
Mina Mangal. Capture d'écran d'une vidéo diffusée sur la chaîne YouTube de Suhrab Samadi le 11 mai.
Alors que les conflits et l'insécurité sèment le doute sur les succès récents en Afghanistan, la figure de Mina Mangal s'imposait comme un marqueur de progrès, jusqu'à ce qu'elle soit tuée le 11 mai.
Au moment de sa mort, la jeune femme de 30 ans occupait le poste de conseillère à la chambre basse du Parlement afghan et ambitionnait de faire carrière en politique.
Mais elle était mieux connue des Afghans en tant que présentatrice télé pour trois chaînes privées – Lemar TV, Shamshad TV et Ariana TV – où elle animait un certain nombre d'émissions culturelles et, dans le cas d'Ariana TV, une émission sur les droits des femmes.
Les chaînes indépendantes comme celles-ci ont contribué à redessiner le paysage médiatique du pays suite au “vide informationnel” qui avait cours sous le règne des talibans.
Si l'individu qui a abattu Mina Mangal à 7h30 ce matin-là dans un quartier à l'est de la capitale afghane Kaboul n'est pas encore connu, le père de la jeune femme, Taleb Jan, a expliqué à la BBC qu'il pensait que le meurtre était dû à “un conflit familial” après sa séparation d'avec son ancien mari.
L'institut Nai Media a exigé du gouvernement afghan qu'il tire au clair si le meurtre de Mina Mangal était ou non lié à ses activités professionnelles.
Mais indépendamment du mobile, l'appel de Taleb Jan aux autorités pour “protéger [ses] autres filles et les femmes comme elles qui sortent de chez elles et servent notre société” touche au cœur du débat public suscité par le meurtre.
So sad to hear, Journalist& Advisor to the Parliament #MinaMangal assassinated today in Kabul by unknown person. She was a strong self made woman; RIP #Mina. She isn’t the 1st and wouldn’t be the last lost(unfortunately). Serious protection 4 female journalists! Is what we need pic.twitter.com/6g205oQDA5
— Shagufa Noorzai (@Shagufa_Noorzai) May 11, 2019
J'ai été désolée d'apprendre l'assassinat par un inconnu de la journaliste et conseillère au Parlement Mina Mangal aujourd'hui à Kaboul. C'était une femme forte et indépendante ; RIP Mina. Ce n'est pas la première et ce ne sera pas la dernière à perdre la vie (malheureusement). Il faut mettre en place une protection renforcée pour les femmes journalistes !
Un visage à la télévision
Mina Mangal était déjà une personnalité médiatique de premier plan avant sa nomination en 2017 comme conseillère culturelle à la Wolesi Jirga, la chambre basse du Parlement.
Née dans la province de Paktia en 1989, elle avait travaillé presque dix ans dans les médias après avoir reçu une formation de sage-femme.
Elle s'était récemment réinscrite à l'université pour obtenir une autre licence, cette fois-ci en droit et en science politique.
#MinaMangal was a known #journalist in the country which shot death by unknown gunman today. I hope she Rest In Peace, I am really sorry for her?, no one is able to quite us, we are committed to our work more than past.@UNDPaf @UNDPasiapac @NPeaceNetwork #Afghanistan https://t.co/SXTAlrYe90
— Samim Azad (@AzadSamim) May 11, 2019
Mina Mangal était une journaliste connue dans le pays qui a été abattue par un tireur inconnu aujourd'hui. Qu'elle repose en paix, je suis vraiment désolé pour elle, personne ne pourra nous arrêter, nous sommes plus que jamais dévouées à notre travail.
Completely shocked by the assassination of former TV journalist #MeenaMangal perpetrators must be taken to court. pic.twitter.com/O09WoMPllL
— Shawali kayhan? (@KayhanShawali) May 11, 2019
Complètement sous le choc après l'assassinat de l'ancienne journaliste TV Mina Mangal. Il faut assigner les responsables en justice.
Mina Mangal avait tout récemment écrit sur Facebook, le 2 mai dernier, qu'elle avait reçu des menaces mais n'avait pas indiqué d'où elles provenaient.
