Face à la répression de la loi sur la sécurité nationale, les Hongkongais se montrent créatifs pour résister

Des personnes masquées se tiennent debout à 1 mètre 50 de distance sur une place, on aperçoit des inscriptions sur le bâtiment derrière eux indiquant qu'il appartient à la radiotélévision hongkongaise.

Une manifestation avec distanciation sociale devant le bâtiment de radiodiffusion RTHK. Photo de Candice Chau pour HKFP. Utilisée avec permission.

L'article suivant a été publié à l'origine par Hong Kong Free Press (HKFP) le 15 avril 2021. Cette version, plus courte, est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndt.]

Le 15 avril, Hong Kong a célébré sa première Journée d'éducation à la sécurité nationale depuis que Pékin a imposé la très controversée loi sur la sécurité nationale en juin dernier. Malgré des restrictions croissantes sur l'activité politique et la liberté d'expression, les habitants de la ville continuent à mener des actes de résistance. HKFP se penche sur la façon dont les Hongkongais font entendre leurs voix.

Files d'attentes

Le mois dernier, des centaines de personnes ont fait la queue devant le palais de justice de West Kowloon pour soutenir les 47 démocrates inculpés en vertu de la loi sur la sécurité nationale. Ils sont jugés pour leur participation aux élections du Conseil législatif, reportée depuis.

Ils avaient peu, voire aucune chance d'accéder aux enceintes du tribunal, mais un grand nombre d'entre eux – dont beaucoup étaient vêtus de noir en signe de solidarité – sont restés ordonnés dans la file d'attente pendant des heures pour faire passer leur message.

Malgré une forte présence des forces de l'ordre et un avertissement de la police, les personnes présentes ont chanté les slogans des manifestations tels que « cinq demandes, pas une de moins » et « libérez Hong Kong, la révolution de notre temps », constituant une potentielle violation de la loi sur la sécurité nationale.

Outre les files d'attentes pour assister aux audiences devant les tribunaux, les Hongkongais ont également recours à une activité pour laquelle ils sont réputés : faire la queue devant les magasins. Une pratique utilisée notamment pour soutenir AbouThai, une chaîne de magasins ayant fait l'objet d'une descente des douanes hongkongaises en raison de l'absence d'avertissements de sécurité sur certains de ses produits.

Chasseurs de van, observateurs des tribunaux et lettres aux prisonniers

Selon le Bureau de la sécurité, 10 242 personnes ont été arrêtées lors des manifestations contre le projet de loi sur l'extradition, et 2 521 personnes ont terminé ou sont impliquées dans des procédures judiciaires.

Le nombre d'audiences s'accumulant, un nouveau groupe de personnes a commencé à se rendre au tribunal pour apporter leur solidarité et leur soutien aux militants connus mais également à des personnes inconnues, elles aussi poursuivies lors de ces manifestations.

Lorsque les fourgons pénitentiaires quittent les bâtiments du palais de justice, il n'est pas rare de voir des personnes les poursuivre pour dire au revoir et apporter du soutien aux détenus. D'autres sont devenus des « observateurs des tribunaux », se rendant régulièrement dans les tribunes publiques pour assister aux procès.

L'accès à l'information étant limité derrière les barreaux, les cercles proches des hommes politiques se trouvant en détention provisoire ou en prison fournissent des adresses au public pour qu'ils puissent leur envoyer des lettres.

Des groupes de défense des droits des prisonniers, tels que Wall-fare et Swallow Life, mettent en relation des manifestants emprisonnés avec des membres du public qui deviennent des correspondants pour que les détenus restent en contact avec le monde extérieur.

Wall-fare rassemble également des articles tels que des collations et des produits de nettoyage, préalablement approuvés par le Département des services correctionnels, pour les militants en détention.

Économie jaune

Faire ses achats chez AbouThai n'est pas une tendance isolée. En réalité, de nombreux Hongkongais font l'effort de soutenir les magasins et les restaurants prodémocratie dans leur vie quotidienne.

Ces magasins sont souvent appelés « magasins jaunes », et les internautes dressent des listes de lieux répondant à des critères spécifiques – allant des cinémas jusqu'aux épiceries – dans le but de créer une « économie jaune » et de soutenir le mouvement pro-démocratique.

À l'inverse, beaucoup boycottent les « magasins bleus » affiliés à l’establishment, c'est-à-dire le camp pro-Beijing, et par conséquent à la Chine continentale.

Manifestations avec distanciation sociale

Les manifestations, rallyes et stands de rue ont été adaptés aux réglementations sanitaires anti-pandémie introduites en mars 2020 et sont devenus des réunions en plus petits groupes. Dans les cas où le nombre de participants dépasse les limites stipulées (actuellement un maximum de quatre personnes), les participants veillent à rester socialement distants en se tenant à au moins 1,5 mètre de distance.

