Comment les pays africains pourraient réussir à naviguer dans le processus électoral en 2024 ​

Capture d'écran de la vidéo YouTube « L'Afrique en 2024 : Perspective d'une année d'élections » de FRANCE 24 English. Utilisée avec permission.

Des élections sont prévues se tenir cette année dans plusieurs nations Africains. Des élections crédibles et une gouvernance améliorée jouent un rôle central dans la réduction des conflits, favorisant ainsi un impact positif sur les économies des nations. Lorsque les gouvernements sont responsables et transparents, ils créent un environnement propice à l’investissement et à la croissance des entreprises.

Des élections auront lieu cette année au Ghana, en Afrique du Sud, en Algérie, au Mali, au Sénégal, en Mauritanie, en Guinée-Bissau, en Tunisie, au Tchad, au Burkina Faso, au Soudan du Sud, au Rwanda, en Namibie, aux Comores, au Botswana, au Mozambique et à Maurice.

— Africa Facts Zone (@AfricaFactsZone) 1er janvier 2024

Cependant, il y a un manque notable d'optimisme parmi de nombreux Africains en ce qui concerne les élections à venir, cela est dû aux résultats des élections de l'année dernière, notamment au Nigeria, en Sierra Leone et au Zimbabwe. Certains utilisateurs de X (anciennement Twitter) ont manifesté leurs inquiétudes quant au risque que les élections soient truquées et marquées par la violence. À l’inverse, d’autres affichent un espoir que, cette fois-ci, les pays africains parviendront à naviguer avec succès dans le processus électoral.

En 2023, sept pays africains ont organisé des élections et dans chacun d’eux, des inquiétudes ont été soulevées concernant le paysage démocratique du continent.

L'élection au Niger le mois de février, qui a permis à Bola Tinubu de devenir président, a été confrontée à de nombreux problèmes, tels que l'achat de voix, l'intimidation des électeurs, les attaques contre les bureaux de vote et les retards des responsables électoraux. En outre, la Commission électorale nationale indépendante n'a pas réussi à télécharger les résultats des unités de vote sur le portail de visualisation des résultats de la CENI, comme promis le jour du scrutin.

La victoire d'Ali Bongo Ondimba au Gabon lors des élections du mois d'août a été suivie d'un coup d'État conduisant ainsi à l'annulation des résultats des élections.

La Sierra Leone a connu en juin dernier la réélection de Julius Maada Bio à la présidence, mais le principal parti d'opposition a contesté les résultats invoquant « des irrégularités flagrantes ». Les observateurs internationaux ont affiché des inquiétudes sur les incohérences des statistiques dans les résultats de l'élection présidentielle et ont demandé une transparence.

Les élections du mois d'août au Zimbabwe ont donné lieu à des accusations de fraude électorale, de retards dans le scrutin et des arrestations des observateurs du scrutin. Les conséquences ont conduit les défenseurs des droits humains et les partisans de l’opposition à être confrontés à des difficultés.

Madagascar a connu des manifestations demandant le report des élections, mais le président Andry Rajoelina a décidé de les organiser dans un contexte de couvre-feu, du boycott de l'opposition, et de faible participation électorale. La Cour suprême s'est prononcée en faveur du président, lui permettant de se présenter malgré les partis d'opposition qui plaidaient pour sa disqualification en raison de sa citoyenneté française.

Les élections au Libéria ont offert une lueur d'espoir, avec George Weah menant par une très faible marge au premier tour, mais perdant face à Joseph Boakai au second tour. Weah a reconnu pacifiquement sa défaite et les observateurs internationaux, notamment l’Union européenne (UE), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les Etats-Unis, ont salué le processus. Cependant, une tentative de coup d'État a eu lieu en novembre 2023, entraînant des accusations contre l'ex-président de la Sierra Leone, Ernest Bai Koroma, son service de sécurité, Amadu Koita, et 11 autres personnes pour trahison.

