Mozambique : de nouvelles lois portent atteinte à la liberté d'expression et de la presse

Journaux publiés au Mozambique | pris par Dércio Tsandzana et utilisé avec la permission de l'auteur – 23.08.2018

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Le Mozambique a connu une augmentation des attaques terroristes dans le nord du pays depuis octobre 2021 [fr], en particulier dans la province de Cabo Delgado, créant une longue période de conflit dans la région. Personne ne sait qui se cache derrière ces actes de violence, bien que certains associent l'aggravation des problèmes de pauvreté ou l'augmentation du radicalisme religieux aux principales causes.

Selon le reportage « Cabo Ligado », les attaques à Cabo Delgado ont déjà fait plus de 2 000 morts et déplacé plus de 2 millions de personnes. Alors que de plus en plus de personnes sont touchées, un débat sur l'accès à l'information en temps de conflit émerge également. Il est devenu difficile de trouver des informations fiables sur ce qui se passe sur le terrain et la sécurité des journalistes est de plus en plus menacée.

L'un des cas emblématiques de cette situation est celui d'Ibrahimo Mbaruco, un journaliste disparu en 2020 alors qu'il travaillait quelque part près d'une zone de conflit. Mbaruco a disparu le 7 avril, après avoir été encerclé par des militaires, comme il l’a dit à sa famille. Cependant, deux ans plus tard, les autorités restent silencieuses sur sa disparition.

Le Gouvernement a déjà tenté de contrôler la manière dont les informations sur le terrorisme sont diffusées dans le pays. Par exemple, en novembre 2020, le Président mozambicain, Filipe Nyusi, a enjoint aux Forces armées mozambicaines (FADM) de rétablir la normalité dans les régions du pays touchées par le conflit. Il a spécifiquement attaqué l'utilisation des réseaux sociaux pour diffuser de la désinformation sur Cabo Delgado.

Plus de trois ans après le début des campagnes de terrorisme, le Mozambique se prépare maintenant à introduire la loi en faveur de la répression, la lutte et la prévention du terrorisme et des actions connexes. Elle vise à lutter contre la propagation de fausses informations sur le terrorisme dans le pays. Bien que ces lois soient considérées comme opportunes, les médias s'inquiètent. Le MISA-Mozambique, une entité régionale de défense de la liberté de la presse, s'interroge sur les intentions du Gouvernement derrière cette législation :

Apesar de um instrumento oportuno e cuja aprovação ampliará a salvaguarda da soberania nacional, esta proposta emendada da lei contempla disposições que colidem com a Constituição da República e demais legislação, especialmente no capítulo das Liberdades de Expressão e de Imprensa.

O número 1 do artigo 19 do instrumento legal refere que “aquele que por qualquer meio, divulgar informação classificada no âmbito da presente Lei, é punido com a pena de prisão de 12 a 16 anos.” Esta disposição reveste-se, em si, de injustiça, ao penalizar o jornalismo assim como os cidadãos em geral, e não a quem tem o dever de salvaguardar o “Segredo de Estado”, no caso, o servidor ou funcionário público detentor de tal informação classificada.

O número 2 do mesmo artigo refere que aquele que intencionalmente difundir informação segundo a qual um acto terrorista foi ou é susceptível de ser cometido, sabendo que a informação é falsa é punido com a pena de prisão de 8 a 12 anos. Esta disposição apresenta-se bastante subjectiva e passível de diversas interpretações quanto à noção de “falsidade” da informação veiculada sobre uma presumível acção terrorista. De facto e objectivamente, a veracidade de informações de um presumível acto terrorista é verificável.

Bien qu'il s'agisse d'un instrument opportun dont l'approbation permettra de sauvegarder notre souveraineté nationale, ce projet de loi modifié contient des dispositions contraires à la Constitution de la République et à d'autres législations, notamment dans le chapitre sur la liberté d'expression et de la presse.

