L'autorité électorale mexicaine perd sa crédibilité en annonçant une collaboration avec Facebook

Photo by Flickr user zeevveez. CC BY 2.0

[Billet d'origine publié le 19 février 2018. Les liens renvoient vers des pages en espagnol, sauf mention contraire]

En juillet 2018, les Mexicains devront élire un nouveau président et l'ensemble du pouvoir législatif fédéral sera renouvelé. Au niveau local, neuf États organiseront des élections pour désigner un nouveau gouverneur. Selon certains, il s'agit de l'élection la plus importante de l'histoire du pays, car plus de 3400 mandats seront renouvelés. L'ensemble des acteurs concernés se préparent pour l'événement, à commencer par l'organisme de régulation des élections, l'Institut National Electoral (INE) [fr], qui s'est vanté d'avoir un allié de poids: Facebook.

A l'ère des réseaux sociaux et de la multiplication des interactions humaines via Internet, il paraît logique que l'institution responsable de l'organisation des élections au Mexique ait cherché à s'allier avec l'un des géants de la publicité et du contenu en ligne comme Facebook (selon certaines sources, Facebook et Google constituent un duopole publicitaire qui attire 84% des dépenses en publicité numérique dans le monde).

Mais d'après l'INE, l'objectif est tout autre et attire d'avantage l'attention. Selon l'institution, l'association avec Facebook viserait à lutter contre la propagation de ce qu'on appelle les «fake news».

À ce stade, il convient de préciser que lors de l'élection présidentielle aux États-Unis d'Amérique (pays voisin du Mexique) tenue en 2016, l'opinion publique a largement dénoncé la diffusion de fake news via les réseaux sociaux tels que Facebook, situation qui a vraisemblablement profité [en] au candidat gagnant dans les sondages.

Afin d'éviter une situation similaire au Mexique, l'INE a annoncé sa collaboration avec Facebook en ces termes :

El INE y Facebook México firmaron un convenio con el fin de promover la participación ciudadana en las elecciones del próximo 1 de julio.
A través de esta colaboración, además, se busca contrarrestar noticias falsas.

L'INE et Facebook Mexique ont signé un accord afin d'encourager la participation des citoyens aux élections du 1er Juillet.
Avec cette collaboration, l'objectif est également de lutter contre la diffusion de fausses nouvelles.

L'annonce publiée officiellement par l'INE a été reprise par plusieurs médias. Le portail Plumas Atómicas a explicité la déclaration de l'INE, notant que :

…el INE informó a través de un comunicado que la participación de Facebook iniciará con la difusión de un material informativo dirigido a los usuarios de la red social que tiene la finalidad de facilitar la detección de fake news y así generar decisiones electorales mucho más informadas.

… l'INE a précisé via un communiqué que la participation de Facebook impliquerait la diffusion d'un matériel d'information destiné aux utilisateurs des réseaux sociaux ayant pour but de faciliter la détection de fausses nouvelles et de générer ainsi des décisions électorales beaucoup plus éclairées.

La diffusion des rapports a laissé le public face à deux interrogations clés : En quoi consisterait cette collaboration ? Et comment fonctionnerait-elle dans la pratique ? À ce stade, il paraissait indispensable de connaître le contenu de l'accord passé entre l'INE et Facebook. Mais les organisateurs des élections mexicaines ont fait le choix de répondre par l'opacité : l'INE a déclaré que le document signé avec Facebook ne pouvait pas être divulgué à cause de la présence d'une clause de confidentialité.

Cependant, il existe au Mexique des lois sur la transparence qui ordonnent la diffusion de tous les accords (ou équivalents) que les organismes gouvernementaux signent avec des entités publiques ou privées. Pour cette raison, face la pression sociale, l'INE a publié quelques jours plus tard le document signé avec Facebook Ireland Limited (une filiale de Facebook Inc.). On y découvre que l'accord ne comporte aucune référence à la lutte contre la propagation des fausses nouvelles mais une série de déclarations ambiguës, qui paraissent ne contraindre que l'INE.

Une fois le texte publié, certains utilisateurs de réseaux sociaux ont aidé à divulguer le contenu du document :

L'accord secret entre l'INE et Facebook publié par El Universal.

Ceux qui s'intéressaient au sujet ont été surpris de découvrir que le document en question (composé de sept sections contenues dans un total de trois pages) ne faisait aucune référence aux fake news, ni à la façon dont elles seraient contrées, comme annoncé par l'INE. À ce sujet, Joel H. Santiago a écrit une tribune publiée sur le site de La Silla Rota, dans laquelle il explique :

El tema es que este convenio no dice nada de combatir las fake news, como afirmara Córdova Vianello [presidente del INE], y sí compromete con información proporcionada por el INE durante el proceso electoral y particularmente el día de las elecciones…

Le fait est que cet accord ne dit rien sur la lutte contre les fake news, comme l'a affirmé Cordova Vianello [président de l'INE], par contre, il impose à l'INE de fournir des informations pendant le processus électoral et en particulier le jour des élections …

Puis il conclut  en s'interrogeant sur la prestation de l'instance électorale :

¿Con pifias como esta van a llevar a cabo la organización y cuidado del proceso electoral 2018 en México?

Ils vont organiser et prendre en charge le processus électoral au Mexique en 2018 avec ce genre de bourdes ?

Que dit le document susmentionné ?

Les conditions de la coopération entre l'INE et Facebook sont décrites dans le document comme suit :

Durante el período de elecciones (del 30 de marzo al 1 de julio de 2018), Facebook tiene la intención (pero no la obligación) de hacer que algunos de sus productos de participación ciudadana estén disponibles en su plataforma para sus usuarios en México.
El día de las Elecciones, el Instituto proporcionará a Facebook información en tiempo real sobre los resultados de la votación.

Pendant la période électorale (du 30 mars au 1er juillet 2018), Facebook a l'intention (mais non l'obligation) de rendre certains de ses produits de participation citoyenne disponibles sur sa plateforme pour ses utilisateurs au Mexique.
Le jour du scrutin, l'Institut fournira à Facebook des informations en temps réel sur les résultats du vote.

Ainsi, l'institut chargé d'organiser les élections au Mexique a été identifié dans les réseaux sociaux comme un générateur de «fake news» de fait pour avoir annoncé des objectifs qui ne semblent pas être décrits dans le document dans lequel la collaboration a été formalisée.

Eh bien, il s'est avéré que l'INE a fini par donner de fausses nouvelles, puisqu'en révélant son accord avec Facebook, nous avons vu qu'il ne dit RIEN de la lutte contre les #FakeNews comme annoncé.Ils ont perdu leur crédibilité…

L'utilisateur J. Cabrales Robles a résumé la situation à un « échec » de l'autorité électorale mexicaine :

Echec total de l'INE, la seule chose qui a été faite est de fournir nos informations, voyons si leurs bêtises n'affectent pas les élections.

A l'heure actuelle et au vu du contenu de l'accord signé entre l'INE et Facebook, il paraît clair que ce dernier n'a contracté aucune obligation, ni exprimé ses intentions de lutter contre les fausses nouvelles dont tant de gens parlent ces derniers jours. Rappelons que non loin du Mexique, au Honduras, le Congrès débat d'une loi qui vise à réglementer leur diffusion, également sur la base de questions électorales, également avec des motifs opaques.

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