En RD Congo, le président sortant Félix Tshisekedi a été réélu fin décembre 2023 pour un second mandat, mais l'opposition a dénoncé les résultats du scrutin

Avec d’autres élections qui se profilent à l’horizon cette année, la question reste de savoir si la situation va s’améliorer. Pour garantir la liberté, l’équité et la paix pour les prochaines élections dans les pays Africains de cette année, de précieuses leçons peuvent être tirées des élections passées sur le continent.

Les élections de 2023 ont souligné l’importance de l'indépendance des tribunaux et d’organismes de gestion électorale pour garantir des transitions de pouvoir transparentes. Comme l'a souligné avec précision Démocratie en Afrique, la crédibilité et le succès des élections peuvent être attribués en partie à la résilience de la Cour suprême d'un pays face aux intimidations du pouvoir exécutif. Les systèmes judiciaires africains devraient imiter l’exemple donné par le Kenya en 2013, où le système judiciaire a résisté aux menaces venant des partisans politiques.

Le rapport de la Westminster Foundation for Democracy (WFD) a souligné la contribution cruciale de la Commission électorale (CE) à la démocratisation au Ghana. L'indépendance de la CE est établie à la fois de jure et de facto, avec la constitution assurant une protection contre tout contrôle externe et le président et les vice-présidents jouissant de l'inamovibilité. Le rapport souligne que l'indépendance de haut degré de la CE joue un rôle majeur dans sa réussite pour la mise en œuvre des recommandations électorales des observateurs internationaux. Il a également déclaré que même si la CE est confrontée à des défis en matière d'indépendance financière, tout en s'appuyant souvent sur les donateurs internationaux en raison de déficits et de retards dans le financement gouvernemental, son historique révèle des efforts délibérés pour se mettre à l'abri de l'influence politique et résister à l'ingérence de l'exécutif.

L’Institut international pour la paix souligne l'efficacité d'une forte présence internationale dans la prévention de la violence lors des élections de 2006 en RDC. Les missions d’observateurs, selon Démocratie en Afrique, doivent aller au-delà de la fourniture de données et de déclarations à la presse. Ils devraient soutenir activement les groupes de la société civile locale pour avertir les gouvernements qui violent le droit de vote des citoyens. Des organisations régionales comme la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) ou la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union africaine (UA) à l'échelle continentale et des missions internationales telles que l'Union européenne (UE), le National Democratic Institute   (NDI) et l’International Republican Institute (IRI)  aux États-Unis devraient aller au-delà de la simple condamnation des mauvaises pratiques électorales. Bien que les missions d’observation ne puissent pas intervenir dans les affaires intérieures, elles peuvent partager les données collectées avec des groupes de la société civile, des partis d’opposition et des partis au pouvoir, leur permettant ainsi de prendre les mesures nécessaires. En revanche, les gouvernements étrangers ont la capacité d’exercer diverses formes de pression sur les gouvernements non démocratiques, comme ils le font aux dictateurs militaires.

En outre, le rapport a souligné la nécessité pour la communauté des donateurs d’investir de manière substantielle dans les organisations de la société civile africaine et dans les technologies électorales électroniques. Ces groupes jouent un rôle central dans la défense de la démocratie, risquant leur sécurité pour défier des gouvernements non démocratiques malgré les menaces des forces de sécurité. Selon la Fondation mondiale pour la démocratie (WFD), une forte mobilisation de la société civile et le soutien des donateurs internationaux ont contribué à la mise en œuvre de la réforme électorale au Ghana. Une relation productive entre la société civile et la CE a assuré l’appropriation locale et la pression en faveur des réformes.

Sur l'ensemble du continent, la mise en œuvre de réformes juridiques est très importante pour apporter des changements substantiels au statu quo politique, en particulier en matière de réglementation du financement politique et d'efforts visant à améliorer la représentation des femmes en politique.

Le succès des futures élections dans les nations africaines dépend des tribunaux et des organes de gestion électorale indépendants, des réformes juridiques, un engagement collectif en faveur de la transparence, une résilience face aux pressions extérieures et un soutien substantiel à la société civile et aux technologies électorales électroniques. Tirer les leçons des expériences passées et mettre en œuvre ces leçons est crucial pour promouvoir la démocratie et garantir des résultats électoraux positifs sur tout le continent.

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