L'article 19(1) de l'instrument juridique stipule que « quiconque, par quelque moyen que ce soit, divulgue des informations classifiées en vertu de la présente loi, sera puni d'une peine d'emprisonnement de 12 à 16 ans ». Cette disposition est en soi injuste, car elle pénalise les journalistes ainsi que les citoyens en général, et non ceux qui ont le devoir de sauvegarder les « secrets d'État », en l'occurrence les fonctionnaires ou les agents publics détenant de telles informations classifiées.

Le paragraphe 2 du même article dispose que quiconque diffuse intentionnellement des informations sur la survenance ou non d'un attentat terroriste, en sachant que ces informations sont fausses, sera puni d'une peine d'emprisonnement de 8 à 12 ans. Cette disposition est assez subjective et sujette à plusieurs interprétations quant à la notion de « fausseté » de l'information diffusée sur un acte terroriste présumé. En effet, objectivement, la véracité d'une information sur un acte terroriste présumé est vérifiable.

Après ces critiques, le Parlement a légèrement modifié la formulation de l'un des articles pour déclarer que :

Aquele que, por dever legal, tiver custódia ou sendo funcionário ou agente do Estado aceder à informação classificada por qualquer meio a divulgar, no âmbito da presente Lei, é punido com a pena de prisão de 12 a 16 anos.

Quiconque, de par ses fonctions, a la garde ou est un employé ou un agent de l'État, a accès à des informations classifiées par tout moyen à divulguer, dans le cadre de la présente loi, est puni d'une peine d'emprisonnement de 12 à 16 ans.

Toutefois, bien que MISA-Mozambique se soit félicité de ce changement, l'humeur reste sombre concernant certaines parties de cette loi. L'organisation régionale a déclaré :

Embora a redacção desta norma tenha evoluído, a mesma ainda manifesta sinais de alguma ambiguidade que podem resvalar na violação dos direitos e liberdades dos funcionários públicos, na medida em que não só criminaliza aquele que tem o dever legal de custódia ou de guardar a informação classificada, o que é compreensível, mas também qualquer funcionário ou agente do Estado.

Tal norma não é razoável, uma vez que este funcionário ou agente pode não estar sujeito a obrigação legal de custódia de informação classificada ou sequer saber que a informação que acedeu, por qualquer, meio é classificada. Esse rigor de custódia não deve ser generalizado a todos os funcionários ou agentes do Estado.

Bien que la formulation de cette loi ait changé, elle présente encore une certaine ambiguïté qui peut conduire à la violation des droits et libertés des fonctionnaires, car elle criminalise non seulement la personne qui a le devoir légal de conserver des informations classifiées, ce qui est compréhensible, mais aussi tout fonctionnaire ou agent de l'État.

Cet article n'est pas raisonnable, car cet employé ou agent peut ne pas être soumis à une obligation légale de conservation d'informations classifiées ou même savoir que les informations auxquelles il a eu accès, par quelque moyen que ce soit, sont classifiées. Une telle rigueur dans la conservation de cette loi ne doit pas être généralisée à tous les employés ou agents de l'État.

Liberté de la presse au Mozambique

Selon Reporters sans frontières, une organisation qui surveille la liberté de la presse dans le monde, un nombre important de médias au Mozambique sont contrôlés directement ou indirectement par les autorités ou les membres du parti Frelimo au pouvoir, ce qui entrave considérablement leur indépendance. Alors que la liberté et l'indépendance des journalistes sont censées être garanties par la Constitution, la loi sur la presse et le droit à l'information, la réalité sur le terrain est différente. La législation susmentionnée est peu appliquée, alors que l'État s'oriente de plus en plus vers l'autoritarisme et la propagande d'État.

Pour le classement général de la liberté de la presse en 2022, le Mozambique est classé 116e sur 180 pays [fr] pris en considération. Reporters sans frontières rapporte que les discours hostiles et les attaques contre les journalistes ont augmenté ces dernières années, avec 12 attaques en 2021. Ils notent qu'il est presque impossible pour les journalistes d'entrer dans le nord du pays sans risquer d'être arrêtés.

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