Un homme stupide m'a fait savoir que (ma vie) était menacée. Je lui ai dit que j'étais amoureuse de mon pays et que la chose la plus importante était que nous venons de Dieu et qu'à Dieu nous retournons, et que grâce à la grandeur de Dieu personne ne peut me faire du mal, à moi et à ma grande nation. Mort à ces hommes qui menacent des femmes. Ces abrutis savent qui ils sont et que s'ils me menacent de nouveau, je dévoilerai leur nom.
Les membres de la famille de Mina Mangal expliquent qu'elle s'était mariée deux ans plus tôt mais rapidement séparée de son mari, qui lui faisait subir de mauvais traitements. D'après eux, elle avait dû faire face à toute une série de menaces de la part des membres de la famille de son mari au cours des mois qui ont précédé sa mort.
Son père a affirmé publiquement que son ancienne belle-famille l'avait un jour enlevée.
La ministre afghane des Mines et du Pétrole Nargis Nahan a twitté qu'elle travaillait actuellement de pair avec d'autres hauts fonctionnaires à des mesures politiques destinées à protéger les femmes en danger :
قتل مینه منگل قتل آزادی بیان، برابری و صداهای مبازر میباشد. من این عمل وحشیانه را محکوم میکنم. امروز با @ShaharzadAkbar و @hasina_safi صحبت نمودیم تا عاجل یک جلسه در شورای امنیت ملی داشته باشیم جهت تعقیب این قضیه و ایجاد یک میکانیزم برای امنیت زنان که با تهدیدات مواجه اند. pic.twitter.com/bG2NIgVhCY
— Nargis Nehan (@NehanNargis) May 11, 2019
Hassina Safi, ministre de la Culture et de l'Information, Shahzad Akbar, chef adjoint du Conseil de sécurité et moi-même travaillons à une mesure destinée à assurer la sécurité des femmes confrontées à des menaces.
Droits sur le papier, insécurité chronique dans les faits
La mort tragique d'une personnalité publique à la fois femme et journaliste a enflammé le débat autour de la protection accordée aux hommes et aux femmes.
En Afghanistan, les médias privés ont joué un rôle majeur dans la mise en lumière de la violence de genre, mettant à l'ordre du jour des cas individuels de violence domestique, de violences sexuelles commises en bande et de violence collective [fr] contre des femmes dans le débat national.
#Farkhunda was burned to death, #BabyMahsa was kidnapped, raped & killed, #BibiAyesha nose was cut, Women got stoned and today #MinaMangal shoot 9 times. All these crimes took place mainly during the day & mainly in the green zone capital city of #Kabul. #StopKillingWomen pic.twitter.com/X1MUf64fNP
— Diva Patang (@DivaPatang) May 11, 2019
Farkhunda a été brûlée vive, Baby Mahsa a été kidnappée, violée et tuée, on a coupé le nez de Bibi Ayesha, des femmes ont été lapidées et aujourd'hui Mina Mangal a été tuée de 9 balles. Tous ces crimes ont essentiellement eu lieu en plein jour, principalement dans la zone verte [de haute sécurité] de la capitale Kaboul.
En mai 2019, l'agence de presse privée de premier plan Tolo News a rapporté le cas d'une femme enceinte, Parisa, qui aurait été jetée par la fenêtre du sixième étage d'un appartement par son mari et la famille de celui-ci. Selon le compte-rendu, avant sa mort, Parisa était maintenue dans un état d'asservissement par sa belle-famille et n'était pas autorisée à voir sa propre famille.
Ce genre d'histoires trouve un écho important dans une société où la consommation des médias croît rapidement.
Mais, si l'influence des médias en ligne et télévisuels en Afghanistan est indiscutable, la question de la sécurité des journalistes au quotidien reste un véritable cauchemar.
Au début de l'année, deux hommes non identifiés ont investi une station de radio locale dans la région de Takhar et ont ouvert le feu sur les deux journalistes qui se trouvaient dans le bâtiment.
Shafiq Arya, rédacteur en chef intérimaire de 28 ans, et l'animateur de radio Rahimullah Rahmani, 26 ans, sont morts sur le coup. Plusieurs hommes ont été arrêtés par la police, qui n'a pas précisé la raison de l'attaque.
Un rapport publié par Reporters sans frontières en avril indique que 2018 a été l'année la plus meurtrière pour les journalistes qui travaillent dans le pays depuis la chute des talibans. 15 journalistes ont ainsi perdu la vie dans des bombardements et des assassinats ciblés.