques et n'existent nulle part ailleurs dans le monde. Plus de 1500 espèces de papillons et autres lépidoptères vivent dans les prairies de Galitchitsa, dont le papillon Apollon (Parnassius Apollo), menacé d'extinction. Un autre habitant fascinant de Galitchitsa est la petite fleur Crocus cvijicii qui, de même que l'Apollon, figure sur la liste des espèces vulnérables de l'IUCN (l'Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles).
La décision récente du gouvernement macédonien de construire un centre de ski, une autoroute et trois zones de développement touristique au sein de la réserve de biosphère a provoqué une onde de choc chez les écologistes locaux et des citoyens macédoniens, dont certains ont décidé de contester la décision dans les médias et en lançant des pétitions contre le plan d'urbanisme.
Lors de la dernière audience tenue dans le cadre de l’évaluation environnementale stratégique du plan de gestion pour le parc national de Galitchitsa, l'un des auteurs de l'évaluation, Elizabeth Van Zyl, a expliqué que certaines zones nécessitaient d'être reclassées. Van Zyl a proposé que le site soit exclu de la Zone de gestion active (ZAM en anglais) et transféré vers la Zone d'usage durable (ZSU) pour y permettre le développement des infrastructures du projet. C'est au total environ 604 hectares de la ZAM qui devraient passer en ZSU.
Malgré ces suggestions, Van Zyl a aussi souligné que de tels reclassements devraient être évités autant que possible:
Downgrading the zoning is the last resort and should be avoided where and when possible.
Revoir à la baisse le zonage est le dernier recours et devrait être évité quand et où c'est possible.
Pour compenser la perte de biodiversité d'une grande richesse, des mesures de compensation seront appliquées et des zones du parc qui pourraient être affectées par les projets de développement prévus seront remplacées par d'autres zones avec les mêmes espèces, trouvées partout ailleurs dans le pays.
“The problem with this plan is that climate change will completely change the landscape, and in a year we might see beech growing where there is now oak. Which makes this plan completely useless,” said Mr.Lazo Naumoski, a local ecologist.
«Le problème avec ce plan est que le changement climatique va entièrement modifier le paysage, et dans un an nous verrons peut-être des hêtres pousser là où il y a aujourd'hui des chênes. Ce qui rend ce projet complètement inutile», observe M. Lazo Naumoski, un écologiste local.
Cela semble n'être qu'une des nombreuses problématiques concernant le site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en question, et la Macédoine pourrait se retrouver avec une catastrophe écologique de grande ampleur sur les bras en raison du lien étroit entre le lac Prespa [fr], les monts Galitchitsa et le lac Ohrid. D'après une étude menée récemment par des scientifiques de l'Université de Cologne, le lac Ohrid a plus de 1,2 millions d'années, ce qui en fait le plus vieux lac d'Europe.
“The water in Lake Ohrid comes from 40 springs, 17 in Macedonia and the rest are on the Albanian side. Most of those springs are very high in nutrients and have an unstable PH value, but the springs coming from Galichica are full of calcium which balances things out. There is an underground connection between Lake Prespa and Lake Ohrid as Galichica Mountain is limestone, allowing the water to flow from Lake Prespa and towards Lake Ohrid. You’d be endangering two out of three natural lakes in Macedonia,” said Mr. Lazo Naumoski.
«L'eau du lac Ohrid provient de plus de 40 sources, 17 en Macédoine et le reste du côté albanais. La plupart de ces sources sont très riches en nutriments et possèdent une teneur en PH instable, mais les sources qui viennent de Galitchitsa sont riches en calcium ce qui rééquilibre les choses. Il existe une communication souterraine entre le lac Prespa et le lac Ohrid car les monts Galitchitsa sont calcaires, ce qui permet à l'eau de couler du lac Prespa vers le lac Ohrid. Vous allez mettre en danger deux des trois lacs naturels de Macédoine», affirme M. Lazo Naumoski.
Trois zones de développement touristique sont également prévues sur les rives du lac Ohrid. Des complexes hôteliers, des aménagements de luxe et des plages artificielles remplaceront la ceinture de roseaux protégée qui fait aujourd'hui office de filtre et fournit des nutriments au lac et à ses habitants.
“Destroying the shorelines and the reed belts due to construction work, increased infrastructure, and a rise in the amount of tourism will lead to elevated nutrient input to the lake, which may, in turn, cause destruction to large parts of the habitats of Lake Ohrid’s unique fauna,” explained Dr. Bernd Wagner from the Institute of Geology and Mineralogy, University of Cologne.
Comme l'explique le Dr Bernd Wagner de l'Institut de géologie et minéralogie de l'Université de Cologne, «la destruction du littoral et des ceintures de roselières en raison des travaux de construction, de l'augmentation des infrastructures et de la hausse du nombre de touristes va générer un apport en nutriments élevé dans le lac, ce qui, à son tour, pourrait entraîner la destruction de surfaces importantes de l'habitat de la faune exceptionnelle du lac Ohrid.»
Pour sensibiliser sur la faune et la flore que ces projets mettent en danger, l'initiative citoyenne du nom de Ohrid SOS a publié une déclaration et lancé une pétition internationale. La déclaration a déjà été signée par 250 experts internationaux, ainsi que par des touristes qui ont visité la Macédoine et des scientifiques du monde entier qui se sont manifestés pour attester de l'importance du lac Ohrid.
Etant donné les antécédents de la Macédoine en matière d'urbanisation à ce jour, et sachant que la capitale Skopje [fr] est maintenant la ville la plus polluée d'Europe en raison de la multiplication des projets de construction [fr] depuis 2012, ce trésor national pourrait être sérieusement menacé et le pays risque de perdre beaucoup plus à Ohrid que sa seule inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO.