L'article d'origine a été publié en bangla le 17 juin 2019.
Tous les liens associés renvoient à des pages en anglais, sauf mention contraire.
Dans la nuit de l'Aïd al-Fitr [fr], le 5 juin 2019, un bâtiment historique centenaire a été détruit en toute clandestinité à Dacca. Le bâtiment, s'inspirant de la structure d'un bateau et appelé localement “Jahaj Bari” (la Maison Bateau littéralement), avait été construit aux alentours de 1870. Il était considéré comme le tout premier établissement commercial dans la capitale du Bangladesh. Sa destruction a conduit de nombreuses personnes à s'exprimer sur les trésors architecturaux négligés de Dacca.
Les communiqués de presse relatent que des sympathisants du parti de la Ligue Awami (AL) au pouvoir ont amené trois bulldozers sur le lieu et démoli l'immeuble. Ces sympathisants affirment que leur dirigeant, le député de la 7e circonscription de Dacca (Dhaka-7) Haji Md. Salim, a acheté la propriété pour y construire un immeuble de plusieurs étages. Les sympathisants de l'AL ont aussi déclaré que l'immeuble n'était mentionné nulle part faisant partie du patrimoine historique.
A statement from the Member of Parliament HAJI SELIM's office claiming that he has bought the property and that he has the right to decide whether to keep the building get rid of it . what about High Court Judgement ?…it seems he… https://t.co/afLCbu0pWh
— usg.dhaka (@USG_Dhaka) June 15, 2019
Une déclaration émanant du bureau du député Haji Selim affirme qu'il a acheté la propriété et qu'il a le droit de décider de conserver l'immeuble ou de s'en débarrasser. Qu'en est-il du jugement de la Haute Cour?
Le 13 août 2018, la Haute Cour de Dacca avait émis une directive à destination de l'agence gouvernementale responsable de la coordination de l'urbanisme à Dacca, l'enjoignant de ne pas approuver ni permettre la démolition ou la modification de 2 200 bâtiments historiques importants dans différents quartiers de la capitale. Le Jahaj Bari faisait aussi partie d'un waqf [fr] (bien de mainmorte [fr]) qui, provenant d'un don de charité, ne pouvait être vendu. D'après le gérant de l’Administration des Waqf du Bangladesh, il est obligatoire d'obtenir une autorisation pour céder, vendre ou développer toute propriété relevant d'un waqf. Contrairement aux allégations des activistes d'AL, cette autorisation n'avait pas été demandée pour la vente et la démolition du bâtiment en question.
En mars 2019, le bâtiment avait déjà été la cible d'une tentative de démolition. Urban Study Group, un groupe à but non lucratif géré par des bénévoles et dédié à la protection de la trame urbaine historique du vieux Dacca, a déposé une plainte pour arrêter la démolition, citant l'ordonnance de la Haute Cour évoquée ci-dessus.
Cependant, d'après les journaux [bn], certains résidents sont satisfaits par la démolition du bâtiment. Ils le trouvaient insalubre et craignaient qu'il ne s'écroule un jour sur eux – indiquant un manque de sensibilisation à la préservation du patrimoine et de soutien à la restauration des bâtiments historiques du Bangladesh.
Patrimoine historique — des mots vides de sens
De nombreuses personnes ont exprimé leur colère à l'annonce de la destruction de l'immeuble. Shuvra Kar [bn] a écrit sur Facebook :
ঐতিহ্য, ইতিহাস, কৃষ্টি এসব এদেশে গাল ভরা কথা!!
Héritage, Histoire, Culture, tous ces mots sont vides de sens dans ce pays!!
L'écrivaine Tania Kamrun Nahar [bn] explique pourquoi ce bâtiment historique aurait dû être sauvé :
তিনতলা ‘জাহাজ বাড়ি’র দোতলায় ছিলো নকশা করা রেলিং, ছাদওয়ালা টানা বারান্দা। আর পুরো অবয়বজুড়ে নানা রকম কারুকাজ। কোণাকৃতির আর্চের সারি, কারুকাজ করা কার্নিশ। কলামে ব্যবহার করা হয়েছিল আয়নিক ও করিন্থিয়ান ক্যাপিটাল। পশ্চিম প্রান্তে আর্চ ও কলামের সাথেও নানারকম অলঙ্করণের ব্যবহার দেখা যায়। সব মিলিয়ে এই ভবনটিতে যে ধরনের অলঙ্করণের ব্যবহার, তা একে এক অনন্য মাত্রা দিয়েছিল। এ ধরনের অলঙ্করণ পুরান ঢাকায় আর কোনো ভবনে দেখা যায় না। সেদিক থেকে এর নান্দনিক গুরুত্বের জন্যই ভবনটি সংরক্ষণ করা প্রয়োজন।
L'immeuble de trois étages qu'était le “Jahaj Bari” recelait au deuxième étage de magnifiques motifs sur ses balustrades ainsi qu'une longue véranda au un toit richement ouvragé, des rangées d'ogives, des corniches décorées. Ses colonnes étaient agrémentées de chapiteaux ioniques et corinthiens [fr]. Sur son versant ouest se trouvaient diverses décorations en plus des arches et des colonnes. L'ensemble des motifs architecturaux déployés sur le bâtiment le rendaient incomparable. Il n'existe aucun autre immeuble dans le vieux Dacca arborant tous ces éléments architecturaux. C'est pourquoi il était nécessaire de sauver ce bâtiment.
La ville de Dacca est devenue la capitale du Bengale en 1610, il y a plus de quatre siècles. Durant les années du règne moghol [fr] et pendant la période coloniale britannique, de nombreux bâtiments ont été érigés, qui font partie de l'histoire et du patrimoine de la ville.
Mais la plupart de ces bâtiments ont disparu depuis longtemps. Ceux qui sont encore debout sont dans un état délabré et sont destinés à être accaparés par des occupants qui en revendiquent la propriété, bien souvent en falsifiant des documents. Le Bara Katra en est un exemple. Ce monument historique, dont l'architecture est remarquable, a été bâti entre 1644 et 1646 par Mir Abul Qasim, le Diwan (équivalent du ministre des finances) du prince moghol Shah Shuja. Le bâtiment est sur le point de s'effondrer en raison du manque d'entretien et de préservation ainsi que des dégâts causés par des occupants illégaux.
Muntasir Mamun a rédigé de nombreux livres sur l'histoire et le patrimoine de la ville de Dacca. Il a écrit dans le journal local Bhorer Kagoj [bn] :গত চার দশক বড়কাটরা ছোটকাটরা সংরক্ষণ করার জন্য কতো আবেদন-নিবেদন করলাম, কেউ শুনল না। আজ সেগুলো ধ্বংস করে ফেলা হয়েছে। প্রতœতত্ত্ব দপ্তর যেখানে লালবাগ কেল্লার দেয়াল ভেঙে ফেলে গাড়ি পার্কিংয়ের জন্য তখন আর কী বলা যায়! মূর্খতার বিরুদ্ধে আর কতো লড়াই করা যায়?
Au cours des quarante dernières années, j'ai intercédé de nombreuses fois auprès des autorités pour sauver les bâtiments historiques tels que Bara Katra et Choto Katra. Mais personne n'a écouté. Aujourd'hui, ils sont détruits. Lorsque le département d'archéologie démolit une partie des murs anciens du fameux Fort de Lalbagh [fr] pour construire un parking, que dire? Comment combattre la stupidité?
Un portail d'actualités en ligne a publié [bn] un rapport détaillé sur la négligence du gouvernement au sujet de ces bâtiments historiques et sur les tentatives de démolition des bâtiments existants par des personnes influentes :
ইতিমধ্যেই শাঁখারী বাজারের হেরিটেজভুক্ত ১৪ নম্বর বাড়িটি ভেঙ্গে ফেলা হয়েছে। সুত্রাপুরের বড় বাড়িটির সিংহভাগই ধ্বংস করা হয়েছে। মোগল আমলের স্মৃতিবাহী বংশাল মুকিম বাজার জামে মসজিদ, সিদ্দিক বাজার জামে মসজিদ সংস্কারের নামে ধ্বংস করা হয়েছে। [..] এসব স্থাপনা রক্ষায় সরকারের সুস্পষ্ট নির্দেশনা থাকলেও রাজউক ও ডিসিসির কর্মকর্তারা রহস্যজনক ভূমিকা পালন করেছে। অনেকক্ষেত্রে এদের নীরবতা ঐতিহ্য ধ্বংস সহায়ক শক্তি হিসাবে কাজ করছে।
La maison historique au numéro 14 de Shahkhari Bazar a déjà été détruite. La majeure partie de la grande maison de Sutrapur a été détruite. Les reliques de la Mosquée Jameh de Bangshal Mukim Bazar de la période moghole, ainsi que celles de la Mosquée Jameh de Siddique Bazar, ont été détruites pour faire place à une nouvelle structure, au nom de prétendues restaurations. […] Il existe des directives officielles pour protéger ces bâtiments historiques, mais le Rajuk [fr] (Rajdhani Unnayan Kartripakkha, chargé de la coordination du développement urbain de Dacca) et la DCC (Dhaka City Corporation, chargée de la gestion municipale de la ville de Dacca) ne font rien. Leur inaction contribue en quelque sorte à la destruction de ce patrimoine.
L'Urban Study Group a organisé des rassemblements et des chaînes humaines pour protester contre ces démolitions. Cette organisation est aussi impliquée dans des actions de sensibilisation à la protection d'autres bâtiments historiques.
Voici quelques images de bâtiments historiques en péril au Bangladesh :