Cependant, huit membres de la Ligue des sociaux-démocrates et du Parti travailliste ont été emprisonnés pendant 14 jours et condamnés à 18 mois de prison avec sursis pour une manifestation avec distanciation sociale lors de la fête du Travail de l'année dernière.

En parallèle, beaucoup continuent à déposer en hommage des gerbes de fleurs, des brioches à l'ananas et des souvenirs sur les lieux emblématiques des manifestation de 2019, où des manifestants ont perdu la vie.

Démissions en masse

Tous les législateurs prodémocratie ont quitté le Conseil législatif en novembre 2020 après que le gouvernement a disqualifié quatre de leurs collègues : Kwok Ka-ki, Alvin Yeung, Kenneth Leung et Dennis Kwok.

Cette décision fait suite à l'adoption par le Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire (NPCSC) d'une résolution autorisant le gouvernement à évincer les législateurs qu'ils estiment mettre en danger la sécurité nationale.

Mise à blanc

Après la mise en œuvre de la loi sur la sécurité nationale, le gouvernement a jugé illégal le slogan « Libérez Hong Kong, la révolution de notre temps », populaire lors des manifestations contre le projet de loi sur l'extradition.

En réponse, le public a organisé des manifestations de « pancartes blanches » dans les centres commerciaux de la ville au mois de juillet de l'année dernière.

Des post-it normalement remplis de slogans contestataires et de messages de soutien ont été laissés vides sur des Lennon Wall [fr] à travers la ville.

Lecture de l’Apple Daily

Acheter et lire le tabloïd Apple Daily est devenu un acte de résistance pro-démocratique en soi, son fondateur Jimmy Lai ayant été arrêté et inculpé en vertu de la loi sur la sécurité nationale.

Le magnat des médias est accusé de fraude et d'enfreinte à des baux immobiliers, ainsi que d'avoir utilisé Twitter et son journal pour « demander » aux gouvernements étrangers d'imposer des sanctions aux responsables de Hong Kong et de Chine continentale.

Financement participatif

De nombreux militants et politiciens prodémocratie étant confrontés à des procès et à d'énormes frais de justice, certains d'entre eux ont créé des pages Patreon, permettant aux supporters de s'abonner et d'apporter un soutien financier mensuel, et ainsi couvrir les frais de justice et le coût de la vie.

Malgré la répression policière autour du financement participatif, le 612 Humanitarian Relief Fund, créé en juin 2019 pour financer les frais juridiques et autres dépenses urgentes des manifestants, a collecté plus de 11,5 millions de dollars hongkongais  (environ 1,2 million d'euros) en janvier en l'espace de six jours suite à un appel aux dons.

Jeux vidéos

Les Hongkongais ont également transposé leur activisme politique dans le monde des jeux vidéos. Un groupe d'activistes a développé le jeu Liberate Hong Kong, recréant l'expérience d'une manifestation contre le projet de loi d'extradition.

Le jeu populaire Animal Crossing de Nintendo a également été utilisé pour exprimer la dissidence politique des Hongkongais, créant des messages pro-démocratiques et anti-gouvernementaux dans le monde numérique, avec notamment des drapeaux contenant des slogans protestataires.

Masques jaunes

Associé à la couleur représentant le camp pro-démocratique pendant les manifestations, le port de masques jaunes est devenu un symbole de dissidence, notamment après qu'un juge a demandé [zh] aux personnes présentes au tribunal de changer de masque, car il ne faut pas « exprimer son opinion personnelle au tribunal ».

Toutefois, le fabricant hongkongais de masques Yellowfactory a suspendu ses activités commerciales après que des législateurs et des journaux pro-Pékin ont déclaré que l'un de leurs modèles violait la loi sur la sécurité nationale.

L'un des modèles les plus populaires du fabricant affichait le sigle « F.D.N.O.L. », abréviation du slogan de protestation « Cinq demandes, pas une de moins » [en anglais : Five Demands, Not One Less].

Plaidoirie depuis l'étranger

Les Hongkongais partis vivre à l'étranger continuent aussi à exprimer leur dissidence, même après avoir quitté la ville.

Huit militants pro-démocratiques de Hong Kong en exil volontaire ont lancé une charte appelant à la démocratie et à l'autonomie dans la ville, ainsi qu'à la solidarité entre Hongkongais à l'étranger.

Outre les efforts coordonnés des personnalités les plus connues, les Hongkongais ont aussi organisé des rassemblements pour soutenir d'autres groupes. Par exemple, le 11 avril dernier, des centaines de Hongkongais ont participé au rassemblement de solidarité [zh] organisé à Manchester pour soutenir les manifestants prodémocratie du Myanmar.

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