Le gouvernement militaire du Myanmar a exécuté quatre militants anti-coup d'État à la fin du mois de juillet, une décision qui a suscité une condamnation tant sur le plan national qu'à l'international.
C’était la première fois depuis plus de 30 ans que la peine capitale était appliquée par les autorités du Myanmar et qu'on signalait une escalade de la répression après que la junte ait pris le pouvoir par la force en février 2021.
Les quatre militants condamnés à mort étaient Hla Myo Aung, Aung Thura Zaw, Ko Jimmy et Phyo Zeya Thaw. Ils ont été jugés et condamnés par un tribunal militaire sur des accusations de terrorisme. Les partisans de ces hommes affirment que les quatre hommes n'avaient pas bénéficié d'une procédure régulière.
Les dépouilles des militants exécutés n'ont pas encore été remises à leurs familles. Les autorités ont également refusé d'indiquer la date exacte à laquelle les exécutions ont eu lieu, mais elles en ont fait l'annonce le 25 juillet par le biais des médias publics.
L'épouse de Ko Jimmy, Ma Nilar Thein, a publié une déclaration le 20 août condamnant cette exécution. Selon ses dires, il s'agit « d'un acte illégal de meurtre et un crime de guerre. » Elle a raconté comment les autorités ont privé son mari de ses droits de prisonnier d'opinion :
…he didn’t have any rights as a political-prisoner such as prison visits, receiving medicines and foods from the family, and legal representation from a lawyer. And, the trial was also a closed trial too and no one was able to access the trial.
A family member was allowed to have a Zoom Meeting with him for around 20 minutes, just a day before they carried out the execution.
…il n'a bénéficié d'aucun droit en tant que prisonnier politique : pas de visites en prison, pas de médicaments ni de nourriture de la part de sa famille, et n'a même pas eu le droit d'être représenté par un avocat. Le procès était aussi un procès à huis clos et personne n'a pu y assister.
Seulement un jour avant son exécution, un membre de la famille a été autorisé à avoir une réunion Zoom avec lui pendant environ 20 minutes.
Le couple était d’éminents leaders estudiantins de 88 Generation Students, un groupe qui a mené des manifestations pro-démocratie en 1988.
Dans un entretien avec Radio Free Asia (RFA), Ma Nilar Thein a affirmé que la junte sera tenue responsable des injustices qu'elle a commises.
As I have said in the past, they will have to pay one day for each and every crime or whatever they have done. I didn’t say that without a reason. One day, the perpetrators will meet the fate and punishment they deserve for the actions they have committed.
Comme je l'ai dit dans le passé, un jour, ils devront payer pour chaque crime ou quoi que ce soit qu’ils ont commis. Je n'ai pas dit cela sans raison. Un jour, les responsables connaîtront le sort qu'ils méritent et seront tous punis pour les actes qu'ils ont commis.
Elaine Pearson, directrice intérimaire en Asie de Human Rights Watch, a commenté :
Now in 2022 it feels like a nightmare. The executions of Ko Jimmy & others were the first in Myanmar in decades. This escalation is designed to strike fear & show the junta will stop at nothing to eliminate perceived threats to its rule. Nilar Thein & her daughter are in hiding. pic.twitter.com/dV7teBWULn
— Elaine Pearson (@PearsonElaine) August 2, 2022
Aujourd'hui, nous sommes en 2022 et c'est un cauchemar. Les exécutions de Ko Jimmy et des autres militants ont été les premières au Myanmar depuis des décennies. Cette escalade vise à semer la peur et à montrer que la junte ne reculera devant rien pour éliminer les menaces perçues à son règne. Nilar Thein et sa fille se cachent. pic.twitter.com/dV7teBWULn
— Elaine Pearson (@PearsonElaine) 2 août 2022
Phyo Zeya Thaw, un autre militant exécuté par la junte, était un ancien rappeur et député de la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD). La LND était le parti au pouvoir avant le coup d'état de l'armée en 2021.
Sa mère, Khin Win May, a pu lui rendre visite, mais elle ignorait que ce serait la dernière fois qu’elle voyait son fils. Elle a déclaré lors d'une interview avec RFA :
If I only knew it that day, I’d understand that would be the last time we saw each other. My son didn’t know that it was our last meeting either. He even asked me to bring some personal things on my next visit.
Ce jour-là… si seulement je l'avais su. J'aurais su que ce serait la dernière fois que nous nous voyions. Mon fils ignorait aussi que c’était notre dernière rencontre. Il m'a même demandé de lui apporter des affaires personnelles lors de ma prochaine visite.
Elle a ajouté que son fils n’était pas un voyou :
My son was not a thief or a thug. I am proud of him for giving his life for the country. I’m really proud of my son. If I could get his ashes or remains, I would like to make a tomb for him and then put an inscription on it.
Mon fils n’était ni un voleur ni un voyou. Je suis fière de lui pour s'être sacrifié pour son pays. Je suis vraiment fière de mon fils. Si seulement je pouvais recevoir sa dépouille pour lui faire une tombe et y mettre une inscription.
Myint Myint Than, la mère du militant Aung Thura Zaw, a partagé son chagrin dans une interview avec des journalistes locaux :
The pain is unbearable for me as a mother. I wish I had some way to express it. But I really can’t find the words to describe my pain.
La douleur est insoutenable pour moi en tant que mère. J'aimerais pouvoir l'exprimer. Mais je ne trouve vraiment pas les mots pour décrire ma douleur.
Ko Hla Myo Aung n'a pas pu voir sa famille avant son exécution. Son beau-père, U Myint Oo, a parlé des efforts qu'ils ont fournis pour pouvoir lui rendre visite en prison :
At first, he was held in Taungoo Prison. From there he was sent to Insein after the execution orders were confirmed. We went to Insein three times and every time, we were told that he was not there. We were not informed about his death. We could not see him for the last time before his execution.
Au début, il était détenu à la prison de Taungoo. De là, il a été transféré à Insein après la confirmation des ordres d'exécution. Nous sommes allés à Insein trois fois et à chaque fois, on nous a dit qu'il n'était pas là. Nous n'avons pas été informés de sa mort. Nous n'avons pas pu le voir avant son exécution.
L'Association d'assistance aux prisonniers politiques a rapporté qu'au moins 77 personnes sont actuellement condamnées à mort au Myanmar.